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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Wanted : choisis ton destin

[critique] Wanted : choisis ton destin

Confier l’adaptation du comic-book iconoclaste de Mark Millar au réalisateur de Night Watch n’était guère enthousiasmant : quoique prometteur dans ses intentions, le film russe s'emmêlait dans une réalisation emberlificotée percluse de grandes faiblesses narratives, mal compensées par quelques prouesses graphiques très m’as-tu-vu. Cela dit, à bien y réfléchir, cela pouvait également coller de manière spécieuse entre ces deux egos artistiques.
De fait, pendant la première demi-heure, le spectateur, s’il n’a pas lu le texte original, est en droit de se demander si on ne le prend pas sérieusement pour un con - ou plutôt un de ces décérébrés qui ne jouissent (au cinéma) que suivant certains codes bien définis et maîtrisés par les grands décideurs d'Hollywood, ceux qui, tranquillement assis à leur table en chêne rouge (coucou Mr & Mrs Smith !) demanderont à un habile faiseur le taux idéal et la fréquence maximale d'effets visuels plus ou moins virtuoses, de ralentis, de punchlines instantanément cultes, de bruitages démentiels, de mélodies immédiatement reconnaissables et de références raccordées à une mass-culture bien cadrée au travers d'une histoire intemporelle fondée sur une initiation à la dure et un secret immémorial. Les autres, ceux qui connaissaient la mini-série de base, vont s’étonner de la justesse avec laquelle Timur Bekmambetov colle, durant plus de trente minutes, au découpage ultra-dynamique de J.G. Jones.

[critique] Wanted : choisis ton destin

C’est à peu près à ce moment que la bascule s’opère. D’abord dans l’adaptation proprement dite, qui choisit pratiquement de mettre sous silence une bonne partie des sous-intrigues ; puis dans le déroulement des événements. Car pour peu qu’on passe outre ces interrogations légitimes et qu’on choisisse de profiter du moment, alors, oui, on peut kiffer sa race. Parce que l'histoire (malgré quelques trous narratifs un peu gênants et des lacunes explicatives - d'où vient le pouvoir dont jouissent ces assassins millénaires ? Qui - ou quoi - est à l'origine de « la Trame du destin » ? ) se tient, tout en s'alignant sur des centaines d'autres. Parce que les scènes d'action sont vraiment bluffantes, complètement tape-à-l’œil et s'assumant comme telles, avec en outre un brin d'autodérision bienvenue, une ironie parfois délicieusement mordante. Parce qu'Angelina Jolie nous sert là un rôle incroyable (pas sur son potentiel de comédienne, mais fondé essentiellement sur son charisme, sa silhouette et son statut iconique : tout en elle, de sa démarche légèrement dédaigneuse à son éternel demi-sourire, et jusqu’à cette sublime façon qu’elle a d’embrasser son propre destin, est empli d’un style propre, quasi paradigmatique). On s'en prend plein la tronche à l'image de ce pauvre gars qu’est le héros, qui raconte sa vie de merde et se découvre une destinée unique, un pouvoir unique et un père unique – autant d’éléments qui permettront à ce petit con geignard d’accéder à une forme de Panthéon.

[critique] Wanted : choisis ton destin

L’impression qu’on peut avoir, avec le recul, est que les producteurs avaient voulu créer le Matrix de cette décennie : mêmes schémas narratifs (une Initiation, une Quête : un choix de vie à assumer pour asseoir sa place dans ce monde), mêmes codes, mêmes effets intempestifs et outrageusement ostentatoires. Ils y ont mêlé l'image du Père, modèle et martyr : c'est Neo qui rencontre Anakin. Osé, donc. Tentant. Casse-gueule aussi.


Ajoutez-y de belles bagnoles, des flingues, des explosions,

Morgan Freeman, Angelina Jolie et Danny Elfman ; un peu d'humour à saupoudrer parcimonieusement. Ca fonctionne. Aussi jouissif que Jumper mais en plus assumé, moins bêtement prépubère. Une grosse claque. Tant pis pour les neurones. Comme le répète le héros, laconiquement d’abord, puis malicieusement : "Je m'excuse !"

