Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Sorti en 2015, Sicario avait remporté un succès considérable, devenant très vite extrêmement rentable tout en asseyant encore un peu plus la notoriété de son metteur en scène, Denis Villeneuve, déjà universellement reconnu après le choc Incendies puis les thrillers psychologiques Enemy et Prisoners. Il n’en fallait pas davantage pour que la production décide de remettre le couvert, commandant au scénariste Taylor Sheridan une suite au premier long-métrage, que ce dernier désirait insérer dans une trilogie thématique sur le Nouveau Far-West (avec Comancheria et Wind River). Villeneuve trop occupé sur deux projets pharaoniques (Premier Contact et la suite tant attendue de Blade Runner), c’est à Stefano Sollima que fut confié le bébé, un choix quasi évident tant le cinéaste est habitué aux guerres de gangs sur écran (Gomorra, Suburra). Exploité en salles à partir du 27 juin 2018, la Guerre des Cartels n’a pas aussi bien réussi en France avec moitié moins d’entrées en salles. Il n’en demeure pas moins un film ambitieux, solide et intense qui trouve aisément sa place dans les réussites de toute l’année 2018 et qui convaincra sans doute les plus réticents ainsi que ceux qui voudront retenter l’expérience en vidéo – il est disponible en VOD, DVD, blu-ray et blu-ray 4K depuis le 27 octobre 2018 chez Metropolitan FilmExport.
Evidemment, on peut tout de suite faire la fine bouche devant ce projet de suite opportune. Pourtant, Lionsgate a su mettre les petits plats dans les grands en conservant deux des trois acteurs principaux originels (Josh Brolin dans le rôle de l’agent indépendant Matt Graver et Benicio Del Toro dans celui du mystérieux Alejandro), en confiant la bande originale aux bons soins de la collaboratrice du récemment décédé Jóhann Johansson et en demandant au grand Dariusz Wolski (Seul sur Mars, Pirates des Caraïbes, Dark City)le soin de signer une photographie digne du premier opus. Désormais, le point de vue se décale légèrement puisque exit l’agent du FBI Kate Macer qui servait de prétexte pour légitimer des opérations franchissant allègrement les limites du légal : sous la pression de l’opinion, scandalisée par l’irruption de terroristes sur le sol américain, le secrétaire d’Etat Riley (Matthew Modine, quel plaisir de le revoir !) fait appel à Cynthia Foards (Catherine Keener, un peu transparente) pour recruter et cadrer une opération coup de poing menée avec l’agent Graver. Le problème avec un homme de sa trempe est de faire attention à ce que ses agissements, pour efficaces qu’ils soient, n’éclaboussent pas de la mauvaise manière les relations tendues entre le Mexique et le gouvernement des Etats-Unis. Or Matt Graver n’est pas homme à se laisser marcher sur les pieds : sans être idéaliste, il est persuadé qu’il agit pour le mieux tout en sachant qu’il faut se salir les mains à l’occasion. C’est pourquoi il n’hésite pas une seconde à recruter son expert sur le terrain, Alejandro, qui a quelques visées plus personnelles dans la guerre contre les cartels – mais dont la valeur ajoutée de l’expérience est inestimable. Une fois les points de passage à la frontière repérés, il suffit de déterminer le cartel responsable du secteur, et de foutre la merde dans les relations tendues avec ses homologues. Comment ? En montant un coup aussi vicieux que délicat à réaliser : on enlève la fille chérie de Reyes et on le laisse croire qu’il s’agit d’une action préméditée par des concurrents. Cela aurait pu fonctionner sans anicroche sans l’intervention d’un jeune apprenti sicario (tueur des gangs mexicains) et la corruption galopante de la police. Alejandro se retrouve seul de l’autre côté de la frontière avec une jeune fille farouche devenue trop dangereuse pour les uns et trop précieuse pour les autres, et le Département d’Etat demande à Graver de solder l’opération en en laissant aucune trace…
Sans avoir l’élégance raffinée de Villeneuve, Sollima signe un film tendu, oppressant, construit sur des séquences solides et parfois impressionnantes. L’excellente copie vidéo met en valeur la photographie de Wolski qui propose des plans presque monochromes écrasés par les ocres du désert (la majeure partie du métrage étant filmée en extérieurs dans la région d’Albuquerque) sur lesquels se détache l’acier froid du métal des armes et des véhicules fédéraux. La violence omniprésente de ce pays bouillonnant explose dans les guets-apens et les règlements de compte tandis que les claquements secs des détonations font écho aux sourdes basses d’une musique menaçante.
Désormais centré sur l’errance vengeresse d’un Alejandro qui conservera tant bien que mal son caractère énigmatique (ne s’ouvrant que très rarement) et sur les états d’âme d’un Graver tiraillé entre son sens du devoir manifeste et une loyauté plus personnelle, la Guerre des cartels use davantage de ressorts dramatiques plus classiques tout en continuant à surplomber chaque protagoniste d’une épée de Damoclès protéiforme : puissants et exécutants ne sont jamais à l’abri du bras armé d’une vengeance légitime, d’un coup d’éclat létal ou de la juste rétribution liée aux exactions perpétrées. Si les Mexicains apparaissent presque tous comme des pourris ou des victimes d’un système rongé jusqu’à l’os par une corruption érigée en modèle étatique, les agents US ne sont guère mieux lotis : entre les cow-boys heureux comme des papes à l’idée de flinguer sans vergogne et les stratèges obligés de composer avec les décideurs politiques idéalistes ou frileux, l’image donnée par les agences gouvernementales n’est guère flatteuse. En résulte un film aussi sombre dans son sujet qu’illuminé par les rayons impavides d’un soleil lancinant. Quant aux deux cailloux dans l’engrenage que représentent Miguel, jeune voyou embrigadé par un cartel et Isabel, fille de caïd, ils peinent à assumer leur statut scénaristique, même si la flamboyance de la jeune Isabela Moner donne du tonus à son personnage de gosse de riche servant de monnaie d’échange ou de casus belli.
Moins racé que le précédent, moins glaçant et cruel, la Guerre des cartels demeure un excellent
thriller, solide et construit sur un tempo implacable, bénéficiant du charisme incroyable d’un Benicio Del Toro magistral, bien secondé par un Josh Brolin enrichissant son personnage de facettes inédites. Un spectacle réussi, doté de scènes faisant indéniablement partie du top de l’action en 2017.
Une séance à conseiller.
Titre original |
Sicario : Day of the Soldado |
Date de sortie en salles |
27 juin 2018 avec Metropolitan FilmExport |
Date de sortie en vidéo |
27 octobre 2018 avec Metropolitan Video |
Photographie |
Dariusz Wolski |
Musique |
Hildur Guônadóttir |
Support & durée |
DVD Metropolitan (2018) zone 2 en 2.39 :1 / 123 min |
Sicario : La Guerre des cartels - film 2018 - Stefano Sollima - Cinetrafic
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