Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Faubourg 36
Un film de Christophe Barratier (2008) avec Clovis Cornillac, Gérard Jugnot, Nora Arnezeder,
Kad Merad, Pierre Richard, Bernard-Pierre Donnadieu & François Morel
Résumé FilmdeCulte : Dans un faubourg populaire du nord de Paris en 1936, l'élection printanière du gouvernement de Front Populaire fait naître les plus folles espérances et favorise la montée des extrêmes. C'est là que trois ouvriers du spectacle au chômage décident d'occuper de force le music-hall qui les employait il y a quelques mois encore, pour y monter un "spectacle à succès". Le lieu sera le théâtre de la plus éphémère des belles entreprises.
Encore une fois, cette année, j’ai pu bénéficier d’une avant-première gratuite ; cette fois, c’était en présence du réalisateur, du compositeur et de deux des comédiens. Je n’avais pas eu
l’heur de voir une bande-annonce, ni même une affiche : la rentrée approchant à grand pas, j’avais détourné depuis quelques temps mon esprit de l’actualité du cinéma. J’aurais même pu refuser
l’invitation – en fait, non, même malgré un emploi du temps chargé, je ne pouvais pas décliner l’offre.
Et puis, un film français, au cinéma, je dois bien avouer que ce n’est pas du tout ce que je privilégie : non que je n’y sois pas sensible, c’est juste que, vu le prix des places, j’ai tendance à les réserver pour le grand spectacle u le film de genre. Le débat n’est pas là, je n’ai aucune envie de battre ma coulpe là-dessus.
Alors qu’en attendais-je ? Je ne sais pas trop. Barratier m’avait séduit avec les Choristes, et j’ai très vite compris, au bout de 15 minutes, qu’on retrouverait bon nombre des comédiens. Et, au bout du compte, l’impression est plutôt mitigée : malgré des moyens indéniables, on a l’impression d’assister à un film modeste mais à grand spectacle (oui, je sais !) fondé sur de bons sentiments et de grandes valeurs morales. Film de studio, la reconstitution étonnante d’un faubourg de la capitale martèle l’esprit : les façades usées par le temps, les vieux escaliers aux rampes fragiles, les lampadaires désuets, l’exigüité des places et des ruelles contribuaient à plonger dans une ambiance fleurant bon le Front Populaire. Ce dernier est d’ailleurs constamment à l’écran, par des événements scandant l’histoire de ce cabaret promis à la faillite et maintenu à flots par la volonté de chômeurs rebelles et revanchards. C’est d’ailleurs dans l’union qui soude ces individus si disparates que le métrage trouve sa force, cet esprit de corps qui rappelle des histoires similaires sur fond de French Cancan ou de comédie musicale : entre ce régisseur qui se voit spolier de ses droits paternels (Gérard Jugnot, parfois émouvant mais peinant à convaincre), cet éclairagiste fervent adepte des mouvements syndicaux (Clovis Cornillac, étonnant) et ce comédien raté persuadé d’avoir du talent (Kad Merad toujours très juste), il y a une synergie qui puise dans les fondements de la Nation de quoi se ressourcer malgré les épreuves. Quant à la nouvelle actrice (Nora Arnezeder, qui a passé avec succès la longue litanie des castings), elle est une révélation, très fraîche, d’une indéniable présence et chantant très juste.
L'histoire, l'ambiance et les chansons (pourtant originales – elles sont intégralement composées par Reinhard Wagner, le script ayant été écrit autour d’elles) sont volontairement datées mais la réalisation un peu poussive ne parvient pas toujours à nous emporter : on hésite entre les élans de passion promis par les lumières du music-hall et une empathie bienséante pour ces pauvres types, sans vraiment franchir le pas.
N'empêche, le film demeure sympathique bien que sans aucune surprise. Barratier est un gars qui aime le cinéma, citant régulièrement quelques-uns de ses illustres prédécesseurs, dont John Ford, et qui sait s'entourer (son chef opérateur, Tom Stern a bossé avec Eastwood et a été son Directeur de la Photographie sur Mystic River, Million Dollar Baby, Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo-Jima). Il a réalisé une œuvre sincère, pleine de sensibilité et plutôt bien servie, un peu bancale toutefois, moins fraîche et revigorante que son œuvre précédente.
Pour finir, l’équipe nous a au moins gratifié d’une présentation enjouée, Barratier se prêtant volontiers aux questions de l’auditoire et Cornillac compensant avec malice l’incompétence totale de l’animateur.