Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Little Big Man possède sans aucun doute une aura particulière dans le monde du cinéma, et, a fortiori, dans le genre western. La personnalité singulière de son réalisateur, la performance phénoménale de l'acteur principal, la description de cet Ouest sauvage, brutal et cruel et de l'implacable destin des Indiens d'Amérique, le récit picaresque non dénué d'humour lui confèrent une place à part dans le VIIe Art, ce qui ne l'empêche pas d'être régulièrement cité comme un chef-d'oeuvre incontournable, l'un des meilleurs westerns jamais tournés (bien qu'iconoclaste) et, partant, l'un des 1001 films à voir avant de mourir selon la liste bien connue créée par Steven Jay Schneider.
Ce qui frappe au premier abord, c'est le style singulier, percutant mais parfois lyrique, qu'Arthur Penn insuffle à son oeuvre. Concentré sur ses personnages truculents, il en dédaigne presque l'imposante majesté des paysages dans lesquels il s'est évertué à shooter (essentiellement les plaines du Montana et les forêts de l'Alberta). On se souvient alors de la frénésie qui transpirait de Bonnie & Clyde, sorti trois ans plus tôt. Penn n'est pas un cinéaste ordinaire et, en reprenant à son compte l'ouvrage de Thomas Berger, brillamment adapté par Calder Willingham, il s'évertuera à y insérer certaines de ses préoccupations qui en ont fait une oeuvre visionnaire, ou à tout le moins en rupture avec l'époque. Longuement mûri à cause de la réticence des studios (il a dû en repousser le tournage pendant plusieurs années), le film fait ainsi la part belle au sort des Native Americans qui se verront systématiquement spoliés et trahis par l'administration des Blancs venus de l'Est. Ce regard bienveillant à l'égard des peuples indigènes, auparavant mal desservis par l'industrie du cinéma, a sans doute ouvert la voie à d'autres oeuvres "coup de poing", plus ou moins dénonciatrices des exactions coloniales, annonçant une décennie aussi foisonnante que repentante (on pense bien entendu à Soldat bleu de Ralph Nelson, ou Un homme nommé cheval d'Elliott Silverstein, sortis la même année) .
Juxtaposé avec l'extraordinaire variété des faits qui ont jalonné la vie de Jack Crabb, sorte de Candide au Far-West, le récit des massacres opérés par la cavalerie sur les peuplades indiennes frappe encore les esprits, laissant le goût amer de l'ignominie belliqueuse. Si des oeuvres majeures du cinéma de guerre portent les mêmes stigmates (notamment en ce qui concerne la Guerre du Viêt-Nam), très rares sont celles qui parviennent à faire sourire en même temps.
Sorti juste après la Horde sauvage, Little Big Man constitue une sorte de charnière entre le cinéma de papa vantant l'héroïsme des justiciers solitaires et une remise en question de certaines valeurs dépassées. En ce sens, le choix de Dustin Hoffman (bien davantage que celui de Chief Dan George, l'irrésistible chef Cheyenne) est plus qu'approprié : avec son air d'éternel gamin et sa taille de Hobbit, Jack Crabb passe le plus clair de sa vie à s'insérer dans des rôles qu'on lui impose, comme un prototype mal dégrossi d'un Forrest Gump en Terre du Milieu. Doué dans presque tout ce qu'il entreprend, il ne capitalise jamais sur ses réussites et abandonne à la moindre contrariété, laissant en chemin de nombreux regrets et pas mal de principes moraux. C'est qu'il devient évident de se rendre compte que toutes les vertus qu'on tentait de lui inculquer n'étaient que très rarement mises en application dans ce monde d'opportunistes égocentriques. Ballotté de sa soeur à un charlatan en passant par une cougar faussement dévote (pétillante Faye Dunaway), il ne trouve un peu de quiétude que dans la tribu qui l'a recueilli enfant, qui vit au rythme des saisons et paraît à toute épreuve, tout en se doutant que son temps est venu : l'Age des Etres humains (comme ils aiment à se nommer) va bientôt s'achever, laissant place à celui des Hommes Blancs. Les propos clairvoyants du chef, vrai grand-père d'un Jack orphelin, rappellent ainsi ceux d'Oiseau bondissant dans Danse avec les loups.
Un film culotté et décapant, souvent drôle, tournant en dérision les codes poussiéreux des westerns d'un autre âge tout en en conservant le charme et l'impact, ponctué de faits marquants, souvent inspirés d'événements réels, scandé par la présence d'êtres extraordinairement séduisants par leur prestance (Hickock, Custer) et interprétés avec finesse.
On ne voit guère le temps passer.
L'édition "Ultra Collector" limitée proposée par Carlotta propose des suppléments remarquables, dont un livre détaillant les circonstances du tournage et s'attardant sur le ressenti du metteur en scène, ses choix et les polémiques qui en ont découlé. C'est, en outre, un bel objet.
Image :
Houla... le film a vieilli et je me demande s’il n'y a pas eu des problèmes avec la photographie. L’image s’avère en effet très granuleuse, surtout dans les extérieurs, et révèle un manque de piqué par moments. En revanche, les intérieurs sont très beaux et parfois très colorés. Certains gros plans sur les visages sont superbes et cela nous rappelle du coup qu'on est bien en HD.
On a donc une image qui souffle le froid et le chaud.
J'ai aussi noté des passages avec des poussières et des griffures.
En ce qui me concerne, je pense que le film mériterait une meilleure restauration, du moins un bon lifting, mais si possible sans user de filtres - qui auraient tendance à tuer le grain argentique. Mais je pense que dans les arrière-plans, c'est davantage un moirage que du grain.
Son :
Et une VF mono en DTS HD MA ! Alors oui c'est du mono, oui le son fait très « époque » mais… il est en HD. De toute façon, ce n'est pas Pacific Rim, donc le son fait ce qu'il a à faire : il a l'âge du film et on ne peut pas faire de miracle avec, mais à la limite je préfère que la piste audio reste dans son jus avec la qualité HD MA du DTS.
Titre original | Little Big Man |
Date de sortie en salles | 29 mars 1971 avec SN Prodis |
Date de sortie en DVD | 21 janvier 2004 avec Paramount |
Photographie | Harry Stradling Jr |
Musique | John Hammond |
Support & durée | Blu-ray Ultra Collector Limité Carlotta (2016) region B en 2.35:1 / 139 min |