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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Hystéria : le Miroir de la folie

[critique] Hystéria : le Miroir de la folie

Sorti récemment en DTV, Hystéria, sur le papier, faisait partie de ces productions dont on se demande bien pourquoi elles n'ont pas trouvé de distributeur sur le territoire français. Chaque année, grâce aux contributeurs du Palmarès Interblogs, on constate ainsi l'existence de petits bijoux qui s'avèrent bien supérieurs à bon nombre de films qui, eux, ont eu l'honneur d'une exploitation en salles. Grâce à Cinétrafic, j'ai pu me faire une idée de ce que valait vraiment ce métrage.

Produit par Mel Gibson, réalisé par un vieux routier des séries TV à sensation (Fringe surtout, mais aussi des épisodes de Boardwalk Empire, Treme ou le pilote d'Almost Human) qui s'est déjà frotté aux contingences du cinéma avec un certain succès critique (the Machinist avec Christian Bale, the Call avec Halle Berry), Stonehearst Asylum (de son titre original) avait tout du film de genre soigné, baigné de références et dont l'aura serait entretenue par un casting d'exception.

De fait, la bande-annonce très classique remplissait son office : une photo aux couleurs désaturées (Brad Anderson ayant débauché son chef-opérateur de the Call et Fringe) découvrait un paysage désolé et austère, propice aux errements gothiques et post-modernes, où se détachait une bâtisse imposante : l'asile d'aliénés dans lequel un jeune médecin, Edward Newgate, aliéniste plein d'optimisme en cette fin de siècle (l'histoire se passe en 1899, à quelques jours du nouvel An), décide de faire un stage afin d'observer les méthodes qui y sont appliquées. Si notre héros (Jim Sturgess, manquant d'épaisseur) n'a pas la stature de ceux qui inondent le marché de l'entertainment, il correspond plutôt bien aux canons de la littérature pré-fantastique. Il s'agit, ne l'oublions pas, de l'adaptation (assez libre) d'une nouvelle d'Edgar Poe (le Système du Docteur Goudron & du Professeur Plume) et l'évanescence ainsi que la fragilité de notre interprète semblaient un bon choix. D'autant qu'à l'intérieur de la bâtisse qui aurait pu servir de cadre à n'importe quel film de maison hantée l'accueil est stupéfiant : le directeur, un certain Silas Lamb, est un homme distingué et maniéré, aussi intelligent que discret et persuasif. Ben Kingsley est parfaitement à son aise dans la peau de cet homme dont on se doute bien vite qu'il nous cache quelque chose (je préfère ne pas dévoiler le plus gros twist, même si on le voit arriver à des kilomètres) et notre jeune et idéaliste Edward se retrouve stupéfié par la façon très libérale dont les patients sont traités : à une époque où on les douche à l'eau froide, on les drogue ou on les enferme pour un rien, ils sont ici en semi-liberté sous l'oeil bienveillant d'une équipe médicale restreinte et complice, usant d'une psychologie de bon ton. Ils jouent, parlent, dînent et vaquent avec l'insouciance caractéristique des fous et ne sont mis à l'écart que lorsqu'ils représentent un danger pour les autres. Néanmoins, quoique positivement ébloui par le côté progressiste de ces méthodes, Newgate n'a d'yeux que pour Eliza, une ravissante femme internée sous prétexte d'hystérie (son corps réagissant trop violemment à chaque contact) qui passe son temps à jouer du piano pour le plus grand bonheur de ses pairs.

Evidemment, Newgate est sous le charme. Dès le premier regard. Et quand les premiers mystères celés par l'établissement se dévoileront, il n'aura de cesse de libérer Eliza de ses dernières entraves et de partir avec elle.

Si fascinants que soient les décors (la majeure partie du film a été tournée en Bulgarie) et impressionnant le casting (Brendan Gleeson, Michael Caine, David Thewlis viennent compléter, dans des rôles secondaires, le tableau), on ne parvient cependant pas à être embarqué dans cette histoire menée trop classiquement, qui assène ses retournements de situation avec lourdeur, sème ses indices sans la moindre subtilité (la première séquence, dans le style Elephant Man, donne déjà le ton) et ne parvient pas à surprendre, ni même à passionner. Certes, Kate Beckinsale joue une Eliza pleine de charme, toutefois les événements s'enchaînent trop vite et de manière confuse, dramatisant sans discernement et peinant à intriguer. D'autant que le traitement donné à l'image et la langueur de la partition musicale, qui auraient pu laisser penser à une forme de Shutter Island gothique, n'est que de la poudre aux yeux : certes, il y est question de réalité altérée, mais le doute est rare et le rythme chaotique ne permet pas de se poser des questions. Bien trop sage, même dans ses points d'orgue, Hystéria rate consciencieusement son but mais permet d'avoir la satisfaction de suivre une histoire banale avec de grands et beaux acteurs.

 

Déception donc, pour un film qui semblait né sous une bonne étoile et qui aurait mérité un traitement plus radical, plus engagé, plus retors en jouant davantage sur les perceptions et les non-dits. Reste le sourire de Kate, qui porte à merveille le chignon et les tenues victoriennes.

 

 

 

 

Titre original

Stonehearst Asylum

Réalisation 

Brad Anderson

Date de sortie

7 août 2015 avec Metropolitan (DTV)

Scénario 

Joe Gangemi d'après Edgar Allan Poe

Distribution

Kate Beckinsale, Jim Sturgess, Ben Kingsley, David Thewlis, Brendan Gleeson & Michael Caine

Photographie

Tom Yatsko

Musique

John Debney

Support & durée

Blu-ray Metropolitan (2015) region B en 1.85:1 / 108 min

 

Synopsis : Lorsqu’il arrive à l’asile de Stonehearst, le docteur Edward Newgate est accueilli par le Directeur de l’établissement, le Dr Lamb et une envoûtante jeune femme : Eliza Graves. Edward montre beaucoup d’intérêt pour les méthodes de traitement modernes de Lamb, jusqu’à ce que de mystérieuses disparitions attirent son attention... 

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S
Il y a quelques facilités et quelques lourdeurs je l'admets mais ça reste à mon sens un bon film par la qualité du jeu des acteurs, les décors, les costumes et quelques surprises inattendues.
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