Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
3,3/5
C’est dans une discrétion un peu coupable qu’est sorti ce long-métrage lorgnant vers le thriller d’ambiance gothique, très orienté « gaslight » avec cette histoire de meurtres en série se déroulant dans un Baltimore quasi londonien, bien que tourné essentiellement entre Belgrade et Budapest avec des équipes d'Europe de l'Est (la production est hispano-hongro-américaine). Sauf que, en lieu et place de Jack l’Eventreur ou de Sherlock Holmes, on est devant Edgar Poe. Le bonhomme n’est pourtant ni un enquêteur (bien que ses récits aient mis en scène l’un des plus fameux de toute la littérature policière puisqu’il a résolu le Double Assassinat dans la rue Morgue, entre autres) ni un assassin – quoique, dans l’état de délabrement dans lequel on le trouve au début (noyant son spleen dans l’alcool et désespérant de pouvoir publier un misérable article dans le journal local, alors qu’il s’est acquis une grande notoriété en Europe), il est tout à fait possible qu’il ne soit pas étranger à la vague de meurtres frappant la ville. D’autant que le serial killer s’emploie à reprendre minutieusement les circonstances des différents décès violents décrits dans les nouvelles de Poe ; bon an mal an, l’écrivain devra faire face à ses démons et retrouver un peu de lucidité pour non seulement redorer son blason – sérieusement écorné – et aider l’inspecteur Fields à résoudre une enquête particulièrement sanglante.
C’est James McTeigue qui est à la réalisation, ancien protégé des frères Wachowski : cela aurait dû être la garantie d’un film sombre et envoûtant ponctué d’audaces formelles et de combats parfaitement chorégraphiés. Il n’en est rien, ou du moins en est-on bien loin, la faute à un script assez ludique dans ses enchaînements d’indices mais plutôt naïf, à un rythme parfois poussif et des effets spéciaux par moments bien pauvres (certains découpages trahissent le manque évident de moyens et les incrustations de sang numérique sont ratées). Pourtant, un certain charme se dégage de l’ensemble, et on se surprend malgré les défauts évidents à se prendre au jeu de la chasse à l’homme, qui sème sur le lieu de ses forfaits de multiples références à une œuvre qui mérite qu’on s’y attarde : les textes d’Edgar Allan Poe sont en effet de véritables perles, qu’elles fassent partie des deux recueils les plus connus (Histoires extraordinaires et Nouvelles Histoires extraordinaires, brillamment traduits en France par Baudelaire) ou d’autres supports, et bien que the Raven ait inspiré de très nombreux artistes (de Groening pour un épisode génial des Simpson à Tim Burton ou Roger Corman), il n’y a guère eu d’adaptations réussies des nouvelles. A noter qu’on retrouve également le Cœur révélateur dans un autre excellent opus de la série animée des Simpson. C’était donc une gageure, qui s’avère partiellement maîtrisée si on prend le métrage pour une série B honnête, d’autant que le casting n’est pas déplaisant : John Cusack campe un Poe totalement halluciné, parfois agaçant et plutôt convaincant auquel on préfèrera sans doute le personnage de l'inspecteur Fields interprété par un Luke Evans en parfait contrepoint. Alice Eve apporte une touche sexy (mais parfois racoleuse) dans son rôle de bien-aimée-victime-mais-qui-refuse-de-céder – avec à la clef un remake de la scène du cercueil de Kill Bill volume 2…
Si on ignore l’acte final, complètement stupide, l’ensemble est intéressant et plutôt plaisant et on en ressort avec la furieuse envie de relire le Puits & le Pendule, le Cœur révélateur, le Masque de la Mort rouge ou encore le Corbeau.
Je vous invite à aller voir chez d’autres blogueurs du Palmarès ce qu’ils en ont pensé (l'Ombre du Mal est 60e avec une moyenne de 3,17):
The Raven
Mise en scène |
James McTeigue |
|
Genre |
Thriller d’ambiance |
|
Production |
Relativity Media & Intrepid Pictures, distribué en France par Universal Pictures International |
|
Date de sortie France |
20 juin 2012 |
|
Scénario |
Hannah Shakespeare & Ben Livingston d’après les personnages créés par Edgar Allan Poe et sa propre vie |
|
Distribution |
John Cusak, Luke Evans, Alice Eve & Brendan Gleeson |
|
Durée |
111 min |
|
Musique |
Lucas Vidal |
|
Support |
HDDC |
|
Image |
2.35 :1 ; 16/9 |
|
Son |
VF 5.1 DD |
|
|
|
Synopsis : Edgar Allan Poe n’aurait jamais imaginé qu’un de ses "admirateurs" serait assez fou pour recréer les horribles crimes nés de ses délires littéraires ; assez pervers pour l’obliger à devenir son biographe et à narrer par le menu ses sanglants exploits, mis en scène avec une précision diabolique ; assez cruel pour lui enlever la femme de sa vie et l’ensevelir en lui laissant tout juste quelques heures pour la sauver… Pour un écrivain, rien n’est plus troublant que de voir ses fictions prises au pied de la lettre, et ses personnages de fiction s’incarner dans le monde réel. Mais pour l’auteur des "Histoires extraordinaires", l’enjeu est de retrouver au plus vite son "double" démoniaque pour éviter de sombrer lui-même dans une folie sans retour…