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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Samsara : ou comment filmer l’impalpable

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Difficile de revenir sur Samsara après l'avoir vu.

Les milliers de plans qui défilent, la variété des objets filmés, la rapidité d'enchaînement des images et l'aspect massif de l'œuvre sont autant de remparts à la décortication et à l'appréciation. Comment juger un métrage aussi singulier par rapport à des films plus traditionnels ? Film expérimental, documentaire muet, film de montage... il est même difficile de qualifier, de catégoriser Samsara.

Ma première hypothèse sera de dire que Samsara est un film d'ambiant, tout comme une partie des musiques qu'il utilise. Paradoxe : le film paraît idéal pour ornementer une soirée, projeté sur un écran, afin d'avoir une image de fond plaisante - c'est en tout cas ce que laisse supposer sa première partie, trompeuse. En outre, l'expérience proposée ne peut s'apprécier pleinement qu'au cinéma, même si les images resteront jolies sur petit écran. Il faut apprécier ce 70mm à la définition incroyable. A ce titre, les premières images sont judicieuses : le moindre détail dans le costume des danseuses présentées est un miracle de précision, de même plus loin avec la fresque de sable peint. Les musiques ambiant illustrent des séquences de paysages, où l'absence de l'homme ainsi que son passage sont criés par des ruines, des vestiges, des monuments. Mais le film n'est pas qu'ambiances, atmosphères et paysages : sa plus grande partie est dédiée à l'homme, aux sociétés. Il faut donc envisager une autre hypothèse.

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Film kaléidoscope ? Si on veut tenter de résumer les grands ensembles thématiques du film on a : danseuses - éruption - figures mortuaires - titre du film - temple asiatique (tibétain ?) - ruines post-catastrophes - jeux de lumières dans le désert, dans des ruines et des vestiges - paysages - peuples africains - homme/robot - performance à l'argile - travail à la chaîne – agro-alimentaire - corps - armes - religion - retour au temple. Je dois sûrement en oublier. Précisons ici les principaux dispositifs du film : 70mm, images souvent accélérées mais caméra peu mobile (les mouvements réels sont d'une lenteur infinie sur les images accélérées), montage qui procède par associations/attractions mais par grands ensembles, cellules thématiques, et une musique = une séquence. C'est très intuitif et solide, on regrettera peut-être plus d'audace de ce côté-là. Les musiques ambiant sont souvent banales, on leur préférera les musiques plus folkloriques illustrant les scènes "humaines". Le montage, en l'absence de commentaire audio, agit comme point de vue, simili-commentaire. C'est éloquent lorsque qu'il opère de simples constats par rapprochements plastiques (magnifiques, désarmants jeux de lumières sur les ruines et les espaces désertés), c'est plus douteux lorsque l'on sent poindre une visée plus critique (le film s'en sort bien sur les armes, un peu moins sur l'association homme/robot). Quoi qu'il en soit, l'ensemble est très construit (boucle à la fin bouclée) et donne une impression d'immense puzzle déroulé sous nos yeux.

Quant au message à retenir de tout cela, je ne suis pas sûr qu'il faille en chercher un. Les détracteurs trouveront ce film beau et vain, j'aimerais leur répondre que, dans une certaine mesure, ce film EST la Beauté. Cela est valable surtout pour le début, lorsque le film, intemporel, montre le travail du temps, semble suggérer que l'homme n'est rien mais que sa trace persiste, belle et éternelle, mais soumise à l'érosion. Les lumières des astres qui défilent sur les statues et les pierres créent des images sur-réelles, d'une beauté insondable, et nous font prendre du recul sur l'humanité et sa place en ce monde. L'homme est ensuite montré comme une sorte d'animal grouillant, sociable, complexe. Une espèce de fourmi géante en quelque sorte. La vision est quasi entomologique, neutre. Parfois glaçant, le film développe une beauté à double tranchant, qui peut devenir révoltante ou dérangeante. C'est le cas de la performance dite du masque d'argile, du segment agro-alimentaire ou de la curieuse séquence de danse pénitentiaire aux Philippines.

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Ainsi le spectateur est laissé assez libre dans l'appréciation de ce qu'il voit, et si le film ne peut avoir la prétention de tout montrer, de rendre compte de tout, il en montre déjà beaucoup. C'est peut-être un peu court, c'est parfois déjà vu (Malick est passé par là pour certaines scènes de paysages), mais c'est souvent stupéfiant, ou profondément intriguant. Et les dernières images, mystérieuses, sont sublimes.

 

 

Ma note (sur 5) :

4,5

Note moyenne au Palmarès (sur 4 voix) :

4,63

 


 

 Samsara-001.jpg

Titre original

Samsara

Mise en scène 

Ron Fricke 

Genre 

Documentaire muet

Production 

Magidson Films

Distribué en France par

ART Sélection 

Date de sortie France 

27 mars 2013

Scénario 

Ron Fricke

Distribution 

 

Durée 

102 min

Musique

Michael Stearns, Lisa Gerrard & Marcello De Francisci

Photographie

Ron Fricke

Support 

70 mm

Image 

2.20:1 ; 16/9

Son 

DD 5.1

 

Synopsis : Tourné dans 25 pays, durant 5 ans, “Samsara” explore les merveilles de notre monde. C’est un voyage extraordinaire, une méditation sans paroles.

 

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