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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Restaurer un film, est-ce le dénaturer ? - 02

Restaurer, est-ce dénaturer ?

 

Une discussion entre Millénaristes



2e VOLET

 

Nico

 

Je pense comme toi, qu'il faut lier la source et les conditions de visionnages lors d'une critique. Non seulement à cause des matériels, mais aussi des réglages techniques (comme le volume du son). D'ailleurs le réalisateur lui même ne regarde probablement pas son film chez lui dans les conditions du tournage...

En tout cas je suis persuadé que cette différence de conditions de visionnage se fait dès le tirage des copies pour le cinéma. D'une copie à l'autre l'image peut être différente. Et puis bientôt il faudra dire que l'on a vu le film en 3D ou pas...
Ensuite, est-ce que pour critiquer un film, il faut aussi parler des conditions autres que techniques nombre de personnes à l'avoir regardé avec toi, l'avais-tu déjà vu avant ? T'en souvenais-tu bien ou non (on peut ne pas aimer un film sous prétexte que l'on s'imaginait voir autre chose, quelque chose dont on pensait se souvenir et qui s'est un peu enjolivé...) ? Il y a plein de facteurs qui entrent en jeu mais là on s'éloigne du débat.

 
Imagine une conversation entre deux personnes qui ont vu le même film : il y a des tas et des tas de variables à prendre en compte si on veut comprendre l'avis de l'autre ! Outre celles évoquées plus haut, il y a le contexte émotionnel (fatigué, content, énervé, distrait...), le contexte de l'âge (peut-on parler de films dont on ne se souvient que très peu ou que l'on n'a pas compris car vu trop jeune), la version vue (si ce sont des versions longues, sans défaut...), le support (ciné, DVD, télé...), la langue (VO, VF), la qualité des sous-titres (les sous-titres respectent-ils les dialogues originaux ?), l'idée que l'on s'est faite du film (ou les souvenirs), si l'on nous en a déjà parlé (un avis trop positif ou inversement peut jouer sur notre propre avis)...

  
Est-ce que le film au cinéma doit être perçu comme le mètre-étalon ? Après tout, quasiment tout le monde a vu l'Attaque des clones sur pellicule alors que le film a été tourné en numérique...

 
Une personne qui a découvert un film en DVD maintenant : que pourra-t-elle penser d'une hypothétique restauration de ce film dans quelques années ?

Je donne un exemple : imaginons, donc, que la Belle au bois dormant soit dans une version HD dénaturée. Une personne qui le voit maintenant et qui un jour le verra sur un autre support dans une version restaurée telle qu'elle était avant (avec des couleurs plus ternes par exemple), qu'en pensera-t-elle ?

Après tout on est assez loin des films noir et blanc colorisés.  
 
J'ai dit que Pinocchio avait une image assez différente selon moi par rapport à toutes les autres versions sorties avant. Quelque part cette édition m'a permis de découvrir des pans entiers de décors qui ont été éclaircis. Est-ce que c'est bien ? Je ne sais pas. En tout cas j'ai remarqué que les plans larges n'avaient pas été redessinés, et certains personnages d'arrière-plan n'ont aucun détail. Donc œuvre trahie ? Peut être pas.


Par exemple, le Roi lion a un plan entier qui a été refait. Il a été refait pour sa sortie Imax (donc cinéma) : alors trahison de la version de 1994, amélioration, ou respect de la version Imax ?

 

Et puis, pour une sortie en DVD d'un film mineur, feras-tu réellement attention au respect ou non de l'image ? Si tu ne peux pas comparer...  
 
L'amélioration d'un film je ne sais pas quoi en penser : j'ai été assez déçu du retrait de la vitre devant le serpent dans le DVD des Aventuriers de l'arche perdue : un petit défaut mais qui faisait partie du charme de ce film.

 

TWIN

Il y a clairement une perturbation, et déjà très en amont.

Il est très difficile, sinon impossible de garder tout au long de la chaîne une copie intègre à 100% d'une œuvre. Après, cela devient plus problématique lorsque l'on passe d'infimes variations à des altérations (voulues ou non) radicales. C'est là que le tournage sur support numérique a tout son intérêt.


