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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Da Vinci Code : sacré Graal !

[critique] Da Vinci Code : sacré Graal !
Da Vinci Code

Cette adaptation consciencieuse d’un best-seller discutable s’avère un spectacle honnête quoique bancal qui vaut davantage pour les discussions de haute volée menées avec un enthousiasme communicatif par des experts passionnés (Langdon et Teabing, respectivement Tom Hanks, malheureusement assez peu charismatique, et Ian McKellen, décidément fascinant) que pour l’aspect chasse au trésor-convoité-par-d’autres qui souffre terriblement de rebondissements discutables, de situations ridicules et d’un rythme inégal. 

C’est sans doute le principal problème de ce film : le scénario n’a d’intérêt que dans ce qu’il parvient à tripoter un brin l’Histoire afin d’en découvrir les dessous plus ou moins glorieux. C’est uniquement par le biais d’énigmes et de codes fondés sur le symbolisme et une solide connaissance des principaux aspects de la culture judéo-chrétienne que l’on progresse dans cette initiation forcée par les événements (la mort de dépositaires d’un savoir mystérieux pour lequel certains sont prêts à tuer). Ceux que ça intéresse, et qui se sont déjà frottés aux Templiers, à la Franc-Maçonnerie, au mythe des origines, aux fondements de la royauté sacrée ou du christianisme, au symbolisme sous toutes ses formes ou qui ont eu vent de l’affaire du Prieuré de Sion, de l’imposture de Pierre Plantard, du Trésor de Béranger Saunière ou de celui des (encore !) Templiers, tous ceux-là vont se retrouver en terrain connu : on abordera sous leurs yeux, avec des démonstrations parfois un peu naïves, incomplètes, d’autres fois plutôt efficaces et habiles, certains des mystères sur lesquels l’Histoire officielle a posé un voile bien opaque (voire qu’elle a scellé de « Sept Sceaux apocalyptiques » comme le dirait Gérard de Sède, grand spécialiste de l’investigation occulte, aujourd’hui disparu) et ce, depuis des siècles. Il y est donc question de pouvoir et de connaissance, et d’un secret ultime. Cela pourrait donc être haletant : les fondements sur lesquels reposent notre société actuelle seraient remis en cause, ou à tout le moins ébranlés.

Las ! Même si la musique remplit son office dans les moments de tension (le morceau final de la partition de Hans Zimmer, Chevaliers de Sangreal, est assez impressionnant), si Audrey Tautou se montre relativement convaincante une fois plongée dans l’aventure (elle met cependant un certain temps à se décoincer), le déroulement est abracadabrant, les personnages se sortent des pièges tendus avec une désinvolture confondante et se retrouvent poursuivis par d’autres aux desseins souvent nébuleux, plus ou moins manipulés – et nous revoilà dans la spirale du complot ourdi par des hommes de l’ombre. Qui tire les ficelles ? Le suspense-là n’a pas trop d’intérêt, de même que l’attitude de l’Opus Dei, caricaturé à mort et qui perd toute crédibilité. Du coup, on a du mal à se passionner, bien que le contenu soit suffisamment fort pour entretenir l’intérêt, surtout pour peu qu’on possède quelques rudiments : les profanes risquent de flancher sous le flot presque ininterrompu d’informations ésotériques et de références absconses ; les autres, plus curieux, alléchés par le mystère et les secrets faisant trembler jusqu’aux plus puissants, tendront l’oreille et tenteront de démêler l’écheveau. Cependant, la révélation finale demeure tellement évidente (et déjà largement spoilée sur tous les médias) qu’il ne faut même pas s’attendre à une surprise de taille.

Reste néanmoins le fait que tous les éléments soumis à l’analyse peuvent être différemment interprétés, ce que Ron Howard, le réalisateur, ne se prive pas de souligner avec un second degré étonnant et – peut-être – salvateur : Langdon, après la brillante démonstration du Lord anglais sur le tableau de la Cène, rappelle ainsi qu’on peut lui faire dire à peu près tout et son contraire ; on est loin des affirmations péremptoires de Dan Brown (l’auteur qui s’est fait son beurre sur la controverse) lequel affirmait que tout était avéré dans son ouvrage – malheureusement, les sources rapportées étaient trop peu fiables pour résister à un examen attentif. D’ailleurs, les deux érudits de notre film ne se privent pas de quelques mots d’humour qui allègent considérablement le propos, recadrant chaque fois le spectateur dans une dynamique de spectacle entre rebondissements farfelus et mystères de bon aloi. Cette façon assez subtile de se démarquer du ton catégorique du livre m’est apparue comme une bonne chose et m’a permis de mieux apprécier l’ensemble de l’œuvre. 

