Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Stoker intriguait à plus d'un titre.
Tout d'abord parce qu'il s'agit de la première réalisation "occidentale"
du génie Park Chan-wook qui, en l'espace d'une trilogie consacré à la vengeance,
close en beauté à Cannes avec la bombe Old Boy, a mis une claque à tous les cinéphiles que
nous sommes. Du coup, justement, les craintes étaient nombreuses et légitimes (on ne recensera pas ici la longue liste des génies européens et asiatiques broyés par le système Hollywoodien)...
Ensuite, le film en lui-même restera auréolé de mystère : film fantastique ? film noir ? thriller vénéneux lolitesque ? Variation sur le thème du vampirisme, aidé par un casting plutôt discret, hormis la présence de Nicole Kidman (qui se refait
une virginité cinématographique) et un trailer ambigu ? ...
Au final, Stoker est tout et rien de cela ; la facilité aurait été une construction en œuf de Pâques ou matrioshkas, avec des révélations faisant basculer le film d'un genre à l'autre... A ces effets scénaristiques, Park en parfait pervers, leur préfère une architecture en canevas, mieux : en toile d'araignée, s'appuyant sur un script d'une apparente simplicité, une version film noir de Lolita, et s'il semble se laisser aller à quelques poncifs éculés du genre, ils n'ont pour fonction que d'être des leurres au service d'un piège se refermant inexorablement.
A ce niveau, Park semble pouvoir tout se permettre et, chose rare, laisse le spectateur dans un vrai flou quant à ce qui pourrait suivre, d'autant que la relation trouble qu'entretiennent les deux personnages principaux - véritablement connectés l'un à l'autre - et l'atmosphère vénéneuse distillée laissent libre cours à toute interprétation : on passe son temps à se demander où et quand le film va basculer dans le fantastique échevelé, l'horreur pure, ou se cantonner au thriller ronronnant...
Mais le point fort de Stoker réside en son personnage principal India, admirablement joué par Mia Wasikowska, à la fois hyper sensible au moindre détail du monde qui l'entoure, et parfaitement étrangère, figure quasi déique où sommeillent, derrière l'apparente fragilité et la silhouette gracile, de véritables forces telluriques, que l'intrusion de son énigmatique oncle va réveiller déclenchant ainsi un véritable séisme sensitif, et lui conférant une aura érotique d'une rare puissance. Redoutée et rejetée par sa mère (Nicole Kidman est impeccable dans son rôle de MILF névrosée), elle n'aura de cesse de subir une concurrence qu'elle juge déloyale, car après s'être accaparée le père, elle devient le centre d'attention de son oncle, qui s'installe confortablement en mâle Alpha sûr de son pouvoir, à la fois mentor et libérateur, jusqu'au final d'une implacable logique qui viendra souligner le douloureux passage à l'âge adulte...
Rarement la représentation d'Eros et Thanatos aura été si juste !
Ma note (sur 5) : |
4,25 |
Note moyenne au Palmarès (sur 23 votes) : |
3,92 |
Titre original |
Stoker |
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Mise en scène |
Park Chan-wook |
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Production |
Fox Searchlight, Scott Free & Indian Paintbrush, distribué par 20th Century Fox |
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Date de sortie France |
1er mai 2013 |
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Scénario |
Wentworth Miller |
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Distribution |
Mia Wasikowska, Nicole Kidman & Matthew Goode |
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Durée |
100 min |
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Musique |
Clint Mansell |
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Photographie |
Chung-hoon Chung |
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Support |
35 mm |
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Image |
2.35:1 ; 16/9 |
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Son |
VF & VO DD 5.1 |
Synopsis : Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…