Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Lol (Laughing out loud)
Un film de Lisa Azuelos avec Sophie Marceau, Alexandre Astier, Christa Théret & Françoise Fabian
Il a suffi d’une invitation – oui, une de plus – pour que je m’installe à nouveau confortablement dans cette salle, prêt à visionner un film français. Une comédie. Dont je ne savais guère que le fait que Sophie Marceau et Alexandre Astier y apparaissaient, grâce à une bande-annonce sympathique mettant en avant bonne humeur et sentiments.
Une comédie française.
Pas de quoi payer 9€ une place de cinéma toujours trop chère.
Au mieux, je ressortirais avec le souvenir de quelques bons gags ou situations loufoques. Au pire… eh bien, au pire, je n’aurais pas payé. C’était déjà cela.
Mais j’ai oublié de préciser que cela se passait en fin d’après-midi : cela laissait donc la place au visionnage d’un autre film, de mon cru, en DVD ou Blu-Ray, pour terminer la soirée en paix avec moi-même.
Oui je sais, mais les préjugés, fondés sur quelques expériences désastreuses, ont la vie dure : une comédie française, c’est lourd, prétentieux, maladroit, empêtré dans le vaudeville et le gag et souvent niais. On y va à reculons.
Et ça se regarde à la télé.
Pourquoi ? Parce que les grandes salles, les grands écrans, c’est pour le grand spectacle. Et puis, les comédies françaises, on leur préfère ces petites perles britanniques pleine d’humour pince-sans-rire et de romantisme bon teint, fondé sur une galerie de comédiens décalés et brillants ; ou alors, tant qu’à faire du lourd, alors autant prendre les duos Ben Stiller/Owen Wilson ou les films de Judd Apatow : gras, décomplexés, hilarants et tendance.
Et c’est là qu’on se fourvoie.
Bien entendu, je pourrais à présent vous raconter ce film, ou vous en donner quelques aperçus saupoudrés d’avis plus ou moins lénifiants.
Car oui, j’ai aimé, j’ai même été emballé.
Ces petits moments de la vie d'une ado au milieu des siens se sont avérés très agréables, souvent drôles et tendres. Mais il me semble que l’important est ailleurs. Il est dans ce petit discours, très court, de Lisa Azuelos (venue nous présenter son œuvre dont elle est également scénariste en compagnie de la jeune et prometteuse Christa Théret, l’interprète principale) où elle expliquait son goût pour ces comédies douces-amères, pleines de compassion et de fulgurances comiques, construites sur des tranches de vie plutôt que comme des histoires en continu, qui l’ont inspirée et dont elle se revendique sans fausse pudeur, de la Boum, bien entendu – dont Lol semble être un avatar réactualisé – à Diabolo menthe ou encore A nous les petites anglaises. Des petits films qui ont rencontré le succès en leur temps, ont fait les beaux jours des chaînes de télé dans la décennie qui a suivi leur exploitation et qu’on continue à regarder, parfois en cachette parce que, quand même, ça ne vole pas bien haut, n’est-ce pas ? Mais, au contraire, un peu comme on réévalue les farces de De Funès, avec le recul et les années, on s’aperçoit que c’était vraiment bien ces « petits » films. Des comédies populaires qui cherchent avant tout à parler aux gens dans leur langue, à s’approprier leur quotidien en stigmatisant les travers de chacun et, surtout, les problèmes relationnels et générationnels.
Certes, les ados montrés dans Lol nous apparaissent parfois un peu artificiels, malgré la très grande qualité de jeu de Christa Théret qui campe une Lola véhémente et dynamique, parfois touchante : la réalisatrice avoue, encore une fois très sincèrement, qu’elle a dû corriger certaines lignes de dialogue sous la houlette de ses jeunes comédiens nettement plus au fait des tics de langage de la génération MSN. On pourra regretter que les SMS soient rédigés avec si peu d’erreurs (l’enseignant que je suis se doute que cela ne reflète qu’imparfaitement la réalité) mais les situations emportent l’adhésion, avec un enchaînement ménageant ses temps de pause où Anne et son ex-mari reviennent sur le devant de la scène. Etonnant d’assister à cette nervosité patente de Sophie Marceau qui, de rayonnante lorsqu’elle est face à des adultes, se trouve embourbée dans de véritables problèmes de compréhension au moment de dialoguer avec sa fille, au point d’apparaître complètement bornée et superficielle. On sourira devant les gentils quiproquos et on rira devant un portrait sans concession des familles d’accueil anglaises lors du voyage scolaire. Les concerts d’Arthur, Maël et leurs potes rappelleront les belles heures des deux Boum.
Agréable, sans cynisme exacerbé ni véritable effet de mode : oui, contrairement à ce que pensent des parents pourtant « à la page », leurs enfants boivent, fument, couchent et se droguent, mais pas plus qu’eux-mêmes, au point que seul le flic de l’histoire ne s’en offusque pas, relativisant sur ces petites expériences. Pour ceux (dont je suis) qui avaient aimé Comme t’y es belle de la même auteure et réalisatrice, l’adhésion sera aisée. Pour les autres, il faut savoir se démarquer des carcans d’une certaine intelligentsia de la culture et apprécier à sa juste valeur ces petits moments de bonheur fugace.