De même, les passages en flashback, bien qu’ils aient eu tendance à appuyer le trait - notamment la scène de l’accident, qui m’a secoué – étaient plutôt réussis. L’aspect jeu de piste offrait en outre la perspective de visites de monuments attrayants. En revanche, les Français du film font peine à voir, Jean Reno nous servant un Frenchie digne de celui de Godzilla, en (presque) plus caricatural. Dommage. Quant à Paul Bettany, il campe un Silas inquiétant et plein de possibilités mais véritablement desservi par un script incompréhensible qui en fait une Némésis inutile.

Que dire enfin du produit lui-même et des débats qu’il continue à entretenir, ainsi que cette déferlante de passions qui nous amène de nouveau à nous pencher sur nos origines, à disséquer les événements les plus mystérieux de notre Histoire afin d’en tirer quelques hypothèses plus rassurantes – ou plus angoissantes encore. Que le livre (encore une fois, aux déductions très discutables et peu originales – on en trouvera un condensé dans l’Enigme sacrée qui avait eu son heure de gloire au début des années 80 et avait vu trois auteurs nous proposer des théories aussi fascinantes que saugrenues en se reposant sur des faux et les allégations de mythomanes… cf. l'article de Wikipédia) ait fait un carton n’est pas, en soi, une mauvaise chose, pour le coup : il aura relancé l’intérêt du public pour ce genre de littérature qui, même si bâtie à 90% sur des élucubrations fumeuses, nous propose une autre façon d’envisager notre quotidien.

Plus intéressant mais moins palpitant que Anges & Démons, en attendant Inferno qui débarquera bientôt.

 

 

da-vinci-affiche.jpg

Titre original

The Da Vinci Code

Mise en scène 

Ron Howard

Date de sortie France 

17 mai 2006 avec Gaumont Columbia TriStar

Scénario 

Akiva Goldsman d’après le roman de Dan Brown

Distribution 

Tom Hanks, Audrey Tautou, Ian McKellen, Jean Reno, Alfred Molina, Paul Bettany, Jürgen Prochnow & Jean-Pierre Marielle

Musique

Hans Zimmer

Photographie

Salvatore Totino

Support & durée

Blu-ray Sony (2009) region B en 2.40:1 / 152 min

 

Résumé : Une nuit, le professeur Robert Langdon, éminent spécialiste de l'étude des symboles, est appelé d'urgence au Louvre : le conservateur du musée a été assassiné, mais avant de mourir, il a laissé de mystérieux symboles... Avec l'aide de la cryptologue Sophie Neveu, Langdon va mener l'enquête et découvrir des signes dissimulés dans les œuvres de Léonard de Vinci. Tous les indices convergent vers une organisation religieuse aussi mystérieuse que puissante, prête à tout pour protéger un secret capable de détruire un dogme deux fois millénaire... De Paris à Londres, puis en Ecosse, Langdon et Sophie vont tout tenter pour déchiffrer le code et approcher les secrets qui remettent en cause les fondements mêmes de l'humanité...

