Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
C'est dans la mythique salle du cinéma Max Linder que le jeune réalisateur Stéphane Réthoré a choisi de présenter son film le mois dernier. Un court-métrage de 18 minutes intitulé 300 000 Kilomètres/Seconde, qui, comme son titre faisant référence à la vitesse de la lumière vous l'aura peut-être évoqué, nous embarque dans une aventure à mi-chemin entre Science-Fiction et film noir.
Une histoire de voyage dans le temps aussi originale qu'ambitieuse, surtout pour une première réalisation, d'autant que la mise en chantier de projets de ce genre n'est pas des plus encouragés en France. On comprend mieux les difficultés qu'ont dû surmonter l'équipe pour concrétiser ce court-métrage, la recherche d'un financement ayant été particulièrement fastidieuse. Pourtant, malgré les trois années nécessaires à l'accomplissement de ce film, rien n'a semblé entamer la volonté de Stéphane Réthoré, et le résultat qui nous a été montré était particulièrement enthousiasmant.
Bien entendu, il faut se rappeler que, court-métrage et première réalisation obligent, le budget n'a rien de « confortable » et a sans doute freiné les velléités artistiques de l'équipe. Mais comme souvent avec ce genre de projet, le manque de moyens aura certainement permis au réalisateur de redoubler d'efforts pour faire preuve d'inventivité. Ainsi l’œuvre finalisée est-elle très satisfaisante, en atteste le soin apporté aux moindres détails et à un emballage technique irréprochable. Car plus que son histoire somme toute assez sage, c'est la direction artistique qui surprend par sa très grande maîtrise. L'atmosphère du film est plutôt bien établie, avec une belle photographie et des cadres judicieux, les décors et accessoires font montre d'une indéniable créativité. L'esthétique de l'ensemble donne un côté BD au film, que la simplicité apparente du récit ne contredit pas : les personnages évoluent dans un univers suranné, leurs actions mettent en avant une certaine théâtralité, décuplée par des dialogues légèrement outranciers.
Mais cette « artificialité » revendiquée donne au court-métrage une personnalité. Comme son réalisateur l'indique, on retrouve par moments les qualités de la série The Twilight Zone. La référence est flatteuse et s'avère justifiée, et le film arrive à charmer par sa naïveté. Apportant leur aide au projet, les acteurs (de vraies « gueules ») semblent à l'aise dans des rôles que l'on espère voir plus approfondis à l’occasion d’une (nécessaire) séquelle. En effet, le film passe à une vitesse remarquable, les 18 minutes semblant en faire moitié moins, et la conclusion (frustrante) donne envie de connaître la suite. Car si l'on peut faire un léger reproche au film, c'est bien son aspect « teaser ». Non que les 18 minutes ne prennent pas leur temps pour caractériser les protagonistes, bien au contraire (l'intrigue ne traîne pas mais l'action est relativement posée), mais en l'état on a l'impression de ne voir qu'une grosse introduction à une histoire potentiellement beaucoup plus ample, comme en témoignent les nombreux indices disséminés à l'écran (les tatouages…) et les quelques pistes suggérées (le rapport au père, les questions éthiques...). Stéphane Réthoré envisage de développer son scénario afin d'en faire un long-métrage, bien qu'une série télévisée serait également bien adaptée au format de l'histoire. Dans tous les cas, ce genre d'initiative est à encourager, la conclusion du court-métrage est bien trop frustrante car montrant les limites d'une histoire racontée avec un budget relativement restreint (sans en dire plus, l'année dans laquelle se retrouve le héros risque d'être compliquée à retranscrire correctement à l'écran sans moyens).
Nourri d'influences telles que Blade Runner, Tintin, X-Files (la sympathique composition musicale rappelle celle de Mark Snow) et Retour Vers Le Futur, 300 000 Kilomètres/Seconde est avant tout un court-métrage ambitieux et encourageant.
A VENIR : une interview du réalisateur réalisé par nos soins.
Synopsis : Paris, 1956. Lucien Lacroix, inventeur, a repris les recherches de son défunt père et a créé une montre permettant de voyager dans le temps. Décidant de partir pour Genève afin de faire breveter son invention, il est suivi par deux mystérieux individus…