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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Daddy Cool : Ruffalo bipolaire

[critique] Daddy Cool : Ruffalo bipolaire

Le 17 novembre dernier, on pouvait commencer à trouver dans les rayons de vos magasins favoris le DVD de Daddy Cool, un film qui s'est fait remarquer davantage dans les festivals comme Deauville ou Sundance qu'en salles (il est sorti chez nous au début de l'été). Il y avait pourtant de quoi se déplacer pour aller voir cette chronique douce-amère, vaguement autobiographique (la réalisatrice affirme avoir vécu cette situation lorsqu'elle avait six ans) et interprétée avec talent.

Cette coproduction Bad Robot (la firme de J. J. Abrams) a tout du "feel good movie", faisant sans doute partie des plus beaux films d'amour de l'année, calquant son rythme sur ses personnages principaux que la caméra ne lâche jamais : en se focalisant sur les tribulations de cette famille dysfonctionnelle, la réalisatrice prend le parti d'élaborer une oeuvre privilégiant l'émotion brute au style, bien aidée par un montage parfois abrupt et des prises de vues volontairement décalées. C'est qu'on nous montre dès les premières secondes l'importance du mal dont souffre le père, Cameron, qui fut un temps idyllique l'amant et le mari idéal pour Maggie avant qu'un trouble du comportement ne vienne définitivement mettre un terme à cette radieuse sérénité. Nous sommes dans les années 70 et les recherches sur les maladies mentales en étaient encore au stade du balbutiement, du coup Cameron, après avoir pété les plombs plusieurs fois - terrorrisant sans le vouloir ses tout jeunes enfants - se voit contraint de passer de longs séjours en clinique et de prendre sa dose de lithium régulièrement. De quoi miner la volonté de ce touche-à-tout de génie et ruiner l'image du père chez deux jeunes filles un peu perdues.

Fin du préambule. On image sans peine la suite et on se demande bien comment (et si ?) ce couple qui a connu le bonheur retrouvera un peu de quiétude. Le problème est qu'il faut vivre et Maggie se voit contrainte de reprendre ses études afin de décrocher une place plus profitable à l'éducation de ses enfants. Or, les comptes sont à sec, la formation est à New-York et elle n'a personne pour s'occuper du petit appartement qu'elle loue dans un quartier miteux. A moins que Cameron, s'il fait les efforts nécessaires, parvienne à gérer le stress du quotidien d'un père au foyer ? Le challenge est osé, et d'importance : la survie de la famille en est l'enjeu.

Evidemment, Cameron accepte le défi - et retombe très vite dans ses travers. Sauf que cette fois, ce ne sera pas le regard sévère de sa femme compréhensive, mais celui encore plus perforant et déstabilisant de ses deux filles contraintes de grandir trop vite dans un environnement hostile. Les jeunes comédiennes interprétant Amélia et Faith sont ainsi remarquables d'aplomb, faisant face à l'irresponsabilité d'un père parfois adorable, parfois (et trop souvent) paumé jusqu'à en être pitoyable. Même si les difficultés rencontrées par Maggie dans le monde professionnel constituaient un autre champ d'investigation du script (une femme, jeune, qui travaille et laisse son mari à la maison semblait être révolutionnaire - et assez mal vu), c'est bien dans les atermoiements de Cameron que réside le principal intérêt du film, d'autant que Mark Ruffalo y trouve un rôle à sa mesure. Sa bipolarité lui permet toutes les excentricités et le personnage agacera autant qu'il séduira par ses changements brutaux de ton, ses manies de bricolage ou son "clopage" incessant (pas ou presque de plan sans qu'il ait une cigarette allumée), ses débordements de tendresse et cette forme d'immaturité dans les relations qui ne peuvent que le rendre touchant. Zoe Saldana est au diapason, jouant une Maggie résolue, s'efforçant d'être raisonnable mais encore séduite malgré elle par cet être à part qui avait ravi son coeur avant de l'exaspérer.

Si les inévitables obstacles, les hauts et les bas du scénario ont souvent un air de déjà-vu, la candeur des interprètes, l'acuité des répliques et les parti-pris d'une réalisatrice émotionnellement impliquée font de cette chronique une machine à fantaisie douce-amère et one se repenche avec délectation dans cette période finalement peu connue où se repensaient les schémas sociaux dans une Amérique encore ankylosée. Un choix pertinent parmi les nombreux autres films à regarder sortis dans la même période. A signaler la présence de l'acteur Keir Dullea au générique - il a bien changé depuis l'époque où il interprétait Dave Bowman dans 2001, l'Odyssée de l'espace...

 

 

Titre original

Infinitely Polar Bear

Mise en scène 

Maya Forbes

Date de sortie France 

8 juillet 2015 avec BAC Films.

Scénario 

Maya Forbes

Distribution 

Mark Ruffalo, Zoe Saldana & Keir Dullea

Musique

Theodore Shapiro

Photographie

Bobby Bukowsky

Support & durée

DVD BAC Films (2015) zone 2 en 1.85:1 / 88 min

 

 

Synopsis : Entre fous rires et crises de larmes, Cameron Stuart ne sait plus où donner de la tête. Diagnostiqué bipolaire, Cameron suit un traitement dans le but de reconquérir sa femme Maggie et de réintégrer le cocon familial qu’ils forment avec leurs deux filles. Mais lorsque Maggie décide de quitter Boston pour partir à New-York reprendre ses études, la jeune femme n'a pas d'autre choix que de confier la garde de ses enfants à ce père pas tout à fait comme les autres…

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T
Un très joli film sur la maladie, la différence et la famille, très bien interprété :)
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V
Oui, j'ai vu que tu l'avais également chroniqué. Merci d'être passé, Tueuse !