Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Difficile de savoir quoi penser de ce film. Il ne constitue qu'une partie du dernier épisode, et donc n'a pas de déroulement classique puisqu'il se coupe en plein coeur de l'intrigue et n'a pas de fin réelle. Il s'agit clairement d'une moitié de film.
Une moitié de film cependant extrêmement prometteuse. D'une part parce que ce que nous raconte cette première partie est tout simplement captivant, d'autre part parce que Yates et les acteurs démontrent une nouvelle fois leur talent et leur envie de faire le meilleur film possible. La deuxième partie s'annonce très bonne.
Et pourtant...
Le film continue la tradition des défauts inhérents à la série. Le scénario est encore et toujours en dessous des espérances. Je ne parle pas en terme d'adaptation. Que les films ressemblent aux livres, je m'en fous, vraiment. Il n'y a rien de plus débile que de voir les fans des livres offusqués par les coupes, les ellipses ou les rajouts. Non, le scénario est bancal parce qu'il a du mal à faire le lien avec les anciens épisodes et à insérer des éléments nécessaires à la compréhension de la suite. Ainsi, si vous n'avez pas lu le livre, vous vous demanderez très probablement d'où sortent les nouveaux personnages et vous pataugerez un peu avec ceux déjà connus mais apparus dans un seul autre épisode. Cette multitude de personnages est cependant justifiée, mais elle est juste mal gérée. Le fait d'avoir coupé le film est tout à fait compréhensible -aucun autre film à part Harry Potter and the philosopher stone ou the Chamber of secrets ne peut se targuer d'être aussi fidèle au livre - mais on peut quand même se demander si cela n'a pas pour effet inverse d'alourdir l'histoire. D'autant plus que l'un des aspects les plus importants du livre (le passé de Dumbledore) est pour l'instant complètement absent, ou à peine évoqué. Là où tous les autres épisodes avaient le mérite d'être condensés avec plus ou moins de succès (tout en se ratant sur les liens entre eux) et de maintenir une certaine trame, ici cette liberté, cette aisance pour prendre son temps, empêche en quelque sorte de suivre le récit d'une manière fluide. On assiste davantage à des scénettes sans fil conducteur. Preuve en est la présence de nombreux fondus qui coupent l'action pour mieux reprendre par la suite. Une sorte de style télévisuel en gros.
Mais à part ça (et je reconnais que c'est un défaut qui pourra encore plus faire décrocher les réfractaires car amenant une certaine lenteur), le film sort suffisamment du schéma narratif habituel (retrouvailles des amis - go à Poudlard - oh t'as vu la gueule du nouveau professeur ? - Ah j'aime pas trop ces cours - oh merde une énigme - youpi on a réussi à battre les méchants !) pour devenir intrigant.
Ca fait vraiment plaisir d'admirer de nouveaux décors - souvent des paysages sublimes - et de découvrir d'autres aspects des personnages. Le trio n'étant plus encadré par des adultes et n'étant plus régi par les règles de Poudlard, il se lâche totalement.
Globalement, les rapports entre les protagonistes sont mieux définis que sur les précédents films. Frustrant quand on sait que la plupart n'ont que quelques minutes d'apparition.
A ce titre on aurait vraiment souhaité en savoir plus sur : le départ des Dursley (merde quoi, Dudley on ne le voit que de dos !), l'arrivée des têtes connues à Poudlard (on ne voit Ginny et Neville que quelques plans dans le Hogwart express et c'est tout...), l'utilité d'Ollivander (un personnage vu dans le premier et qui a une certaine importance dans le livre, et qui est dans le film presque pour faire plaisir aux spectateurs) ou de Grindelwald, Fletcher, Scrimgeour, Gregorovitch (quatre personnages apparaissant dans cet épisode et nécessaires à l'intrigue mais dont la présence se limite pour certains à une minute).
A trop vouloir prendre son temps, coller au livre, on en oublie l'essentiel pour un film : l'implication des spectateurs. Bien sûr, ceux-ci sont concernés par l’histoire, mais il ne doivent pas compter que sur le film pour les aider à s'impliquer, ils participent presque tout autant inconsciemment, faisant le travail du scénariste qui sait très bien que le public a déjà une forte empathie pour les personnages et les acteurs qu'il a vu grandir et que par conséquent il peut se permettre de caser un max de trucs dans son film (pas forcément cohérents du coup) au détriment de l'émotion. Par exemple, je ne vais pas spoiler mais certains personnages reviennent dans cet épisode. On ne les avait vus que dans un seul film avant. Et certains de ces personnages sont censés avoir des scènes fortes en émotion. Comment voulez-vous que ce genre d'émotions fonctionne par le simple biais du film ? Il est évident que les spectateurs seront plus ou moins sensibles selon leur degré d'attachement à ces personnages en dehors du métrage (et donc grâce aux romans).
Du coup la plupart des scènes "touchantes" fonctionne en demi-teinte.
Paradoxalement, certains passages sont magnifiques en terme d'émotion, et ce sont des passages absents du livre. Deux exemples, parmi les plus belles scènes de tous les films : Hermione jetant un sort à ses parents et Harry et Hermione dansant sous une tente. Cette séquence est celle qui m'a le plus emballé.
C'est bien devant ces moments que l'on se dit que la série aurait gagné à prendre plus de libertés.
En parlant de liberté, merveilleuse idée que d'avoir inséré un dessin animé en plein milieu de l'histoire.
Quelques audaces dans une réalisation nerveuse, rythmée, et également classique et presque réaliste. Yates est un bon metteur en scène. La photo est également plutôt réussie.
Il y a une scène à Godric’s Hollow qui pourrait presque s'apparenter à un vrai film d'épouvante au niveau de l'ambiance.
Niveau musique, et même si elle souligne bien l'action, on peut se demander pourquoi le thème de John Williams n'est jamais repris (oui, parce que les notes au générique du film, ça compte pas). C'est non seulement une insulte envers ce grand compositeur mais aussi un simple manque de réflexion : en réécoutant des morceaux des vieux épisodes, nul doute que les spectateurs auraient apprécié et que le film aurait gagné en sensibilité (c'est le dernier épisode tout de même !).
Les acteurs sont tous excellents, on apprécie les nouveaux venus que sont Bill Nighy et Ifans. Radcliffe est vraiment touchant, Watson a son meilleur rôle et Grint toujours aussi bon.
Je ne vais pas trop en dire mais une scène repose entièrement sur leur doublage et on peut dire qu'elle est excellente.
Au final, il s'agit d'un très bon film, un des meilleurs Harry Potter, mais il sera difficile d'en saisir les qualités tant que la deuxième partie n'est pas sortie. En soit c'est excellent et donne vraiment envie de voir la suite.