Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Lost in Translation : Étrangers familiers

Lost in Translation : Étrangers familiers

Si vous êtes un lecteur régulier du blog, vous savez peut-être que Lost In Translation est mon film préféré. Autant vous dire que lorsque j’ai appris qu’un livre francophone sur le sujet allait bientôt sortir, j’ai bondi d’enthousiasme ! Il se trouve que j’étais justement au Japon à cet instant, sur les traces des lieux de tournage du film. Une chouette coïncidence qui n’augurait que du bon !

Synopsis : Bob Harris, acteur sur le déclin, se rend à Tokyo pour tourner un spot publicitaire. Il a conscience qu'il se trompe - il devrait être chez lui avec sa famille, jouer au théâtre ou encore chercher un rôle dans un film -, mais il a besoin d'argent.

Du haut de son hôtel de luxe, il contemple la ville, mais ne voit rien. Il est ailleurs, détaché de tout, incapable de s'intégrer à la réalité qui l'entoure, incapable également de dormir à cause du décalage horaire.

Dans ce même établissement, Charlotte, une jeune Américaine fraîchement diplômée, accompagne son mari, photographe de mode. Ce dernier semble s'intéresser davantage à son travail qu'à sa femme. Se sentant délaissée, Charlotte cherche un peu d'attention. Elle va en trouver auprès de Bob...

Lost in Translation : Étrangers familiers

Ainsi, son auteur, Antoine Oury (dont je vous conseille la lecture du blog), m’a gentiment permis de lire son analyse filmique, et le résultat m’a tellement convaincu que je souhaitais écrire quelques mots ici. Parce que si vous appréciez l’œuvre de Sofia Coppola, nul doute que vous trouverez le livre captivant. De manière générale, j’aime beaucoup ce genre de décorticage, mais certains ouvrages peuvent laisser sur notre faim. Ce n’est pas le cas avec le travail d’Antoine, qui m’a semblé plutôt exhaustif (et fort bien documenté) par rapport à son angle d’approche. 

Si je suis en désaccord avec lui sur quelques points (très légers, tout est subjectif), je ne peux que le féliciter d’avoir su mettre des mots sur mon ressenti. Fine et pertinente, son analyse a l’immense qualité de tout remettre en contexte, en se penchant en particulier sur la place du film dans la filmographie de sa réalisatrice. Ayant lu de nombreux articles et vu à peu près tout ce qui se rapporte au métrage, je n’ai pas spécialement été surpris par la première moitié d’Étrangers Familiers, même si l’organisation du texte est très agréable pour synthétiser un maximum de concepts et d’idées. En revanche, la deuxième partie est une mine d’or. J’y ai appris énormément. Elle concerne principalement la bande originale. À ma connaissance, ce livre est la source la plus complète sur cet élément ô combien important du film. Antoine Oury y confirme sa maîtrise du sujet, et son interview de Brian Reitzell (responsable de la BO) est riche en informations indispensables et en anecdotes amusantes. 

Lost in Translation : Étrangers familiers

Un bien beau cadeau pour les étrennes, qui donne envie de revoir Lost In Translation aussitôt la lecture terminée. Le livre en lui-même est un bel objet pour les collectionneurs, les images choisies pour illustrer le propos sont très appréciables. Et puis, cet article est publié pile pour les 20 ans de la sortie du film au cinéma en France, la période est idéale pour refaire une balade dans les rues de Tokyo avec Bob et Charlotte

Après ma lecture et suite à de sympathiques échanges entre fans, Antoine a bien voulu m’accorder du temps pour répondre à mes questions. 

Lost in Translation : Étrangers familiers

NICO : J’aurais bien aimé que vous vous présentiez en quelques mots, votre parcours et ce qui vous a donné envie d’écrire sur ce film en particulier. 

ANTOINE : Je suis journaliste culturel et je travaille depuis une dizaine d'années pour le site ActuaLitté, consacré au secteur du livre. J'ai fait des études de lettres et écrit dans plusieurs webzines, dont Critikat, où j'ai fait mes premières armes de critique de films. Une expérience qui m'a beaucoup appris, avec une certaine rigueur pour l'analyse et la contextualisation des films. Dans le cadre de mon métier, je rédige au quotidien, mais je n'ai sauté le pas de l'écriture longue qu'en 2017, en réalisant des recherches en vue d'une biographie d'Oscar Gustaf Rejlander (1813-1875), un photographe britannique dont l'œuvre m'a fasciné. Je l'ai terminée mais elle n'a pas trouvé d'éditeur. Début 2021, j'ai acquis la réédition vinyle de la BO de Lost in Translation, et les nouvelles écoutes m'ont donné envie de rédiger un long article sur le film, dont le 20e anniversaire approchait. Finalement, cet article s'est peu à peu changé en livre, d'autant plus qu'il n'existait pas de littérature sur le long-métrage à ce moment-là (un livre anglophone est paru en 2023), et j'étais convaincu qu'il le méritait ! Je me suis donc lancé.

Lost in Translation : Étrangers familiers

N : D’ailleurs, peut-on dire qu’il s’agit de votre film préféré ? 

A : C'est sans aucun doute un de mes films préférés, oui. Il est toujours compliqué de statuer sur "son" film préféré, mais c'est en tout cas une œuvre que je peux revoir sans me lasser. Mais j'aurais du mal à ne citer qu'elle, et j'y ajouterais In the Mood for Love et 2046, Terminator 1 et 2, Pierrot le Fou, Une femme est une femme, Speed Racer, Predator, Point Break, The Thing, La Vie aquatique, ou encore The Virgin Suicides et Marie-Antoinette... La liste est finalement longue !

