Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
3,5/5
Regarder Zardoz, c’est prendre conscience de cette liberté de ton qui régnait dans les années 70, de ce côté parfois expérimental d’œuvres fortes, fondées sur des messages appuyés et qui ne dédaignaient pas soigner leur apparence. Aujourd’hui assez fastidieux à visionner, en raison d’un rythme languissant et d’une bande son éprouvante, mais aussi d’une façon maladroite de faire durer des séquences-clefs qui auraient pu être jubilatoires mais s’avèrent au final malsaines (les interrogatoires psychiques, la destruction du Tabernacle), le film révèle pourtant une profondeur inédite dans sa construction imbriquée. Puisant autant dans les mythes fondateurs que dans la mythologie contemporaine, s’inspirant assez librement de grandes œuvres de SF (entre la Machine à remonter le temps et Farenheit 451), Zardoz ressemble à un mariage forcé entre la Planète des Singes et THX 1138.
C’est que tout y passe, ou presque. La Terre a été dévastée, par la faute des hommes, bien entendu. Au départ, on n’y voit que des landes boueuses, peuplées d’individus hagards qui se font exterminer par des tueurs obéissant aux ordres de leur dieu : Zardoz, qui se manifeste sous la forme d’une tête de pierre géante et s’exprime avec une voix de tonnerre. Ah oui, ça rappelle quelque chose, cette idée de divinité artificielle... mais je n’irai pas jusqu’à spolier l’un des mystères du film, les cinéphiles auront percuté aisément. Or, par le biais de Zed, un des Exterminateurs (joué par un Sean Connery au physique viril constamment mis en valeur), on découvre que la barbarie ne règne pas partout : les Vortex abritent les Eternels, des individus ayant atteint l’immortalité et la pleine maîtrise de leurs pouvoirs psychiques, capables de réparer les corps et de renaître à l’infini… mais qui s’ennuient. De leur propre aveu, ils ont même exploré les étoiles, pour n’y trouver que le même ennui. Gardiens de la mémoire humaine, ils vivent de petits plaisirs et se nourrissent grâce aux efforts des industrieux de l’extérieur, dont ils se sont séparés par le biais d’une barrière infranchissable. Zed, l’intrus, le mâle violent et primaire, va profondément et définitivement perturber l’équilibre d’une société qui se meurt implacablement, réveillant des peurs et des désirs enfouis et accomplissant un destin tracé pour lui à son insu. Messie malgré lui, Zed apporte le renouveau dans la destruction, alors qu’il n’est lui-même en quête que de vérité, de Justice et de vengeance. Prométhée à l’envers, il est à la fois l’alpha et l’oméga d’une Humanité qui a perdu ses repères.
Dès lors, malgré le talent de Boorman (on retrouve son goût pour le grand spectacle de la Nature au travers de nombreuses prises de vues en extérieur), le film peine à captiver tout en demeurant profondément fascinant au travers de ses révélations. Sans atteindre la grandeur de l’épopée Excalibur, il parvient à s’épanouir de rares moments, bien aidé par une interprétation atypique du fameux second mouvement de la Symphonie n°7 de Beethoven. Dans ses outrances comme dans ses approximations, il y a le meilleur de l’anticipation britannique, avec cet esprit iconoclaste qu’on retrouve dans le grand finale du Prisonnier.
A noter l’interprétation féline de Charlotte Rampling, toute jeune et déjà magnétique.
Zardoz
Un film d’anticipation écrit et réalisé par John Boorman (1974), produit par 20th Century Fox avec Sean Connery & Charlotte Rampling.
Un DVD zone 2 Fox Home Entertainment (2002).
2.35 : 1 ; 16/9 ; VOst ; 102 minutes.
Résumé : A la fin du XXIIIe siècle, la Terre se relève doucement d’un désastre. Si la plus grande partie du monde est peuplée de brutes sanguinaires qui s’entretuent au nom de leur dieu Zardoz, il existe quelques îlots de civilisation, les Vortex, peuplés d’Eternels qui ont conservé l’Histoire de l’Humanité et vivent dans l’oisiveté… jusqu’à ce que Zed, un Exterminateur venu des territoires extérieurs, parvienne à entrer dans un vortex…