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E
un thriller décevant et surestimé. A la base, je dois préciser que je n'avais pas aimé le roman. Alors le film...
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V
Je souscris assez à vos commentaires : le principal défaut de Dan Brown est bien d'avoir spécifié qu'il avait rédigé un roman d'aventures autour d'hypothèses et de sources AVEREES - qui plus est pas du tout originales - bref, d'avoir bluffé une partie de la population. A ce jour, la meilleure histoire de complot sur base de mystère ésotérico-historique reste le très touffu Pendule de Foucault de Umberto Eco, un bouquin pour lequel je devais m'arrêter toutes les deux pages et consulter d'autres livres - et au moins, tout se tient. En revanche, le film a effectivement choisi, parfois avec une certaine malice, le parti de narrer une aventure et pas de faire exploser des révélations (qui de toutes façons avaient fait long feu). Du coup, il passe beaucoup plus facilement et n'empêchera pas les amateurs intrigués de se jeter sur les dossiers concernant Rennes-le-château, les Templiers (une vieille passion chez moi), la royauté sacrée, le symbolisme, les mythes des origines, etc.Avec le recul, j'ai cessé d'en vouloir à Dan Brown qui a réussi à s'enrichir en littérature, chose difficile de nos jours, et a entraîné dans son sillage des dizaines d'ouvrages dont certains ont passionné les lecteurs. Une amie m'a d'ailleurs prêté Labyrinthe qui se situe dans cette veine et dont je vous parlerai plus tard.
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S
Et bien voilà une fin d'analyse intéressante et à laquelle je souscris sans problème. Je crois que cette façon de voir, si elle est valable pour la littérature, l'est tout autant pour le cinéma. Et c'est ainsi que j'ai regardé Da Vinci Code.N'ayant pas lu le livre mais étant parfaitement averti de la polémique, pour ne pas dire "scandale" (articles et émissions TV), il me semblait évident que même si Dan Browm a commis la lourde faute n'annoncer ses affirmations comme avérées, le film lui, a su jouer la prudence et préserver son statut de "film", c'est à dire un contrat entre le réalisateur et le spectateur : je te monte un truc, je fais de mon mieux et à toi de te laisser emporter par le récit. Si chacun de nous remplit sa part du contrat, alors oui, on se quitte bons amis.Je trouve personnellement que Ron Howard a relativement bien rempi sa part du contrat et en tant que simple spectateur, je me suis laissé emporter par le récit. Même si effectivement il y aurait matière à critiquer certaines choses, j'ai passé un bon moment de cinéma dans l'ensemble.
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N
On ne peut pas reprocher à ce genre de films (ou de livres) de jouer sur l'aspect "hey, tout est vrai ici !", cependant, c'est vrai que pour le film, c'est assez mal fait. Notamment en ce qui concerne, comme tu le signales, les références obscures pour ceux qui ne sont pas versés dans la religion et ses mythes (ce que je différencie de la simple croyance en Dieu qui relève de la seule foi personnelle et non d'une organisation structurée).Dans le même genre, Oliver Stone avait fait beaucoup mieux avec JFK, un film de paranoïaque maladif mais particulièrement bien fichu dans son montage, ses arguments et son déroulement, de sorte que même les ignorants en ressortaient convaincus d'être instruits et d'avoir assisté à une véritable analyse des évènements, de la baie des cochons à la guerre du Vietnam. Risible mais habile. Plus couillu en tout cas que ce Da Vinci Code.Il est d'ailleurs hallucinant de voir à quel point le filon est exploité depuis par les maisons d'édition. Il me semble avoir au moins vu 4 ou 5 titres (sortis chez de grands éditeurs, avec pub radio à la clé) surfant sur la vague religieuso-complotèsque. La touche "véridique" me choque plus qu'elle ne m'attire. Autant l'on peut tenir gré à un auteur d'effectuer des recherches pour donner un semblant de crédibilité à son histoire, autant un roman reste...un roman, autrement dit des salades, agréables parfois certes, mais n'étant que le produit d'une imagination.La plupart du temps, le contrat est clair entre auteur et lecteur : je te raconte un truc, je fais de mon mieux, tu fais semblant d'y croire pendant un temps, et l'on se quitte bons amis.Quand ce contrat est rompu, c'est toujours pour une mauvaise raison. La pire étant sans doute celle qui pousse le romancier à se vouloir historien.
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V
Et hop ! le voilà enregistré dans l'Index, ainsi que Fighter in the wind.
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V
Chère Jennifer, je me permets cette verve du fait même que le sujet me passionne - et tu sais tout comme moi que la passion supporte mal la modération. Je n'aime pas le livre mais suis grand amateur des questions qu'il soulève : passée une période où j'en voulais à l'auteur d'avoir juste fait preuve d'opportunisme, je me suis aperçu qu'il avait généré un mouvement général dans la littérature populaire (chaque librairie a vu son rayon occultisme doubler de volume) et entraîné derrière lui nombre d'ouvrages plus ou moins recommandables mais souvent palpitants où, outre des réflexions - parfois naïves - sur ces mystères qui nous hypnotisent, on se trouve entraîné dans une quête aventureuse. Bref, un mélange intéressant entre les Aventuriers de l'Arche perdue et  les Templiers sont parmi nous (de Gérard de Sède). C'est alors que je me suis dit que, plutôt que de critiquer la façon dont les hypothèses sont soutenues et les conclusions sont avancées, autant apprécier les idées et profiter de la dynamique de l'aventure avant d'aller puiser des connaissances supplémentaires dans des livres plus sérieux. Sur ce plan là, Dan Brown n'a pas manqué son coup. Il y a deux ans, on aurait pu se disputer à ce sujet - quoique tu m'as l'air suffisamment sensée pour que le débat ait été plus constructif que houleux. Aujourd'hui, comme tu peux le voir, je suis nettement plus ouvert.Quant au film, il est agaçant dans ses défauts, sa vision complètement faussée de la société française, ses simplifications et ses raccourcis, mais les seules scènes entre Langdon et Teabing valent le détour. J'y ai pris plaisir, au final.
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J
Et bien cher Vance, tu n'y vas pas de main morte ! Tout comme toi j'ai préféré le livre qui m'a considérablement interpellée et passionée et il est vrai que pour ceux qui ont peu de connaissances religieuses le film peut paraître compliqué et donc ennuyeux. Cependant je l'ai bien aimé même si effectivement il y a quelques fausses notes et un Jean Reno médiocre...
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