Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de Robert Rodriguez (1996) avec George Clooney, Quentin Tarantino, Harvey Keitel & Juliette Lewis
Un DVD Buena Vista édition spéciale (2002), 1.85 :1 ; 16/9.
Visionné en VOst DD 5.1
Synopsis : Les frères Gecko sont en cavale. Leur seule chance : gagner le Mexique, où un contact leur a donné rendez-vous dans un bar de routiers. Mais pour cela, il leur faut passer la frontière. Après l’échec de leur première prise d’otages, ils décident d’utiliser la famille de l’ex-pasteur Jacob Fuller qui voyage à bord d’un camping-car. Mais Richard à fort à faire pour canaliser les pulsions de son frère Seth…
Je savais que le challenge des mordus passerait forcément par des redites, autrement dit des revisionnages. Une nuit en enfer fait en effet partie de ces films qu’on insère régulièrement dans le lecteur, histoire de passer une bonne soirée. Road-movie intense et lancinant d’abord, filmé avec malice et bourré de trouvailles en forme de clins d’œil au cinéma d’exploitation tout en affichant crânement la « patte » Tarantino dans ces dialogues presque surréalistes (et par le biais de Earl McGraw, ce Texas Ranger qu’on retrouve dans d’autres de ses films), le scénario opère au bout d’une heure un incroyable et inédit virage à 90°, s’orientant du même coup vers un survival gore, caricatural et souvent drôle dans ses excès, où les vampires ne sont que des avatars de ces monstres assoiffés de sang qui nous faisaient frissonner naguère.
Ce changement de direction, qui peut mal se digérer, prend au dépourvu : il y a clairement deux films de genre dans ce métrage, un « avant » et un « après » le Titty Twister, ce relais routier mal fréquenté, semblant perdu dans le désert, attirant bikers et camionneurs en flattant leurs plus bas instincts (impossible d’oublier la harangue de Chet Pussy – l’un des trois rôles de Cheech Marin – qui vante la variété incroyable de « minous » disponibles à l’intérieur). Et voilà nos deux frères hors-la-loi, flanqués du père Fuller et de ses deux gosses (dont une Juliette Lewis retenant à grand peine son sex-appeal ravageur), attablés dans un bouge où la danseuse Satanico Pandemonium (hypnotisante Salma Hayek) attire les regards de Razor Charlie ou Sex Machine…
Ouais, ça calme. D’autant que la phase transitoire entre les deux moitiés de film (en gros, jusqu’à la fin de la danse de Satanico) n’est pas longue et on découvre bien vite l’horreur que dissimule cet établissement fort peu respectable : les proprios sont des vampires !
Après les origines du mythe (Nosferatu et Vampyr, qui tentaient à leur manière de en pas s’éloigner outre mesure de l’essence du roman de Stoker), après l’orientation gothique kitsch de la Hammer qui trouve chez Coppola une vitrine ostentatoire, après une revisitation monstrueuse de ces bloodsuckers perdant toute élégance et tout charisme au profit d’un comportement anxiogène, on en arrive à une vision plus proche de Buffy contre les vampires, avec des créatures bâtardes, grotesques mais au niveau de puissance abaissé, et considérablement plus fragiles. Un angle de vue prétexte à un déchaînement jubilatoire de séquences d’action épiques, où les chairs explosent et le sang gicle à tout va. Et lorsque nos survivants découvrent dans une remise de quoi tenter de tenir jusqu’au matin (justifiant ainsi le titre original, référence à ces films qu’on pouvait voir tout au long de la nuit), on sombre allègrement dans le n’importe quoi complètement barré et totalement jouissif.
La réussite (car c’en est une) de cette œuvre tient à quelques détails, comme le casting : le charisme incroyable de George Clooney (personne ne portait le tuxedo comme lui dans Ocean’s Eleven, et désormais personne ne porte les tatouages tribaux avec autant de classe) y est pour quelque chose, bien secondé par un Harvey Keitel assez impressionnant dans ce rôle d’un pasteur ayant perdu la foi après la mort de sa femme. Tarantino parvient même à être plus qu’un sidekick et Trejo et Savini régaleront les amateurs. Ajoutez-y un montage agressif, une bande son de référence et un dosage savant des différents ingrédients. De fait, le film est constamment sur la corde raide, oscillant entre les genres et tirant le maximum de chacun sans jamais se prendre au sérieux : un équilibre quasi-miraculeux qu’on ne retrouvera hélas plus dans les réalisations suivantes.
A noter que StudioCanal le ressort en DVD le mois prochain (le 11 octobre plus précisément) sans qu’il y ait de différence notable (sur le papier) du point de vue technique. La copie de la version 2002 (qui comporte une piste VF en DTS) demeure tout à fait acceptable.
Mon avis : 4,2/5
Comme d’habitude, les passages en couleurs renvoient à des articles accessibles d’un simple clic.