Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
A l'époque, ça en jetait : l'idée de rassembler quatre des ténors du cinéma de divertissement fantastique était alléchante, surtout pour rendre hommage à une série incontournable qui cherchait avant tout à instiller la réflexion chez des spectateurs déjà habitués à des produits formatés. Les 156 épisodes de la série originelle, créée par Rod Serling (de 1959 à 1964 pour leur première diffusion aux Etats-Unis) ont en effet profondément marqué Steven Spielberg qui, en outre, devait vouer une reconnaissance éternelle à son instigateur puisqu’il fit ses débuts à la TV pour un épisode d’un projet ultérieur de Serling. The Twilight Zone : the movie ne marque d’ailleurs qu’une étape dans le processus d’hommage mené par le père d’E.T. puisqu’il enchaîna sur la production de la série Amazing Stories laquelle, malgré l’appui au scénario de très grands noms de la SF, ne connut pas le succès escompté.
J’ai connu l’œuvre de Serling un peu à rebours, et de manière trop sporadique (et le remake tardif intitulé en France la Cinquième Dimension n’avait pas le charme étrange de l’original), mais les quelques épisodes que j’ai pu voir avaient réveillé chez moi cette magie initiée à l’écran avec Au-delà du réel/the Outer Limits. Deux œuvres fondées sur la volonté de déstabiliser le spectateur, de lui faire perdre ses repères avant de le happer et de le laisser pantois, en proie à un questionnement tortueux, à l’issue d’une chute invariablement inattendue. Le format court privilégiait la plongée immédiate dans l’univers exposé et jouait sur un script malin et un montage habile pour réussir son coup presque systématiquement.
J’ai vu le film au cinéma. J’étais jeune et adorais tout ce qui touchait, de près ou de loin, à la SF. Spielberg était alors inattaquable, même si je n’avais pas encore pris la mesure de la grande poésie inhérente à ET. Et j’avais aimé le film, même si le 2e segment, celui justement du grand Steven, était de loin le moins convaincant.
A l'arrivée, aujourd'hui, l'enthousiasme est retombé depuis belle lurette et les défauts et faiblesses ressortent d'autant plus. Le segment susdit est toujours aussi indigeste : rien à
faire, il semble à présent concentrer tout ce que les détracteurs de Spielberg détestent chez lui. Si j’avais auparavant une certaine tendresse pour le traitement de cet épisode (écrit par
Matheson mais d’après une ancienne histoire), je ne m’y retrouve plus et je n’arrive même pas à l’intégrer dans l’univers propre à la série
de Serling. Seule la musique trouve encore grâce à mes yeux, Jerry Goldsmith signant une très belle partition, enjouée et cristalline.
J’avoue également le plaisir de revoir Scatman Crothers, inimitable. Mais dans le genre (des pensionnaires d'une maison de retraite
retrouvent - littéralement - leur jeunesse), on a vu mieux chez Ron Howard (Cocoon) ou
les Simpson. Ca me peine, mais autant j’arrive à conserver une certaine sympathie pour ce grand ratage qu’était 1941, autant ce morceau-là me reste en travers de la gorge. Il
met en évidence le fragile équilibre entre féerie et mièvrerie, entre émotion et complaisance, qui fait que le cinéma de Spielberg semble toujours sur le fil, à mi-chemin entre la SF hard-science et le rêve éveillé ou le conte de fées.
Le reste a subi le même contrecoup que 1941 : l’érosion due au temps et aux modes.
L'intro de Landis, que j’adorais, a fortement perdu de son impact, mais fonctionne encore, grâce au naturel de Dan Aykroyd.
Le 1er segment du même a conservé un certain charme et un rythme excellent, mais manque sérieusement de subtilité (un raciste aigri par la perte de son emploi devient la cible des
nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, du Ku Klux Klan puis des GIs au
Viêt-Nam). C’est celui qui a fait entrer Vic Morrow dans la légende à cause de
l’accident qui a causé sa mort et celle de deux figurants mineurs.
La partie de Joe Dante me plaît toujours, avec son côté ouvertement cartoonesque et ses ambiances colorées, ainsi que la tendance du
réalisateur à insérer de vrais moments d'horreur pure. Le charme de Kathleen Quinlan y est aussi pour beaucoup. Mais le réalisateur semble
chaque fois hésiter entre le Grand-Guignol et la SF et on a, au final, du mal à y adhérer pleinement.
Le dernier segment est également adapté d'un épisode de la série originelle, peut-être l’un des plus célèbres (le gremlin dans l'avion), que
les Simpson (encore !) avaient également parfaitement pastiché. L'association John
Lithgow/George Miller est encore très efficace aujourd’hui, et l'atmosphère anxiogène est plutôt bien rendue. C'est de loin celui qui "passe" le mieux de nos jours, malgré une tendance à
en rajouter dans les accès de folie paranoïaque. Son finale permet de boucler la boucle un peu artificiellement avec l’introduction. C’est le seul épisode dont j’ai pu voir l’original, qui, ma
foi, n’était pas mal du tout.
L’ensemble se regarde d’un œil attendri ou curieux et souffre visiblement de son manque de cohérence (et de cohésion).
Ma note (sur 5) : |
2,5 |
Titre original |
The Twilight Zone : the Movie |
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Mise en scène |
Steven Spielberg, John Landis, Joe Dante & George Miller |
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Production |
Warner Bros. |
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Distribué en France par |
Warner Bros. |
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Date de sortie France |
1er février 1984 |
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Scénario |
John Landis, Richard Matheson & Melissa Mathison |
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Distribution |
Dan Aykroyd, Albert Brooks & John Lithgow |
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Durée |
102 min |
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Musique |
Jerry Goldsmith |
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Photographie |
Allen Daviau, John Hora & Stevan Larner |
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Support |
DVD collector Warner zone 2 (2007) |
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Image |
1.85:1 ; 16/9 |
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Son |
VOst DD 5.1 |
Synopsis : Quatre épisodes de La Quatrième dimension revisités par quatre grands cinéastes hollywoodiens...