Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Quelques jours avant sa diffusion en clair sur Numéro 23, les Médicis : maîtres de Florence est disponible à la vente dans un coffret 3 DVD ainsi qu’en VOD. La série co-créée par l’ancien bras droit de Chris Carter sur X-Files, Frank Spotnitz, devenu un showrunner prolifique et admiré (notamment pour le Maître du Haut-château adapté de Philip K. Dick), s’intéresse ainsi à l’une des familles les plus puissantes du Vieux Continent, dont l’influence s’est immiscée jusque dans les plus hautes sphères des républiques italiennes, du Vatican et du Royaume de France.
La première saison prend place au cœur du Quattrocento, dans ce XVe siècle bouillonnant voyant l’émergence des nouveaux courants de pensée artistiques et philosophiques qui mettront définitivement à bas les derniers vestiges du Moyen-Age. Florence est une cité prospère cherchant à se faire une place au soleil entre Venise et Gênes et qui subit de plein fouet l’émergence d’une classe moyenne dynamique capable de s’enrichir en moins d’une génération grâce à un sens aigu du commerce et des relations diplomatiques. Ce n’est pas du goût de tous, et notamment des représentants de la caste nobiliaire, fils de grandes familles qui ont toutefois du mal à faire fructifier leurs terres et voient d’un mauvais œil le pouvoir grandissant de ces marchands. S’il est une famille qui séduit tout en suscitant la jalousie et la haine, c’est bien les Médicis : Giovanni, leur patriarche visionnaire, a su faire preuve d’un esprit avisé et progressiste en capitalisant sur l’avenir sans pour autant dédaigner le peuple. Banquier hors-pair, vaguement soupçonné d’usure (pratique encore formellement proscrite dans cette Europe profondément catholique), il a frappé un grand coup en devenant le seul gestionnaire des comptes papaux, s’attirant les foudres des familles rivales. Membre de facto de la Signoria, sorte de Conseil des Sages de la république florentine, il mène grand train et prépare déjà sa succession en orientant sévèrement les choix de ses fils (il n’hésite pas à écarter une amante qui nuirait à l’avenir de ses rejetons). C’est Côme, son aîné, pourtant nettement plus passionné de peinture et d’architecture, qui devra assumer la pérennité de la Maison Médicis. Il a déjà fait ses premières armes, sans le savoir, habilement piloté par son père, en s’attirant d’abord la faveur de l’héritier d’une famille rivale, puis en contribuant à placer sur le trône de Saint-Pierre un pape beaucoup plus enclin à transiger avec eux.
Mais un matin, alors qu’il goûte comme à son habitude le raisin de la treille afin de déterminer sa maturité, il succombe. Empoisonné. Quelqu’un a mis de la ciguë. Quelqu’un a voulu sa mort. Mais qui ? Un rival ? Un fils frustré ? Un serviteur payé par un adversaire ?
L’assassinat du patriarche sous-tendra toute cette saison, avec le jeune Côme propulsé sur le devant de la scène, forcé de quitter les derniers oripeaux d’une jeunesse dorée et insouciante et de travailler main dans la main avec une femme qu’on lui a imposée, car héritière d’une vieille noblesse. Il lui faut se faire élire à la Signoria, renforcer les liens avec Rome et surtout mener l’enquête au plus vite. Son homme de main, l’habile Marco Bello, un coupe-jarret discret mais fin observateur, remontera petit à petit une piste de plus en plus trouble, parsemée de crimes sordides : ceux qui peuvent parler sont vite éliminés, et les indices deviennent de plus en plus ténus et peu fiables. Et alors que Côme pensait savourer ses premières victoires politiques, la Peste frappe…
Les Médicis est une série ambitieuse, volontairement tournée in situ (les très nombreuses featurettes du DVD nous dévoilent les coulisses de quelques monuments de Florence, et surtout des quartiers entiers d’une vielle médiévale dans le Latium) au grand ravissement de Spotnitz, lequel n’avait plus qu’à convaincre quelques grands noms de figurer en tête d’affiche, le tout pour satisfaire aux exigences des producteurs et diffuseurs. La présence de Dustin Hoffman dans le rôle de Giovanni fait donc beaucoup pour l’aura de la série, quand bien même il ne figure que dans quelques scènes et disparaît même après trois épisodes. Heureusement que ces derniers sont construits sur un schéma temporel double avec un montage parallèle entre le temps présent (Giovanni meurt, son fils lui succède) et 20 ans avant (Côme et son frère Lorenzo apprennent les rouages de la politique auprès de leur roublard de père). On peut légitimement concevoir une certaine frustration de ne pas davantage profiter de l’acteur de Little Big Man qui pourtant figure en bonne place sur les affiches et les jaquettes. D’autant que l’autre déception vient de Richard Madden en Côme de Médicis, arborant un faciès constamment bougon, desserrant rarement les dents et se contentant de modifier la profondeur de son froncement de sourcils. C’est lui le rôle principal et il manque clairement de magnétisme pour s’y engoncer sereinement. Cela dit, il confère une certaine froideur à ce personnage complexe à l’enfance biaisée qui a dû sacrifier son grand amour pour la cause patrimoniale et finira par sublimer ses penchants artistiques en devenant le mécène des plus grands (Donatello, Brunelleschi à qui il confiera l’achèvement du Duomo).