Les facteurs subjectifs et objectifs que tu soulignes ont tous leur poids, et c'est d'autant plus déstabilisant. Je ne suis pas sûr effectivement que le film cinéma puisse encore être considéré comme le mètre étalon. Mais attention : c'est un phénomène très récent, applicable aux années 2000. Jusqu'aux années 90, à mon sens, la copie cinéma reste la référence. Je ne dis pas comme j'étais heureux quand, dernièrement, en logeant le blu-ray de Batman forever dans ma platine, je me suis rendu compte que c'était la copie la plus proche du souvenir (biaisé ou non) que je gardais de ma séance cinéma en 1995. Avec ses textures colorées, sa profondeur de champ et ses tons chaleureux !

On s'éloigne un petit peu mais pour en revenir à la question précise de la restauration, il convient de garder une référence. Sinon, on ne peut pas avancer. Ton exemple des différents regards futurs sur le Blu-ray de La Belle au bois dormant est d'ailleurs très parlant à ce niveau. Reste à savoir comment déterminer ce référent, et cela dépend beaucoup des contextes de production (temporalité, technique, pays, etc.).
Même si c'est illusoire, j'estime qu'il faut continuer à se battre dans le sens d'une intégrité maximale. C'est aussi une part de la cinéphilie. La seule raison pour laquelle je n'achète par exemple pas (encore) les éditions de Star Wars avec les copies non retouchées, c'est par espoir qu'elles soient disponibles, en stéréo et même pas forcément en 16/9, en Blu-ray.


Si tout ça peut nous éviter des Parrain, Dracula, Patton ou French Connection, tels qu'on a pu en trouver dernièrement en Blu-ray...

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T
De même, je partage tout à fait ces enjeux. Peux-tu détailler ton dernier point sur la réinterprétation ?
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V
Pertinent et cohérent. Je ne suis pas loin d'avoir cet avis : l'oeuvre, une fois éditée, doit vivre de manière autonome.
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N
Un élément important me semble la différence entre l'aspect technique et ce qui relève de la volonté artistique, donc le domaine réservé de l'auteur. Malheureusement, ce domaine, facilement identifiable lorsqu'il s'agit d'un livre par exemple, devient bien plus flou dans le cas d'un film qui suppose un travail d'équipe entre réalisateur, monteur, scénaristes, acteurs, responsables des effets spéciaux, et cetera.Pire encore, même dans le cadre plus simple de la chose écrite, le problème de la "retouche" se pose. Pour un écrivain, voir son oeuvre être publiée, c'est une satisfaction évidemment, mais c'est aussi un déchirement car (à moins d'être Stephen King et de se payer le luxe d'une réécriture d'oeuvres de jeunesse), l'enfant dont on est le père à l'instant T va vivre sa vie et évoluer sans nous. Et ce n'est peut-être pas plus mal. Le terme "enfant" que j'emploie n'est pas innocent. L'on a tous envie d'avoir des gamins parfaits, forts, intelligents, beaux... mais au final, pourquoi les aime-t-on ?Parce qu'ils ont 150 de QI et une plastique parfaite ou parce qu'ils sont sensibles, pleins de défauts et nous étonnent chaque jour en réalisant des choses que nous les pensions bien incapables de faire ?Pour moi, l'art est une rencontre, l'artiste et le lecteur (dans le cas qui m'intéresse, mais le cas du spectateur me semble assez proche) font chacun la moitié du chemin. Si l'un d'entre eux change la donne, la rencontre est faussée. Il faut accepter les imperfections, quitte à faire la grimace. Car ce qui nous choque ou nous déplait en tant qu'auteurs fait peut-être partie de la subtile magie qui a envoûté le lecteur. Et lui retirer cela n'est pas digne d'un Conteur.Restaurer pour ne pas perdre, oui, il le faut. Restaurer pour rendre plus beau ou plus à la mode, c'est trahir et c'est avoir une prétention esthétique peu acceptable.Auriez-vous envie de coloriser ou de rendre plus nettes de vieilles photographies où apparaissent vos grands-parents ? Le défaut, bien souvent, c'est le vécu, et donc la charge émotionnelle. Chez les collectionneurs d'armes ou de répliques, il est même courant de "vieillir", par des moyens artificiels (mais sans volonté de gruger quiconque) une acquisition trop neuve d'aspect.Le temps est une composante de l'oeuvre. La restaurer, c'est effacer des années, des regards, des émotions. Je suis donc contre mais je ne suis pas hostile, par contre, à des réinterprétations, plus riches de possibilités et moins violentes sur la forme.
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