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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Il faut désobéir

il-faut-desobeir.jpgPremier volume des Trois Secrets d’Alexandra, par Didier Daeninckx sur des dessins de Pef ; collection « Histoire d’Histoire » ã Rue du Monde 2002

Alors qu’il se rend à une cérémonie du souvenir, le grand-père d’Alexandra lui raconte les circonstances dans lesquelles il a rencontré certaines des personnes qui y sont conviées : c’était à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale et il n’avait pas 10 ans. Fils de Juif, il fera le récit d’une rafle à laquelle il a échappé. Grâce à un homme qu’il s’apprête à revoir après 60 ans…

Dans la même collection que le déjà renommé Zappe la guerre de Pef, régulièrement présenté aux élèves dans le cadre du « devoir de mémoire » prôné par le Ministère de l’Education Nationale, cet ouvrage simple sonne juste, ne s’embarrasse pas de détails et ne cherche pas à verser dans le pathos. Illustré par des aquarelles pertinentes de Pef – qui sait parfaitement choisir un cadrage adapté aux situations, sous le couvert de dessins enfantins – l’album retrace en quelques anecdotes la vie au début des années 40, les escapades et bêtises des gamins, leur insouciance soudain brisée par les lois de Vichy : car le grand-père d’Alexandra, et sa meilleure amie Sarah, sont tous deux juifs. Petit à petit, les loisirs se restreignent au même titre que leurs libertés, et l’étoile jaune vient orner leur poitrine à la place de celle des sheriffs qu’ils admiraient dans les salles de projection…

 

Un style volontairement direct, un vocabulaire simple nous retrace cette histoire dans laquelle Pierre, le policier, intervient régulièrement pour les tancer, les raccompagner à la maison, leur confisquer les postes de radio et même les convoquer afin qu’ils soient enregistrés. Pierre, symbole de l’autorité, grand gaillard aux yeux vifs. Pierre qui, un matin, au lieu de les rafler, leur ordonne de s’enfuir et de se cacher car

Il faut parfois désobéir pour rester un homme.

 

Malgré un choix de photos pas toujours judicieux qui accompagnent les petits paragraphes explicatifs (de l’élection d’Hitler au jugement de Nuremberg, en passant par les camps de concentration), cette histoire dans l’histoire se permet le luxe de ne pas appuyer là où ça fait mal, de ne pas en faire trop et de demeurer digne : après tout, il ne s’agit que d’un épisode tragique parmi des milliers d’autres, mais également, et à travers cela, de l’héroïsme ordinaire d’un homme extraordinaire (la dédicace en exergue précise d’ailleurs qu’avec ses sept collègues du Commissariat Central de Nancy, il a permis à près de 300 Juifs d’échapper à la rafle de juin 1942 en désobéissant aux ordres de Vichy).