Autour d’eux, les seconds rôles ne sont pas en reste, et c’est la grande qualité de la série qui se déroule sur un schéma bien balisé, ménageant peu de surprises sur le destin de Médicis tout en parvenant à conserver le suspense sur l’identité du ou des meurtriers de Giovanni (Spotnitz et Nicholas Meyer parvenant à faire douter le spectateur et à disséminer quelques fausses pistes habiles). Stuart Martin campe un Lorenzo jovial et emphatique avec une désinvolture qui nous fait terriblement penser à Hugh Jackman. Brian Cox apparaît en doyen de la Signoria avec sa bonhomie et ses rictus équivoques habituels. Toutefois c’est sans doute Annabel Scholey qui finit par emporter l’adhésion dans le rôle de Contessina, contrainte par son père ruiné d’épouser l’héritier Médicis et qui le secondera contre vents et marées, allant jusqu’à se compromettre pour la famille. Un très beau rôle de femme forte cherchant à souligner sa place dans un monde encore beaucoup trop viril tout en ravalant constamment sa rancœur et ses élans amoureux.
Ajoutons pour parfaire le tableau quelques jolis plans réguliers de la campagne lombarde et toscane (c’est presque amusant de voir chaque épisode compter au moins une séquence avec la chevauchée d’un messager ou d’un des personnages d’un point à un autre de l’Italie du nord, entre Florence, Venise et Rome) et une musique agréable, marquée par la chanson du générique qui vous hantera littéralement grâce à la voix inimitable de Skin (la chanteuse de Skunk Anansie).
8 épisodes de facture classique donc, à la direction artistique sophistiquée et concentrés sur la montée en puissance de l’une des plus puissantes familles d’Europe. La seconde saison, en cours d’écriture, devrait porter sur Laurent le Magnifique, le petit-fils de Côme et personnage central du Prince de Machiavel.
Titre original | Medici : Masters of Florence |
Créateurs | Frank Spotnitz & Nicholas Meyer |
Format | 1 saison de 8 épisodes de 50 min |
Date de 1e diffusion | 25 octobre 2016 sur SFR Play |
Date de 1e diffusion française | 25 octobre 2016 sur SFR Play |
Date de sortie en vidéo | 1er février 2017 avec Wild Side |
Distribution | Richard Madden, Annabel Scholey, Stuart Martin, Brian Cox & Dustin Hoffman |
Musique | Paolo Buonvino |
Support & durée | DVD Wild Side (2017) zone 2 en 2.35 :1 /400 min |
Synopsis : Florence, XVe siècle. Giovanni de Medicis, père fondateur de la dynastie, décède dans de mystérieuses circonstances. Sa colossale fortune et la banque familiale reviennent à son fils aîné Côme (Cosimo) qui a, depuis toujours, dû mettre ses ambitions artistiques de côté dans le but de reprendre le flambeau de l’entreprise. Mais, dans cette époque troublée, il devra déjouer les conspirations des représentants des grands pouvoirs en place et mener une lutte acharnée pour maintenir à flots la banque tout en ayant des visées plus philanthropiques et universelles.