Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
A l'époque, Tony Jaa était présenté comme l'acteur capable de combler les attentes des amateurs de bons films d'arts martiaux dotés de vedettes aussi charismatiques qu'invincibles. En outre, il introduisait un art martial peu présent à l'écran alors mais furieusement cinégénique. Qu'en est-il au juste ?
Pas grand chose, en fait. Tony Jaa, qui a un fort potentiel, n'a pas le charisme de ses prédécesseurs : il est certes jeune et incroyablement doué pour la voltige et le combat. Seulement, il est vraiment inexpressif au possible, le rôle qu'il interprète le mieux étant celui du mec-qui-ne-veut-pas-se-battre (un comble !). Heureusement, on ne lui a pas confié de jeune femme à séduire ou de crise d'identité à assumer, ou même de séquences où on le verrait douter de lui-même ou de sa cause. Non : il a une mission à accomplir, il ira jusqu'au bout. Pas d'état d'âme chez ce garçon, c'est un bon petit soldat.
Le film se reposant essentiellement sur lui s'avère en lui-même est un peu bancal. On pourrait le résumer ainsi :
1. une longue introduction très (très) didactique, avec tous les balisages et explications nécessaires à ceux qui auraient moins de 10 ans et ne comprendraient pas ce qu'ils sont venus voir - en gros, on leur expose le programme, on leur montre leur héros et leur méchant et la suite au prochain numéro...
2. une vague enquête (mais vraiment vague), se résumant à la recherche d'un gars qui travaille pour un autre méchant - là aussi, très facilement reconnaissable à son laryngophone - et dans laquelle on retrouve quelques considérations sur les ravages de la drogue chez les jeunes paumés et le trafic d'œuvres d'art (c'est à dire le pillage du patrimoine artistique et culturel de la Thaïlande) ; à mots couverts, on peut comprendre une défense de la société thaï et de ses traditions (les gens du village, ces paysans, sont "vrais" et "sincères", ils ne sont pas pervertis par l'Occident qu'on retrouve dans tous les lieux mal famés de la ville). En cela, j'ai beaucoup aimé la pseudo-rivalité birmane/thaï ("les Birmans aussi connaissent le muay-thaï"), ça m'a rappelé celle entre les Chinois et les Japonais des films de Bruce Lee.
3. des combats, de la castagne, des coups. Ralala, c'est qu'on nous fait poireauter avant de commencer à en profiter - genre Shaolin Soccer "mais quand est-ce qu'ils vont commencer à jouer ?". Le premier combat dure une demi-seconde : un coup et c'est fini. Génial. Ca rappelle de grands souvenirs, le plus récent dans Fighter in the wind. Mais bon, là, le prochain se fait désirer. Heureusement, il tient toutes ses promesses, avec des adversaires assez marrants. Au troisième, on s'aperçoit que Ting sait aussi encaisser. Cool. Moins cool : la bande son, assez pitoyable.
4. Bon, il y a deux scènes de poursuite, l'une à pied où Tony Jaa montre qu'il est un acrobate complet (mouais, très démonstratif comme j’ai pu le lire par ailleurs, ça fait un peu Jackie Chan mais on se marre quand même), l'autre en taxi, assez mal montée (on ne sait plus qui poursuit qui) et souffrant de baisse de rythme.
Mais je reviens sur les combats, parfaitement lisibles, d'une fluidité excellente : les passes sont bien cadrées, pas de plans de coupe sur un regard ou un geste, tout est concentré sur l'action et les protagonistes. A part les ralentis trop nombreux (mais ils interviennent après qu'on a vu la scène en vitesse réelle), ils démontrent une vraie efficacité dans la mise en scène. Pas de câbles, certains coups semblent portés, et Jaa se déplace à une vitesse incroyable, surgissant parfois à l'écran pour démonter son adversaire. Coups de coudes dévastateurs, coups de genoux foudroyants : le muay-thaï permet de frapper avec des parties du corps inhabituelles.
C'est aussi creux que la Fureur du Dragon mais aussi jouissif aussi. Les sub-plots apparaissent et disparaissent sans être résolues, ce qui laisse à penser qu'il y a sans doute un autre montage plus long de ce film, ou alors que les chutes de ces quatre ans de préparation serviront à la suite. Du coup, le film se résume à ces combats, le reste n’ayant aucune valeur et force est de constater qu’on n’a ni la virtuosité qu’on peut admirer chez un Jet Li (Fist of Legend, Il était une fois en Chine), ni le magnétisme animal de Bruce Lee : même pour les amateurs de baston, c’est peu.
Au final, une œuvre pas déplaisante, clairement axée sur la dynamique de l’affrontement et les performances (physiques) de l’acteur. Pas suffisant pour entrer au panthéon du genre.
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Titre original |
Ong-Bak |
Réalisation |
Prachya Pinkaew |
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Date de sortie |
7 avril 2004 avec Europa Corp |
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Scénario |
Suphachai Sittiaumponpan, Sukanya Vongsthapat, Prachya Pinkaew & Panna Rittikrai |
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Distribution |
Tony Jaa, Petthai Wongkhamlao & Pumwaree Yodkamol |
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Photographie |
Nuttawut Kittikun |
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Musique |
Romaric Laurence |
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Support & durée |
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Synopsis : Le village de Nong Pradu voit le malheur s’abattre sur ses habitants lorsque la tête de leur statue Ong-Bak est dérobée par un petit voleur sans envergure et sans aucun goût. Ting se porte volontaire pour partir en ville récupérer la fameuse tête, sans laquelle la pluie ne tombera pas, les récoltes ne pousseront pas, et les vieilles édentées ne s’arrêteront pas de pleurer.