Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Les sorties en DTV, depuis quelques années, proposent au public français des films qui peuvent s'avérer d'excellentes surprises (au point de réintégrer le circuit des salles après coup) : on sait dorénavant qu'il ne faut pas s'arrêter sur son statut un peu honteux et chercher soi-même si le métrage vaut le coup. Vu que la campagne précédant sa sortie s'avère complètement tronquée, voire inexistante, ce n'est que par le biais de chanceux testeurs qu'on peut se faire une idée - à moins d'aimer prendre le risque d'acheter une galette qui sera revendue juste après son éjection du lecteur.
The Patrol avait une accroche solide et jouissait de quelques support publicitaires élogieux, certains allant jusqu'à le comparer à Démineurs (film bourré de qualités mais que je n'avais pas du tout aimé). La jaquette l'annonce même lauréat du titre de meilleur film au Raindance Film Festival (en revanche, je ne vois pas trop le rapport avec Act of valor, en dehors du fait qu'il s'agit du même distributeur vidéo). Co-produit par une firme marocaine (le film étant entièrement tourné sur place bien que l'action soit censée se dérouler en Afghanistan), the Patrol est visiblement le bébé d'un réalisateur concerné, puisqu'ancien officier lui-même, et a l'ambition de montrer la guerre sous un angle différent, dynamitant le processus héroïque et questionnant le sens du conflit, avec des hommes qui en viendront à douter du bien-fondé de leur mission lorsque leur sens du devoir et leur engouement patriotique s'effacera devant l'iniquité de leurs actions et la fragilité de leur existence.
On ne quitte jamais la zone dans laquelle opère cette unité britannique que la caméra va suivre patiemment, alternant entre des prises de vues actives, caméra à l'épaule, et des plans plus sages prenant le temps de livrer quelques jolies photos en contre-jour (ah ! depuis Lawrence d'Arabie, les lignes de crête des déserts sableux ont toujours le même impact photogénique). Il s'agit d'une escouade mobile patrouillant dans le cadre d'une mission conjointe avec les forces de l'OTAN visant à prendre des repères pour faciliter des missions plus percutantes livrées par les soldats US. Ils sont sur le terrain depuis longtemps et on sent dès le début que cela leur pèse, d'autant que les rôles ne sont pas équilibrés : le jeune et sémillant lieutenant Bradshaw, futur papa, est toujours loin du feu puisqu'il doit rester en liaison avec le PC opérationnel, demandant parfois un appui aérien si c'est nécessaire. Le capitaine Richardson en revanche est un dur à cuire, rigoureux et ferme sur la discipline, exigeant beaucoup de ses hommes mais encore davantage de lui-même. Son sergent fait merveille dans son rôle de tampon entre les grommellements et rancoeurs de ses soldats au bout du rouleau et les ordres parfois incompréhensibles venus d'en haut : d'un mot, il tait les moindres velléités de discussion et coordonne les actions.
Reste que les hommes en ont assez, et on le comprend très vite dès les premières minutes. Leur équipement n'est pas adéquat, les opérations se prolongent et les forcent à prendre de plus en plus de risques alors même que le but des manoeuvres paraît chaque jour moins clair. Il faut dire que patrouiller dans ces régions désertiques n'est pas une sinécure, chaque petite cahute abandonnée, chaque vallon rocailleux pouvant abriter un sniper. La tension ne retombe jamais et les nuits voient se succéder les tours de garde avec les mitrailleuses lourdes qu'il faut chaque fois remonter sur les véhicules. Survient alors le drame : au cours d'une embuscade, l'un des leurs est touché et succombera plus tard. C'est l'étincelle qui va mettre le feu aux poudres, alors même que le capitaine leur annonce dès le lendemain que l'opération devra être reconduite.
Dans une ambiance étouffante, soutenue par une musique très agréable aux sonorités très proches d'Atticus Ross (dans le Livre d'Eli), on assiste sur quelques jours à une lente prise de conscience de la vanité d'un conflit qui les dépasse : ils ne savent plus pour quoi, ou pour qui, ils luttent mais se heurtent à l'inflexibilité d'un officier patriote dont on sent pourtant que les valeurs sont en train de s'effilocher. On ne verra jamais le moindre ennemi, au point que, lorsqu'ils répliquent violemment à l'escarmouche précitée, on a presque l'impression qu'ils tirent à l'aveuglette pour défouler toute leur frustration (un peu comme les membres du commando dans Predator lorsqu'ils hachent menu une partie de la jungle qui leur fait face). Leur nervosité est telle qu'on les verra sur le point d'abattre des jeunes en train de jouer au foot.
En fin connaisseur d'un milieu particulier, véritable creuset d'émotions contradictoires, Tom Petch parvient à conserver une ligne directrice habile en délivrant une oeuvre peu ordinaire mais qui ne parvient jamais à trouver sa légitimité. L'usage de la voix off de l'officier qui revient sur ces quelques jours est à mon sens une maladresse, et la gestion du temps n'est pas optimale. Pourtant, le film a pour lui une réelle authenticité, demeurant au plus près de soldats qui ne sont jamais glorifiés, ni héros ni salauds, juste des hommes qui seront, à un moment crucial, confrontés au doute.
S'il échoue peut-être sur la portée de son projet, et sur sa direction d'acteurs (eux-mêmes pas toujours convaincants), Petch permet aux spectateurs de vivre une expérience peu commune rehaussée par une photographie remarquable. Une trouvaille qui n'est ni "captivante", ni véritablement "impressionnante" comme le suggèrent les entrefilets issus des grands médias culturels mais qui a le mérite de montrer, malgré une bande-annonce également trompeuse (on croit regarder un véritable film de guerre, nerveux et violent), le théâtre de ces opérations militaires au goût amer et aux conséquences pernicieuses. Une oeuvre qui a aussi le mérite de ne pas inutilement s'étendre sur son script, avec une durée étonnamment courte.
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Titre original |
The Patrol |
Mise en scène |
Tom Petch |
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Date de sortie France |
19 août 2015 (DTV) |
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Scénario |
Tom Petch |
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Distribution |
Owen Arthur, Nicholas Beveney & Daniel Fraser |
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Musique |
James McWilliam |
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Photographie |
Stuart Bentley |
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Support & durée |
Blu-ray TF1 (2015) region B en 1.85:1 / 83 min |
Synopsis : En 2006 au Royaume-Uni, le Ministre de la Défense annonce le déploiement de troupes britanniques dans la province d'Helmand en Afghanistan. Il précise : "nous serions heureux de quitter l'Afghanistan sans avoir tiré un seul coup de feu". The Patrol met en avant un mentor opérationnel de l'armée britannique et son équipe de liaison en accord avec les actions menées par l'OTAN. Alors que l'insurrection des Talibans pèse de plus en plus sur les soldats, les problèmes liés à leurs opérations obligent les hommes à se remettre en question et à remettre en question leur rôle dans cette guerre.