N : J’aurais aimé que vous me racontiez votre rapport au film, éventuellement vous souvenez-vous de votre premier visionnage, de vos impressions ?  

A : Cela dit, Lost in Translation garde une place spéciale. Je l'ai découvert à l'adolescence, et je me souviens que sa musique, ses couleurs et les sentiments de Charlotte et Bob m'avaient frappé. Peut-être que, rétrospectivement, j'idéalise ce rapport d'alors au film, mais j'ai l'impression qu'il incarnait bien ce que je pouvais ressentir en tant qu'adolescent, l'impression de ne pas être tout à fait à ma place, ou de ne pas être compris (et, en même temps, de ne pas forcément vouloir être compris) - ce que des millions d'adolescents ont ressenti, et des adultes aussi ! Il a eu une résonnance particulière à cette époque, ce qui a sans doute renforcé mon attachement.

N : Le livre propose une analyse très pertinente de la bande originale, avec une interview captivante à la clé. À ma connaissance, c’est la source la plus complète sur le sujet. Pourquoi avoir choisi de développer particulièrement cet aspect du film ? 

A : Merci pour le compliment ! J'ai choisi de développer cet aspect d'abord parce que l'écriture a démarré avec l'écoute de la BO. Cette dernière fait partie de mes BO favorites, et je me suis rapidement rendu compte qu'il existait en effet assez peu de témoignages sur celle-ci. Je me suis renseigné pour la présenter et l'analyser au mieux dans le livre, avant de penser à interroger Brian Reitzell. Par chance, l'agence chargée de ses relations publiques a transmis mon mail et il a été suffisamment patient pour m'accorder du temps. Pour le reste, Brian Reitzell a pratiquement tout fait car il s'est montré très sympathique et très avenant, il est revenu avec un plaisir non dissimulé sur Lost in Translation, qui l'a beaucoup marqué, de ce que j'en ai vu, au même titre que Virgin Suicides et Marie-Antoinette.

N : Quelques petites réflexions : j’ai été ravi de constater que vous ne vous étiez pas engouffré dans une surinterprétation des paroles chuchotées du personnage de Bill Murray. Ce genre d’article pullule sur le net, merci d’avoir préféré laissé ça de côté.  

A : Petite anecdote, vous avez peut-être vu la vidéo où un YouTuber s'amuse à retoucher l'extrait du film pour rendre audible le chuchotement : j'ai quand même regardé cette vidéo dans le cadre de mes recherches sur le film. J'ai décidé de ne pas l'évoquer car, effectivement, je pense que cela n'était pas nécessaire, puisqu'allant à l'encontre de la volonté générale de la scénariste/réalisatrice, mais aussi des acteurs et actrices. Figurez-vous que j'ai presque immédiatement oublié ce que Bob disait à Charlotte, ce qui, à mon sens, prouve bien qu'entendre ces paroles n'est pas crucial.

Lost in Translation : Étrangers familiers

N : J’ai toujours eu cette intuition que dans une première version du scénario, Charlotte aurait pu être enceinte (des scènes dans le film m’y font régulièrement penser) mais je n’ai jamais lu cette théorie nulle part. Avez-vous pu avoir ce même ressenti ? C’est probablement la question que j’aimerais le plus poser à Sofia Coppola si j’en avais l’occasion. À ce titre, avez-vous essayé de la contacter ? 

A : C'est une théorie à laquelle je n'avais jamais pensé, de mon côté, pour être honnête. À mon sens, cela illustre l'aspect plastique et très personnel du film, suffisamment équivoque et "accueillant", d'une certaine manière, pour que chaque spectateur ou spectatrice puisse y voir une histoire différente, sans pour autant verser dans l'équivoque un peu tiède. Je trouve à ce titre que la fin de Lost in Translation n'est pas frustrante, contrairement à d'autres fins ouvertes qui peuvent donner l'impression d'une absence de choix. Je me suis posé la question de contacter Sofia Coppola - ou du moins d'essayer. Je ne l'ai pas fait, d'une part parce que je me suis dit qu'il était improbable qu'elle se confie à un auteur inconnu - d'autant plus qu'elle est très secrète en entretien, et ne révèle pas énormément de choses -, d'autre part parce qu'interroger la scénariste-réalisatrice d'un film avant d'écrire un livre sur ce dernier pourrait revenir à se couper l'herbe sous le pied : une fois son intention connue et exposée, l'analyse peut paraitre un peu vaine. Cela dit, à nouveau, Lost in Translation est suffisamment riche pour que l'analyse côtoie l'intention de l'autrice, sans la parasiter, à mon sens. 

N : Je vous remercie beaucoup Antoine pour votre disponibilité.

Titre original

Lost in translation

Date de sortie en salles

7 janvier 2004 avec Pathé

Date de sortie en vidéo

7 juillet 2004 avec Universal Pictures

Réalisation

Sofia Coppola

Distribution

Scarlett Johansson, Bill Murray, Anna Faris & Giovanni Ribisi

Scénario

Sofia Coppola

Photographie

Lance Acord

Musique

Brian Reitzell, Kevin Shields, Phoenix & Thomas Jenkins

Support & durée

Blu-ray Universal (2010) region ALL en 1.85 :1 / 102 min

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Plus qu'à remettre "lost in translation" dans le lecteur maintenant ! ça fera peut-être passer la déception que fut "Priscilla".
Répondre
V
J'ai aussi trouvé Priscilla trop académique, concentré sur le personnage mais ne faisant qu'effleurer le sujet.