Titre original

Wanted  

Date de sortie en salles

16 juillet 2008 avec Universal Pictures

Date de sortie en vidéo

16 janvier 2009 avec Universal Pictures

Photographie

Mitchell Amundsen

Musique

Danny Elfman

Support & durée

Blu-ray Universal (2009) region B en 2.35 :1 / 110 min

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V
D'autant qu'un avis (et nico l'a souvent souligné) est souvent lié au contexte émotionnel de l'époque où on a visionné le film.
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T
C'est vrai qu'il m'est arrivé de changer radicalement d'avis (Hellboy, par exemple).
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V
Oui c'est fort possible. Fort possible aussi que dans quelques années tu changes d'avis (non que je veuille à tout prix le défendre, mais parce que je sais que les temps changent les opinions). Moi j'ai aimé. Rétrospectivement, il va beaucoup moins loin que le comic qui, lui, est plutôt réussi, quoique un peu m'as-tu-vu, ce qui l'affadit un brin. Je pense que ce n'est pas un film qui se bonifiera.
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T
Je l'ai vu chez des amis (en VF) il y a deux ou trois semaines. J'avais oublié d'en parler mais les commentaires sur Shoot'em up dans l'article qui fait page de garde me l'a remis en tête. Et, en tout honnêteté et sans aucune méprise pour tous les autres, j'ai vraiment et absolument détesté. C'est pour moi l'un des films les plus pitoyables que j'ai jamais vus! Ca a malheureusement créé un petite tension chez les amis en question à la fin du film quand on a voulu en discuter.Vance, je lis et relis ton texte et, sur les mêmes arguments pour le défendre, j'entrevois tous les aspects qui m'ont amené à passer l'une des séances les plus pénibles de ma vie. J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre cet engouement, et je ne parviens jamais à voir les figures classiques de quête, d'élu etc. comme transcendées dans cette oeuvre.J'imagine au final qu'elle appartient à un cinéma qui ne parle pas/plus du tout...
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B
je viens de le voir, et, suivant ton conseil, je me suis assis, j'ai posé mon cerveau... et j'ai savouré... voire même moi aussi kiffé ma race :)mon CR bientôt... le temps que ça murisse un peu...
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V
Oui, d'accord, mais pas assez original - et moins percutant que dans le comics.Disons que j'ai eu d'abord très peur d'être devant un film d'action bourrin sans âme - alors qu'en fait c'est assez jouissif.Merci d'être passé.
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Y
Oui, je suis d'accord avec toi, même si j'ai plus apprécié le début. Wesley le looser, c'était assez savoureux, j'ai trouvé.
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V
Oui, merci d'être passé. En fait, je ne connaissais pas le comic - avant. Sans le connaître, d'après ce que tu en dis, je pense que le propos devait intéresser suffisamment le réalisateur slave qui nous dispensait, dans Night Watch, d'une guerre éternelle entre les forces de l'ombre et de la lumière (pour ce que j'en ai retiré). Dans le film, on sent que le propos est un brin édulcoré (mais peut-êtr epas autant que dans Constantine) mais il est traité de façon à ce que la boucle soit bouclée, avec un changement de point de vue constant suivant les expériences et les découvertes du héros/narrateur : "Comment peut-on honnêtement exécuter quelqu'un qu'on ne connaît pas ? Ah bon, c'est le Destin qui le dit ? Ah bon, sans cela il serait  l'origine de nombreux morts ? Ah bon, on sauve le monde alors ? Etc.") Je schématise, mais c'est à peu près cela. En outre, il se fait manipuler, ne possédant pas - tout comme le spectateur, la connaissance nécessaire pour tirer tout cela au clair. Le côté cynique et décalé que cela pouvait amener n'est qu'effleuré, mais à bon escient, d'autant que le ton respecte assez ce que je connais de Millar.Quant à Matrix, je persiste : l'histoire d'un jeune homme marqué par le destin qui cherche sa place dans la société par le biais d'un groupe de personnes hors du commun qui, justement, interviennent dans cette réalité parce qu'elles détiennent un savoir et des pouvoirs qui les placent en dehors de l'Humanité, dans une oeuvre ultra-référentielle marquée par les morceaux de bravoure visuelle et les répliques acerbes, ça n'est pas autre chose. S'y ajoute l'ombre de ce Père qu'il ne connaît pas mais qui a forgé son avenir, lui transmettant une faculté qui le met en marge du système - et là, on lorgne du côté de Star Wars. Certes, ce n'est pas la première fois, c'est juste que cela me semble assez évident.En tout cas, réflexion et analyse mises à part, c'était plutôt fun. Ne le loupe pas !
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N
Mince, on s'est presque concerté pour le coup !;o)Je précise en premier lieu que je n'ai pas vu le film (je le verrai probablement quand il passera à la télé, je déteste suffisamment les adaptations pour pouvoir me dispenser de les financer directement). Je parle donc du comic."malgré quelques trous narratifs un peu gênants et des lacunes explicatives - d'où vient leur pouvoir ? Qui - ou quoi - est à l'origine de la trame du destin ? "--> C'est surtout sur cela que je voulais rebondir. En fait, dans le film, je suppose que cela doit être gênant tant le spectacteur est habitué à une histoire censée contenir en elle-même tous les codes expliquant son déroulement.Dans le comic, c'est très différent.L'auteur s'adresse...à des lecteurs de comics.Autrement dit, il n'a nul besoin d'expliquer l'origine des pouvoirs dont sont affublés les personnages. Cela n'a pas d'importance, on sait tous que le propos est ailleurs. D'ailleurs, le comic est parsemé de clins d'oeil à la production Marvel ou DC (je ne sais pas si c'est pareil dans le film, j'en doute).Le propos de Millar dans Wanted (essentiellement disons), c'est de raconter ce qui se passe sur le long terme quand les vilains gagnent. C'est cynique, trash, osé...mais ça correspond à des codes naturels que tous les lecteurs de comics déchiffrent aisément. Pour une profana...pardon, une adaptation ciné, il n'y a que deux possibilités :- alourdir le film et détourner les spectateurs du propos originel- tenter de coller au plus près en sachant que l'on s'adresse au grand public et qu'un paquet de scènes et de visuels ne fonctionneront pasEntre les deux, il y a certainement une sorte de soupe tiède mais qui ne satisfera pas grand-monde.Bon Dieu ! Millar est tellement bon (et dieu sait que je conchie ce plouc pour certaines de ses idées) qu'il mérite d'être lu. D'accord, parfois, il n'est pas génial, mais merde, il n'a tué personne, il ne mérite pas d'être "adapté".;o))Ouais, je plaisante.Un peu."J'ai eu soudain cette impression que les producteurs avaient voulu créer le Matrix de la décennie"--> Alors là, par contre, va falloir que je le regarde ce film ! Parce que, à la lecture du comic, je ne vois pas du tout le rapport (et pourtant, je connais un tout petit peu la trilogie, les Animatrix et les webcomics).ps : je suis désolé, ça change de taille et tout, ce n'est pas fait exprès, comme d'hab lol
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J
C'ETAIT GENIAL !!!!!!!Un film où on ne s'ennuie pas, de l'action tout le temps, des effets spéciaux impressionnants, un style à la Matrix avec Angie tout à fait crédible. L'histoire tient debout malgré quelques zones d'ombre sur les origines de leur pouvoir.A VOIR !!!!!
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