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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Chronic : juste avant la mort

[critique] Chronic : juste avant la mort
Chronic

Daniel & Ana et surtout Despuès de Lucia (Prix Un Certain Regard à Cannes en 2012) ont fait de Michel Franco un réalisateur à suivre. Son retour sur la Croisette l'an dernier a été encore une fois couronné puisque Chronic a décroché cette fois le Prix du Scénario, sans toutefois faire l'unanimité. Il faut dire que le sujet, très fort, et sa façon particulière de mettre en scène ont eu le don de refroidir certaines ardeurs. Même la prestation, pourtant souvent largement saluée, de Tim Roth en aide-soignant dévoué envers les mourants mais incapable de réparer les fissures de son existence, a suscité certaines réactions négatives.

La sortie le mois dernier (le 24 février 2016 avec Wild Side) du DVD zone 2 - en parallèle avec sa mise à disposition sur le marché VOD - permettra sans doute de permettre aux plus curieux, dont j'étais, de se faire une opinion.

Tout d'abord, Chronic intrigue par son dispositif. La première séquence, abrupte et un peu énigmatique (un homme guette une jeune femme dans une voiture puis la suit un moment), donne le ton : le film ne sera pas bavard. Ni même aisé : pas la moindre bande originale ni son extra-diégétique, les seules notes de musique qu'on percevra seront du son in et je ne crois même pas avoir perçu de transition sonore. Ce choix artistique et technique est défendu âprement par Michel Franco qui désirait "une tonalité aussi réaliste que possible" dans un film qui s'inspire d'un événément dramatique qu'il avait vécu peu de temps auparavant. Evidemment, en dehors de quelques éclats de rire et de moments de pure tendresse, l'ensemble du métrage n'est pas gai du tout, et même plutôt morbide. A ne pas visionner seul en cas de blues.

Ce dispositif s'étend d'ailleurs au casting puisque des comédiens non-professionnels, dont de véritables infirmières, se mêlent aux acteurs - et franchement, ceux qui interprètent ces malades en fin de vie, dont le corps ne répond plus que de manière chaotique, abandonnés par une famille impuissante et gênée aux mains expertes d'un homme à la patience infinie, sont extrêmement convaincants - et il faut une bonne dose de courage pour accepter de s'avilir autant à l'écran. De fait, Chronic impressionne par sa brutalité ouatée, à la limite de l'obscénité, avec ces séquences presque insoutenables où l'individu perd toute dignité, se révolte parfois contre sa condition avant de s'abandonner sur un éclair de lucidité mortifère. Tim Roth, avec ce personnage énigmatique, quasi-mutique, qui choisit de ne plus vivre que pour ses patients (ayant laissé jusqu'à sa famille, même s'il suit les études de sa fille par internet interposé) en dissimulant sa propre douleur, est admirable de conviction et sa prestation se pare d'une étonnante élégance (lui d'ordinaire si pataud dans sa démarche). 

S'il a des chances de choquer une partie du public par ses scènes crues, filmées sans fard mais avec une réelle méticulosité dans le cadrage, Chronic peut décevoir en revanche par son déroulement : le film ne raconte pas grand-chose, suivant pas à pas l'existence morne d'un homme solitaire entièrement dévoué à ses patients particuliers - au point d'engendrer un sentiment de rejet quand les proches du malade se sentent spoliés de ses derniers gestes d'affection (un peu comme quand l'enfant préfère la nourrice bienveillante à la mère absente). On finit par comprendre pourquoi cet homme se sent obligé de consacrer toutes ses heures aux autres et c'est alors que survient cette fin, soudaine, inattendue, totalement frustrante et presque incompréhensible (presque car certains petits éléments pourraient lui conférer un semblant de sens). Elle a fait du mal à l'image du film, divisant la critique, surtout dans la blogosphère. Elle n'est clairement pas là pour rassurer, expliquer ou rationnaliser. Elle peut même donner une impression de travail bâclé, comme si Franco n'avait plus rien à dire.

Peut-être était-ce le cas.

 

Mais le film vaut vraiment le coup d'être vu.  

 

 

 

 

Titre original

Chronic

Mise en scène 

Michel Franco

Date de sortie France 

21 octobre 2015 avec Wild Bunch

Scénario 

Michel Franco

Distribution 

Tim Roth, Robin Bartlett & Sarah Sutherland

Musique

 

Photographie

Yves Cape

Support & durée

DVD Wild Side (2016) zone 2 en 1.85:1 / 93 min

 

Résumé : Aide-soignant, David travaille auprès de personnes en phase terminale. Méticuleux, efficace et passionné par son métier, il noue des relations qui vont bien au-delà du cadre médical et instaure une véritable intimité avec ses patients. Mais dans sa vie privée, David est inefficace, maladroit et réservé. Il a besoin de ses patients tout autant qu’ils ont besoin de lui.

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S
Un film plutôt dur, parfois difficile à regarder car les malades souffrent physiquement et mentalement mais c'est un vrai documentaire sur le métier d'infirmier à domicile. Tim Roth y est excellent. Ca ouvre l'esprit sur ce qu'on ne peut constater que quand on le vit réellement.
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