Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Voilà typiquement le genre de films auxquels on trouve des tas de raisons de ne pas apprécier, des défauts récurrents, des situations qui ne fonctionnent pas, des faiblesses dans le script, voire un côté un peu trop "fabriqué", mais qui, bon an mal an, malgré tout, ont ce petit goût de revenez-y qui fait qu'on ne rechigne pas trop à le revoir - et à y prendre un plaisir qu'on se plaît à qualifier de coupable.
Certes, le scénario ne vole pas bien haut, c'est la Guerre des Rose en moins cruel, moins finaud, moins retors, avant une bascule aux trois quarts du film vers des situations reprises de True Lies. La plupart des séquences choc sont téléphonées, tout est globalement prévisible. Les seconds rôles ne servent à rien (et pourtant, le personnage de Eddie/Vince Vaughn avait du potentiel), la bande son n'a aucune classe et, si elle utilise un peu à la Masque de Zorro des chansons rythmées pour les scènes de baston, elle ne parvient pas à convaincre. Pire : on a parfois l'impression de se retrouver manipulés par un couple d'acteurs en roue libre, s'envoyant des répliques qui tuent avec une sérénité déconcertante ; le syndrome Ocean's Twelve et ses private jokes n'est pas loin...
Pourtant, ça continue à fonctionner. Parce que c'est Pitt et Jolie, peut-être. Parce qu'ils ont conservé un charisme quasiment indestructible, qu'ils sourient en s'envoyant des gnons, en se foutant sur la tronche comme c'est pas permis, en traversant des fenêtres, des haies et autres obstacles avec à peine deux ou trois coupures vite rapiécées, en butant tout ce qui leur barre la route et en réglant leurs problèmes de couple alors qu'ils jouent leur vie à 150 km/h., en costume ajusté et robe de soirée ou à peine vêtus de ce qui leur reste comme frusques. Bourrin, mais jouissif, parce que la mise en scène, si on exclut quelques effets d'accéléré tape-à-l’œil et une fâcheuse manie de filmer l’action caméra à l’épaule, sait parfaitement cadrer ces personnages hors du commun qui vivent une sorte de rêve américain dysfonctionnel
Alors, oui, certains plans sont tout de même too much (Jane qui a une larme qui perle sur sa joue, mon Dieu comme c'est émouvant !), mais à chaque confrontation attendue, la mayonnaise prend avec une fluidité déconcertante. Les faux-semblants stimulent un jeu du chat et de la souris qui seraient vaguement consentants, mais où chacun guetterait la faille, la lézarde dans la défense de l'autre qui jouerait la contre-offensive sur tous les modes possibles (les coups les plus bas faisant automatiquement le plus mal).
Et c'est quand la sauce a vraiment pris, au bout d'une bonne heure et demi, que le sourire se fige, le contentement se crispe : le dernier quart où ils tentent de s'en sortir ensemble et contre le monde entier est nettement moins prenant, là où on aurait espéré plus de piment, plus d'obstacles et une fin nettement moins Cendrillonnesque. Néanmoins, les clins d'œil rachètent presque tout : là où la bande à Soderbergh avait fini par horripiler, on a tendance à presque tout pardonner.
Les suppléments disponibles dès l'édition DVD proposent des commentaires audio
en bonus peu convaincants, ainsi qu’un documentaire sur la préparation d’une séquence et trois scènes coupées (en VOST) ; celles-ci insistent un peu plus sur le caractère comique (notamment chez Vince Vaughn qui monologue à qui mieux mieux) mais n’apportent rien à l’ensemble, sauf peut-être l'une d'elles qui nous montrait comment Jane dénichait la cache d’armes de son mari, détail délaissé au montage final. A la rigueur, il vaut mieux se contenter des anecdotes croustillantes sur le tournage trouvables çà et là, qui illustrent bien la nature des rapports électriques entre ces deux mégastars qui finiront par n'en faire plus qu'une.
Bref, un bon produit d’entertainment qui touche son public avec une facilité désarmante.
Titre original | Mr & Mrs Smith |
Date de sortie en salles | 27 juillet 2005 avec SND |
Date de sortie en vidéo | 1er février 2006 avec M6 Vidéo |
Photographie | Bojan Bazelli |
Musique | John Powell & Julianne Jordan |
Support & durée | 35 mm en 2.35 :1 / 120 min |