Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une magnifique invitation à l’émerveillement et à l’ouverture sur le monde, où la confection minutieuse d’un simple dorayaki prend des allures de belle leçon de vie.
Oui, cela fait cliché de le dire, sachant que l’on parle d’un film japonais, mais Les Délices De Tokyo est bel et bien une œuvre subtile, délicate et épurée, qui prend son temps pour nous raconter son histoire. Car il est vrai que son titre français nous fait davantage penser à une folle escapade culinaire dans la frénésie tokyoïte, plutôt qu’à une tranquille halte dans cette petite échoppe de banlieue.
C’est qu’il s’agit d’un film de Naomi Kawase avant tout. Donc même si l’on y parle d’une spécialité japonaise, ne vous attendez pas à retrouver l’ambiance délirante d’un Tampopo, qui élevait la préparation de ramen au rang d’art (ce que ce merveilleux plat est assurément !). Ici, l’on parle de dorayaki, cette petite pâtisserie populaire semblable à une sorte de pancake fourré avec de la pâte de haricots rouges azuki, mais il ne s’agit pas pour autant du thème principal du film. La réalisatrice se sert de cet élément unissant les trois principaux personnages pour mieux définir leurs relations (il y a celle – la vieille dame enjouée - qui sait cuisiner, celui – le vendeur renfermé - qui apprend et la dernière - la jeune collégienne à l’environnement familial difficile - qui goûte) afin de leur permettre de tracer leur propre parcours. Chacun cache un lourd passé, et c’est au contact des deux autres qu’ils vont s’ouvrir au monde pour pouvoir enfin avancer.
C’est ainsi que Les Délices De Tokyo s’apparente à une magnifique invitation à l’émerveillement, où la confection minutieuse d’un simple dorayaki prend des allures de belle leçon de vie. Ensemble, autour d’un objectif commun, ils vont apprendre – dans une société ou dans un cadre qui les aura contraints à ne pas s’exprimer jusqu’alors - à se dépasser, à prendre confiance en eux, à exister. Cela commence par la compréhension du monde extérieur, de la perception plus fine et attentive de l’environnement. Un rayon de soleil qui perce à travers les feuilles d’un arbre agitées par le vent, le léger murmure de l’eau qui coule dans une rivière, le chant d’un oiseau, le vacarme lointain de la ville, le bouillonnement d’une marmite ou encore le crépitement d’une pâte liquide tout juste versée sur une plaque chauffante, Naomi Kawase met en scène l’intangible pour illustrer l’éveil des personnages. Ceux qui sauront observer (la couleur des haricots lorsqu’ils atteignent la cuisson idéale), écouter (le sifflement du petit oiseau de la jeune écolière), ressentir (le soin et la délicatesse avec lesquels il faut remuer la pâte pour ne pas écraser les azuki), dépasser les craintes et les apparences (les mains tordues de la petite vieille ne l’empêchant pas de faire preuve de dextérité et de talent) auront alors bien retenu les enseignements et pourront maîtriser leur art.
Il se dégage de ces Délices De Tokyo une ambiance réconfortante, quand bien même le récit prend des tournures émouvantes, il reste optimiste et rassurant. Un très beau long-métrage.
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Titre original |
An |
Mise en scène |
Naomi Kawase |
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Date de sortie |
27/01/2016 avec Haut & Court |
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Scénario |
Naomi Kawase & Durian Sukegawa |
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Distribution |
Masatoshi Nagase, Kirin Kiki & Kyara Uchida |
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Photographie |
Shigeki Akiyama |
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Musique |
David Hadjadj |
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Support & durée |
35 mm en 2.35 : 1 / 113 minutes |
Synopsis : Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaises qui se composent de deux pancakes fourrés de pâte de haricots rouges confits, « AN ».
Tokue, une femme de 70 ans, va tenter de convaincre Sentaro, le vendeur de dorayakis, de l’embaucher.
Tokue a le secret d’une pâte exquise et la petite échoppe devient un endroit incontournable...