Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
ShockRockets : Contact !
Un album de Kurt Busiek & Stuart Immonen, édité par Delcourt en 2006.
Il reprend les 6 premiers épisodes de la série ShockRockets publiée par Image Comics puis Dark Horse Comics entre 2000 et 2004.
Couverture cartonnée très solide et mate, papier glacé de bonne qualité. On a droit à la reproduction des covers originales en fin de volume.
4e de couverture : Au lendemain d’une guerre dévastatrice contre une invasion extraterrestre, les Shockrockets forment l’élite de la défense aérienne sur Terre. Intégré par accident à cette équipe hors du commun, le jeune Alejandro Cruz se révèle être un pilote d’exception. Son talent et son courage seront décisifs dans la lutte qui les oppose au général renégat Korda, homme de pouvoir mégalomaniaque.
Au cours d’un échange fructueux avec le dénommé Biaze, un des "Illuminés", j’ai pu acquérir ce volume. J’étais attiré par le thème et les artistes, qui avaient fourni au monde des comics de super-héros quelques beaux numéros. Busiek, le père d’Astro City et de Marvels, véritable puits de science du genre qui sait mieux que personne remettre en selle des personnages qu’on croyait disparus ; son duo avec l’excellent et pointilleux George Pérez a redonné leur gloire aux Avengers de Marvel. Ce n’est pas sa seule collaboration avec Stuart Immonen qui a su illustrer avec maestria des œuvres de Warren Ellis ou Dan Jurgens avant de se consacrer à Ultimate Spider-Man. Il s’agit d’un illustrateur brillant, optant pour des dessins réalistes dans des cadres dynamiques, très « cinéma ». Ici, l’encrage de Wade von Grawbadger semble davantage privilégier l’ambiance que l’aspect techno-futuriste qu’on était en droit d’attendre dans une histoire qu’on nous présente comme « une version SF de Top Gun », un contexte techno-futuriste à la lisière des mangas/animes Patlabor et Robotech. C’est vrai que j’aurais aimé une ligne plus claire et fine, à la manière dont Bob Layton encrait les dessins de Romita Jr sur Iron Man, faisant ressortir les décors, les machines et le côté technologique. Mais ce n’est qu’un point de vue personnel : l’ensemble est agréable, vif et, finalement, passionnant.
Alors que Cruz est immédiatement propulsé comme personnage principal (jeune homme plein d’avenir mais coincé dans une famille pauvre, il se voit offrir une opportunité unique d’œuvrer pour la survie de la planète grâce à ses talents et son esprit d’initiative), les épisodes suivants tâchent de nuancer l’attachement évident du lecteur pour ce héros classique en les ciblant sur l’un de ses partenaires de l’équipe des ShockRockets – en fait, chaque fois, on suit les pensées d’un individu, le récit étant donc fait à la première personne. C’est habile et, passé le moment d’accoutumance (on doit se fier aux codes couleurs des phylactères, mais c’est moins confus que dans, par exemple, DK2 de Frank Miller), on s’y fait facilement. L’avantage est de nous donner un autre angle de vue sur les tribulations du jeune homme, la structure interne de l’escadron et sur les soubassements politiques et économiques d’une telle entreprise car, comme dans tout récit de SF contemporain, il y a un prix à payer pour que ces vaisseaux spéciaux, construits autour d’une interface extraterrestre dopant l’interaction homme/machine et en augmentant les réflexes, puissent voler et exécuter leurs missions de sauvetage et/ou d’intervention armée : ainsi, un consortium fournit l’argent en échange de services obligatoires. Et on sent donc venir les manipulations et autres complots secrets dans ce monde qui a survécu de justesse à l’anéantissement et où les populations ne rêvent que de paix alors qu’un ancien membre des forces de défense terriennes revendique son dû et exige un territoire afin d’y asseoir une autorité dictatoriale. Certes, Korda est présenté comme un ennemi implacable usant de stratagèmes honteux (oui, vous vous doutez qu’il y aura un traître dans l’équipe…) mais Busiek a le bon sens de stigmatiser ses motivations : cet homme a fait plus que de raison pour sauver la Terre, il est en droit d’espérer autre chose qu’une démobilisation.
Cela dit, le récit met surtout en valeur l’action et les opérations virevoltantes de ces vaisseaux qui possèdent chacun des possibilités particulières et un nom de code unique – qui nous replongent aux bons temps de la Bataille des Planètes… Les engins évoluent aussi gracieusement que des danseurs, se croisent et font feu avec sang-froid et précision. Les missiles fusent et les explosions pullulent. Certaines images, sur double page, exploitent l’esthétisme singulier des champs de bataille du futur. Bien que, parfois, cela manque de lisibilité (on a du mal à distinguer entre eux certains des ShockRockets), ce n’est pas dénué de passion.
C’est donc un très beau volume, bien fichu et intéressant, qui en appellent d’autres.
PS. Les liens en rouge renvoient au blog de Neault, Univers Marvel.