Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
... en écriture visuelle.
la Diégèse numérique
Cet article est formé de la reprise partielle d'extraits d'un mémoire de fin de cycle réalisé à l'Université de Metz en 2004.
J'avais choisi d'y aborder la question de l’image numérique dans le cinéma actuel : comment celle-ci en vient à modifier les méthodes de production, le style d’écriture et la réception de certains films, en me basant sur un corpus triplement trilogique formé par Star Wars, Le Seigneur des Anneaux et Matrix, ensembles vectoriels intégrant le numérique comme une entité entière de leur organe de production.
Je vous propose ici, dans le cadre des études de divers procédés cinématographiques lancées par Vance, de verser sur le miroir théorique de la thématique. L'idée est de se fixer sur le fonctionnement du principe diégétique, celui qui lie l'alpha et l'oméga de l'oeuvre et la vectorise comme « possible » à l'écran.
L’article vous sera diffusé en quatre parties, le présent texte s’en voulant constituant la première.
1] Récits de cohérence interne
Pour que les mondes des trilogies citées fonctionnent, il leur faut une cohérence propre, un cadre construit dans lequel quelques éléments choisis peuvent acquérir un certain poids à l’image et se développer, sans que le spectateur ne soit choqué par ce qu’il a devant lui. Si jamais celui qui regarde commence à s’interroger ― pendant le film ― sur la vraisemblance ou la crédibilité de l’univers qui lui est décrit, c’est qu’il y a une faille dans le processus de représentation.
Ainsi, personne ne devra s’étonner dans Star Wars de voir des Jedi, sortes d’agents religieux maîtrisant une Force impalpable, capables de sauter et bondir à des dimensions inhumaines. Même chose pour Matrix, il devra paraître évident que chaque personnage soit affublé d’une prise au dos du crâne, connexion par laquelle les machines recueillent leurs ressources nécessaires et qui sert également aux humains à se brancher à la matrice. Encore, pour Le Seigneur des Anneaux, il ne fera aucun doute qu’un simple Anneau de quelques centimètres de diamètre ait la possibilité d’anéantir le monde.
De cette façon, les mondes de notre triple corpus ne se cristallisent pas sur leur apparence de réalité (ce mot est à bannir de toute caractérisation d’un énoncé filmique), mais bien sur des critères de cohérence, de crédibilité et de vraisemblance.
La diégèse est le processus qui fait exister, narrativement et en tant qu'univers, une oeuvre filmique.
Univers numériques ou non, les mondes décrits dans nos trois trilogies relèvent toujours de la construction diégétique : Star Wars, Le Seigneur des Anneaux, et Matrix sont bien des films de fiction et entrent dans la catégorie du cinéma narratif. On pourra considérer que Matrix s’approche du cinéma expérimental, mais uniquement dans son propos scénaristique, et non via une utilisation abstraite des codes filmiques (1).
(1) Quoique… Le début de Matrix Revolutions présente une « parenthèse » intéressante de ce point de vue. On peut y voir Neo, le héros, sortir du champ par la gauche et, en continu, exactement dans le même plan, y rentrer ensuite par la droite, s’arrêter, et ponctuer ce paradoxe par un « shit » détonnant.
A suivre… « Le déploiement diégétique, 1ère partie ».