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A
Que signifie il faut rester un homme
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A
Que signifie il faut désobéir pour rester un homme
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N
Mais, tout comme Starsky et Hutch (ils ont la même formation d'ailleurs je crois), je rappelle que c'est lui qui gagne à la fin !
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V
Oué mais comment te pardonner après ce que tu as fait au Chaperon rouge ?
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N
--> "Hé hé, voilà comment faire sortir le loup du bois !"Oui, d'ailleurs, je suis sorti précipitamment, les pattes sales et la truffe humide, tout prêt, en loup habitué à la meute (fort bien organisée socialement d'ailleurs), à défendre les louvards des menaces humaines qui pourraient peser sur eux. Par contre, contrairement aux légendes populaires, je n'attaquerai aucun homme. Ces étranges êtres malhabiles m'effraient et je ne m'approche jamais d'eux, encore moins pour les dévorer. Quant aux troupeaux que l'on m'accuse de massacrer, là encore, il est évident que pour quelques individus que nous restons, il est impossible que nous dévorions tous les prélèvements que l'on nous impute. Ceux revendiqués par certains éleveurs sont d'ailleurs si ahurissants qu'il faut y voir plus l'appât du gain et des subventions qu'un véritable préjudice. Nous chassons en priorité les bêtes malades ou vieilles et, en cela, assumons notre rôle de régulateurs naturels.Mieux encore, nous, loups libres et fiers, sommes omnivores. Nous mangeons des fruits, de petits rongeurs, du poisson, des grenouilles, et ne prélevons donc pas outre mesure de grands animaux que, vous humains, élevez à l'abris des chiens, nos lointains descendants.Enfin, nous contrôlons notre population. Totalement respectueuse de son environnement, la meute n'admet de reproduction qu'en provenance du mâle dominant. Ainsi, nous ne proliférons pas mais assurons notre survie. Par contre, chaque louveteau sera défendu, éduqué et nourri par chaque membre de la meute comme s'il s'agissait de son propre enfant. Déjà écologique, notre organisation sociale a banni la jalousie et rendu normale l'empathie avec nos semblables.Heu, oups, bon, désolé, je suis parti dans un truc bizarre (j'aime bien les loups, ça se voit ?). ;o)
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V
Hé hé, voilà comment faire sortir le loup du bois ! Le fait est que, si l'histoire est remarquablement contée, sans excès larmoyants et effets tragiques, l'emballage est à prendre avec précaution - mais c'est toujours ainsi qu'il faut faire face à des enfants lecteurs. Il est nécessaire de travailler sur le titre, sa volonté d'impact qui dépasse le simple cadre de la phrase symbolique, d'autant qu'il n'est en outre qu'une réinterprétation des mots du personnage, bien moins catégorique en l'occurence. Le but n'est pas ici d'encourager la rébellion, mais de souligner la lucidité et, partant, le courage. L'heure n'est plus au lynchage (souvent excessif) des collabos, mais il est nécessaire qu'ils prennent conscience que tout acte ou propos doit s'analyser et pouvoir se justifier.
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N
Je ne suis pas certain que la conclusion (« il faut parfois désobéir ») soit la meilleure à livrer à des enfants (bien qu’ici, évidemment, nous comprenons tous ce qu’elle signifie et sa nécessité).En fait, dire d’une manière générale « il faut parfois désobéir » implique qu’il y aurait d’un côté l’entité sociétale ou étatique, ayant une vie propre, et de l’autre les citoyens, assujettis à ce monstre froid. Or, on le sait bien, ce sont précisément les gens qui font les régimes. Plutôt que d’admettre la nécessité de désobéir une fois que l’infamie est la règle commune, ne serait-il pas plus logique d’appeler à la vigilance en ce qui concerne la justice des systèmes que nous élaborons ? D’une optique négative (la désobéissance, le comportement anti-social (déjà si présent dans nos sociétés modernes !)), l’on obtiendrait alors une vision positive et citoyenne (s’impliquer dans les choix de vie, le fonctionnement démocratique). Ce cas (la persécution et l’extermination des juifs) est évidemment profondément bouleversant et aucun mot ne sera trop fort pour souligner l’héroïsme de ceux qui, en ces temps troubles et dangereux, ont su rester des hommes en désobéissant et en sauvant des vies innocentes. Cependant, faire passer dans les masses aujourd’hui (en passant évidemment par les enfants) que « désobéir » est un acte normal voire souhaitable (en parlant de désobéissance, je parle des transgressions anormales des futurs adultes, pas juste d’un caprice d’enfant) me semble plutôt dangereux. Les lois injustes, les organisations sociales ou politiques injustes sont l’exception, non la règle. Et quand bien même, il serait alors nécessaire de les modifier pour que la justice soit la règle commune, et non simplement souhaiter que les plus humanistes ou éclairés restent en « marge » de la société. Enfin, bon, je pars dans des considérations un peu étranges, mais disons que les aphorismes sont à employer avec la plus extrême précaution. Du coup, plutôt que « il est nécessaire parfois de désobéir » j’aurais plutôt dis « il est toujours nécessaire de préserver la justice ». Cela évite deux ambiguïtés : celle sur la « nécessité » de désobéir, donc de refuser l’organisation sociale et les lois, et celle sur le « moment » (« parfois ») de la désobéissance, pas toujours évident à déterminer (on le voit encore actuellement avec les fascistes de gauche, aux méthodes dignes des grandes heures des SA, qui brûlent des voitures et lattent du flic juste parce que le résultat d’une élection ne leur plait pas).  Je crois que la justice, de nos jours, passe par l’amélioration des lois, non par leur violation. Prendre un exemple extrême et historique (et romancé, ce qui induit une forte adhésion au propos grâce aux sentiments) pour former des esprits modernes à la désobéissance me semble, pour le moins, irresponsable.
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