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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Une vie, l'adaptation 2016 de Maupassant

[critique] Une vie, l'adaptation 2016 de Maupassant

Sorti au cinéma à la fin de l'année 2016, Une vie se paraît d’une certaine ambition, à l’image des propos enflammés de son réalisateur qui avait déjà séduit les cinéphiles avec le pourtant controversé la Loi du marché. Pas évident bien entendu d’adapter une pièce maîtresse de la littérature française, ce roman de Maupassant auquel peu ont osé se frotter (on n’enregistre que deux adaptations, dont un téléfilm). Mais un roman qui met en avant des valeurs actuelles et souligne une condition féminine qui n’a, il faut le reconnaître, que trop peu évolué dans le bon sens.

[critique] Une vie, l'adaptation 2016 de Maupassant

Dans une veine similaire à Mademoiselle Chambon, où il s’essayait déjà à l’adaptation et affirmait son style tout en retenue, accrochant de sa caméra désinvolte quelques instants où perle une émotion contenue, Stéphane Brizé persiste et signe, nonobstant l’indifférence, le rejet voire le dégoût qu’il inspire à une partie de la sphère critique, professionnelle ou pas. Tout le monde n’adhère pas, en effet, à sa façon de filmer l’insaisissable, la pertinence d’un sourire, la justesse d’un regard, les sentiments qui transpirent d’une poignée de mains, d’une embrassade, les dialogues mimés par les postures, les gestes équivoques.

Une vie commence ainsi : des plans fugaces où alternent un visage et des éléments de la nature, unissant dans un même élan Jeanne et le monde, Jeanne et le temps. Le portrait de cette femme éternellement jeune, (presque) éternellement optimiste qui a grandi dans un domaine et appris le langage des plantes a quelque chose de saisissant et d’intriguant. Pour qui n’est pas familier de l’univers de Brizé, la réalisation erratique, le cadrage serré, à la limite de l’asphyxie et surtout ce montage chaotique entre des séquences qui ne parviennent pas à s’achever et des plans de coupe déstabilisants ont de quoi freiner les ardeurs des plus endurants des cinéphiles. Une vie raconte peu, mais dit beaucoup et on se surprend finalement à vouloir explorer l’existence de cette femme écrasée par les conventions, exploitée par la société patriarcale, bafouée par son mari et son fils mais qui persiste à croire en l’être humain, se raccrochant au bon sens et aux valeurs enseignées par ses parents.

[critique] Une vie, l'adaptation 2016 de Maupassant

Il est clair que le métrage déroutera : de trahisons en désillusions, Jeanne endurera tout, espérant l’avenir radieux qui lui était promis, se raccrochant à quelques souvenirs éphémères. Au crépuscule de l’Ancien Régime (l’histoire se situe en pleine Restauration, alors que les cendres encore chaudes de la Révolution couvent encore sous la monarchie), elle incarne un personnage hors du temps, préservé dans son enfance au point qu’il ne semble jamais en être totalement sorti. Cette naïveté rafraîchissante qu’on distingue dans ses jeux puérils alors qu’elle a déjà la silhouette d’une femme, dans la candeur de son regard lorsqu’il se pose sur une fleur ou ses parents qu’elle chérit, Judith Chemla en joue constamment, jusqu’à la déraison. Cette interprétation particulière, un peu éthérée, languissante, peut tout à fait agacer, d’autant qu’elle souligne parfaitement l’ambiance fin de siècle voulue par le metteur en scène, au point qu’on a forcément du mal à partager la tendresse ou la détresse des situations. Parfois attendrissante, parfois terriblement tête-à-claques, elle illumine tant bien que mal un film qui ne parvient jamais à convaincre mais surprend par ses parti-pris, jusque dans la place attribuée à des comédiens reconnus (Darroussin et la trop rare Yolande Moreau sont sciemment bridés) alors que les jeunes acteurs masculins sont beaucoup trop transparents.

Radical dans son adaptation, abrupt dans sa réalisation, Une vie stigmatise et interpelle mais parvient aussi à fasciner par la capacité de résilience, d’abandon de soi, de persévérance et d’humilité dont peut faire preuve une jeune femme dans un monde trop mâle et injustement clivé. A découvrir chez Diaphana en DVD ou Blu-ray depuis le 28 mars 2016.

Titre original

Une vie

Date de sortie en salles

23 novembre 2016

Date de sortie en vidéo

28 mars 2017 avec Diaphana Distribution

Photographie

Antoine Héberlé

Musique

Olivier Baumont

Support & durée

DVD Diaphana (2017) en 1.33 :1 / 119 minutes

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