Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Ouais, parce que,
franchement, j'attends de voir.
Je lis déjà, ici ou ailleurs, chez ceux qui aiment le cinéma et se préoccupent de son avenir, que le film annoncé sera l’un des désastres de la décennie. Ailleurs, on parle du plus grand film de super-héros de tous les temps et on rameute à qui mieux mieux.
Publicité. Annonces accrocheuses. Phrases assassines. Interviews maladroites. Les reproches fusent avant même le visionnement du film. Et nombreux sont ceux qui montent au créneau.
D'abord parce qu'il s'agit d'adaptation et que l'exercice est toujours périlleux : la jouer à la Sin City et tenter le copier-coller ? On rate son coup lamentablement : la BD et le cinéma, même s'ils s'apparentent, sont deux media strictement différents. Essayer de ne conserver que l'idée générale et tenter une relecture moderne ? On essuie les critiques acerbes de ceux qui espéraient retrouver à l'écran tout ce qui leur plaisait dans l'œuvre de départ. Et si l'œuvre est consensuelle et a généré des milliers de fanatiques/admirateurs passionnés, la gageure est immense. Il faut du talent et/ou un certains sens critique, il faut aussi des tripes.
Ce qui se
fait avec les héros Marvel ces derniers temps est symptomatique : soit on n'a pas le courage de vraiment s'investir dans quelque chose de cohérent et ambitieux, et on nous pond un gentillet
Fantastic Four, rigolo, pop et acidulé, mais niais et surtout navrant pour les amateurs
des aventures du quatuor cosmique. D'autres se sont essayés sur Hulk, ils ont eu le mérite de tenter de
concilier esprit comics et relecture moderne avec une réflexion sur la condition humaine : intéressant mais inabouti, et notamment parce qu'ils doivent supporter le poids énorme du personnage
passé au statut de mythe contemporain. Ceux qui arrivent en revanche avec respect, voire déférence, une réelle ambition créatrice et un certain talent de narration parviennent à nous surprendre
et à rendre leur propre vision du héros "acceptable", même pour les fans assidus. J'ai mis le temps à accepter ainsi les versions Burton de Batman (à cause
surtout de l'interprète de Bruce Wayne) mais le recul lui a été favorable. Ce qui a été fait sur les X-Men et sur Spiderman vaut franchement le détour, il y
a une dynamique et une vision qui transcendent le sujet de départ et font vivre les films en parallèle à la série. Cependant, les deux meilleurs films de super-héros restent ceux qui ne reposent
pas sur des personnages existants : Incassable et les Indestructibles. Tout y est, et même plus. C'est respectueux et jouissif, bourré de clins d’œil et pourtant complètement autonome, cohérent et
imaginatif tout en demeurant en permanence sur les rails imposés par les codes du genre ; en outre, ça n'a pas à supporter l'inertie inhérente aux mythes préexistants.
Je n'ai pas les apriori
cinglants de certains sur Snyder : j'aime beaucoup 300, même s'il est maladroit (et
complètement raté pour tout ce qui se passe à Sparte). On lui crache dessus soit par son identité visuelle clipesque, soit pour la vacuité de son sous-texte, soit encore parce qu’il a osé se
frotter à Miller. L'Armée des morts était plutôt cool aussi, quoique primaire et manquant cruellement d’une fin
digne de ce nom (le film donne furieusement l’impression de s’arrêter aux 2/3). Deux films assez fun donc, mettant en avant une expression visuelle « dans l’air du temps » plutôt qu'une
réelle réflexion. Ca ne me dérange pas outre mesure. Snyder est ce qu’il est. Certes, il est loin d’être convaincant en interviews et n’a rien, pour l’heure, du « visionnaire » dont se
gargarisent les campagnes de pub. Qu'il se colle à Watchmen m'a d'abord fait peur, et puis je
me suis dit que, de toutes façons, QUI pouvait honnêtement réussir son adaptation de ce monument ? Quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux, ou de totalement irresponsable. La clef repose entre les
mains des scénaristes avant que le metteur en scène donne une identité réelle à leur interprétation de l’histoire de Moore : l’angle choisi pour
aborder les nombreux sujets dévoilés dans Watchmen sera crucial. Il serait inacceptable d’en faire un film essentiellement orienté spectacle, fondé
sur une profusion d’effets spéciaux qui vont bien, de décors tape-à-l’œil et une bande son tonitruante. Inacceptable. Mieux vaudrait alors modifier un tant soit peu le déroulement et essayer
d’imposer une vision la plus personnelle et percutante possible. Verhoeven a réussi son coup en portant à l’écran un roman superbement écrit mais
politiquement discutable avec son Starship Troopers : c’est suffisamment éloigné du texte originel, qui m’avait fait vibrer, tout en en
conservant l’essence et en y instillant sa verve et son regard acide. On peut aussi choisir une forme d’hommage à la manière dont Singer a dépeint son
Superman returns.
Mais Watchmen nécessitait-il vraiment d’être adapté. Je me (vous) le demande.
Avant la fin de semaine prochaine, je serai fixé. En m’attendant au pire, peut-être aurais-je la chance d’être heureusement surpris ?