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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Dans la brume, en vidéo le 7 août 2018

Dans la brume, en vidéo le 7 août 2018

On ne pourra pas retirer au film sa sincérité, son engagement, son concept ou son interprétation : voilà un film français de genre (entre le film catastrophe minimaliste et la dystopie), tourné en français (ce qui n'était pas le cas de Ghostland), à Paris, abordant des thèmes osés, parfois classiques (la parentalité, le don de soi, la survie) parfois plus "dans l'air du temps" comme la préservation de l'environnement. L'air de rien, et sans en avoir l'air, Dans la brume décrit une petite Apocalypse en ne conservant que le point de vue d'une poignée d'individus cherchant à survivre et à se préserver les uns les autres : deux parents, leur fille contrainte par un syndrome à vivre dans une "bulle" et un couple de retraités chez lequel ils trouvent refuge lorsque cette étrange brume toxique se déverse dans les rues de la capitale. Un peu comme dans la Guerre des mondes de Spielberg (avec d'ailleurs des points de vue similaires) ou World invasion : Los Angeles, le spectateur ne voit le cataclysme que par le gros bout de la lorgnette, cantonné aux pérégrinations du couple désireux de préserver à tout prix la vie de leur enfant malade, histoire qu’il ne lui manque pas d’air. Ce film, qui pourrait être présenté comme une préquelle à Delicatessen de Caro & Jeunet, se cantonne à rester collé aux basques de ce père entreprenant et indécrottable optimiste et de cette jeune mère rationnelle qui a l’air constamment inquiet, perdue comme tout un chacun lorsque votre système de valeur s'effondre et que vos repères vous fuient.

Dans la brume, en vidéo le 7 août 2018

La mise en place est progressive mais relativement rapide et les informations sur l'événement parviennent au compte-gouttes, aussi frustrantes pour nous que pour les survivants qui ne savent pas ce qui se passe, ni pourquoi, ni surtout comment s'en sortir. La partie survie, qui intervient ensuite, est plus maladroite dans son processus, l'on a parfois du mal à comprendre les réactions et initiatives des personnages qui nous surprennent parfois par leur ingéniosité, parfois par leur manque de clairvoyance - mais, après tout, comment aurions-nous VRAIMENT fait si nous étions prisonniers d'un phénomène de grande ampleur nous coupant du reste du monde et nous empêchant de savoir quand nous pourrions être secourus ? Alors les événements s'enchaînent, avec un côté lancinant ou malhabile rehaussé par une bande originale d'une étonnante discrétion qui renforce le caractère (cal)feutré, cloisonné de cette prison à ciel ouvert qu'est devenue la Ville-lumière. Nul sensationnalisme dans ces actes désespérés de sauvetage : la réalisation, en dehors de certains passages saisissants de beauté spectrale (les plans généraux sur des quartiers noyés sous cette brume intraterrestre, magnifiés par une photographie d'une redoutable précision), préfère prendre nos héros en filature, les cadrer serré sans effet de style outrecuidant en dehors d’une grande variété sur les angles de prises de vue. On tient là l'antithèse d'un San Andreas : Romain Duris n'a rien d'un surhomme (il ne retient pas sa respiration pendant trois heures, ne soulève pas de voiture pour dégager un blessé, ne guérit pas instantanément de ses brûlures et n'affronte pas les animaux féroces à mains nues) et paie naturellement de sa personne. Olga Kurylenko n’expose pas son décolleté à tout bout de champ et ne dévoile rien de sa (pourtant superbe) silhouette. Daniel Roby, cinéaste québécois, a su tirer le meilleur de ses deux interprètes en multipliant les prises jusqu’à épuisement. C’est tout à l’honneur de la production d’avoir su faire fi des désidératas communs : il en va de même pour la pyrotechnie, les cascades ou la violence qui sont strictement limitées à la portion congrue.

Dans la brume, en vidéo le 7 août 2018

La manière dont le métrage s'achève en frustrera sans doute plus d'un : ceux qui s'attendaient à davantage, ou autre chose, et ceux qui ont forcément vu venir le gentil petit twist final - assez difficile à interpréter autrement que cyniquement. Colère divine, revanche de la Nature ou acte de malveillance ? Peu importe : le script s'attelle à traduire en image le destin de personnages unis par des liens puissants et qui se préoccupent avant tout du sort des autres, faisant fi des causes et des conséquences, laissant le spectateur deviner certains ressorts s’il est suffisamment attentif à certains détails, doté d’une grande culture science-fictionnesque ou simplement d’une imagination débordante. Une production droite dans ses bottes, fidèle à son schéma de pensée - bien qu'on puisse au final tiquer devant l'affiche de l'exploitation en salles, malhonnête ou bêtement mensongère. Toutefois, le courage de cette entreprise a quelque chose de rassurant dans le contexte artistique actuel, ce qui donne une bonne image du cinéma français en 2018.

Dans la brume, en vidéo le 7 août 2018

Le blu-ray de TF1 Studio (qui sort le 7 août 2018 en même temps

que le DVD et la VOD) offre une image de toute beauté, dont la luminosité renforce encore le décalage avec d’autres productions du même genre : l’architecture haussmannienne des prises de vues extérieures ainsi que les décors reconstitués en studio sont parfaitement mis en valeur notamment grâce à une maîtrise stupéfiante de la lumière incidente. En dehors de quelques bruits sourds et des cloches assourdies de Notre-Dame, la bande son ne propose rien de spectaculaire mais le disque permet de visionner un documentaire sur le tournage. Parmi les sorties de l’été, voici donc un autre film singulier à découvrir.

Titre original

Dans la brume

Date de sortie en salles

4 avril 2018 avec Mars Films

Date de sortie en vidéo

7 août 2018 avec TF1 Studio

Photographie

Pierre-Yves Bastard

Musique

Michel Corriveau

Support & durée

Blu-ray TF1 (2018) en 2.35 :1 / 89 min

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