Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de Jonathan English (2010) avec James Purefoy, Paul Giamatti, Brian Cox, Derek Jacobi & Charles Dance
Produit par Mythic International Entertainment.
Date de sortie France : 20 juillet 2011
Synopsis : en 1215, le roi Jean a été contraint par ses barons de signer la Magna Carta, une charte révolutionnaire accordant des droits imprescriptibles à un peuple jusque lors tyrannisé et croulant sous les impôts.
Mais Jean ne s’en tiendra pas là : avec l’aide d’une troupe de guerriers danois et la bénédiction du pape, il décide de faire payer cette forfaiture aux nobles signataires, profitant d’une période où la rébellion se délite. Le baron Albany, comprenant que l’heure est grave, choisit de lui barrer la route à Rochester, forteresse à partir de laquelle le roi pourrait à nouveau diriger tout le sud de l’Angleterre : il recrute des mercenaires et obtient l’appui de l’archevêque Langton qui lui promet le renfort de l’armée du roi de France. En attendant, il lui faut s’emparer du château avec sa poignée d’hommes de confiance à qui s’ajoute Marshall, un Templier qui a été témoin des atrocités commises par le roi Jean…
Passons déjà sur le titre français, racoleur et ridicule : oui, des Templiers apparaissent à l’écran (trois frères escortant un prêtre se rendant à Londres) et ils vont connaître mille tourments, mais il ne s’agit guère d’un film sur la portée mystique des vœux prêtés par les membres de l’Ordre militaire le plus célèbre, ou sur un quelconque trésor expliquant leur puissance tant matérielle que spirituelle, ou encore sur les liens occultes qu’on leur prêtait avec les Assassins, ou enfin sur les actes impies auxquels ils se seraient adonnés lors de leurs cérémonies d’initiation…
Rien de tout cela.
Marshall, personnage central de ce récit, aurait pu tout aussi bien être un Hospitalier, ou un Teutonique égaré, ou simplement un chevalier, lié par serment. Sa confrontation avec la légitimité des vœux qui font de lui ce qu’il est n’est qu’une péripétie n’apportant rien au scénario, sinon quelques scènes assez ridicules pendant lesquelles il essaie de résister à la tentation (en l’occurrence, dame Isabelle, la jeune et accorte femme de Reginald de Cornhill dont ses compagnons et lui occupent le château). Non que ces séquences n’aient aucun intérêt (si tant est qu’elles aient été tournées avec sensibilité et élégance), mais elles ne servent jamais l’essentiel du récit, essentiellement construit comme un « Alamo » au Moyen-Age, ou comment un petit nombre d’hommes libres résistera avec bravoure aux assauts répétés du (méchant) roi Jean et de ses troupes aussi stupides que barbares.
Ca se joue à 20 contre 1000, si l’on s’en tient aux chiffres énoncés dans le film.
De quoi sustenter l’amateur d’héroïsme et d’action, pour peu qu’il y ait quelques haits faits d’armes à graver dans les mémoires.
Las.
Ni le casting, assez impressionnant, ni les décors naturels (le film a en partie été tourné au pays de Galles), ni le score ronflant de Lorne Bafle ne parviennent à sauver l’entreprise du naufrage. Aux incohérences flagrantes d’un script banal s’ajoute une mise en scène trop peu inspirée, plombée par des cadrages lamentables pendant les combats (pourtant violents et percutants). Ceux-ci, essentiellement conduits à l’arme blanche (on voit passer un peu tout l’arsenal dont rêvaient les gros bills des Donjons et Dragons), se veulent graphiques et sanglants, dans la veine d’un 300 qui refuserait cependant le parti pris esthétique : ah, c’est qu’on y tranche souvent dans le vif (et dans le lard, donc) et on se prend de bonnes giclées d’hémoglobine dans la figure ! Entre lacérations, décapitations et autres démembrements, les belligérants se roulent dans la boue et mangent ce qu’ils peuvent ; les gros plans ne nous épargnent pas la crasse et les nombreuses plaies ornant les visages de ces joyeux drilles. Des moments de folie furieuse où Marshall semble dans son élément, à l’image de son interprète, un James Purefoy étrangement très proche de son personnage de Solomon Kane et encore moins expressif (si c’était possible). Cela dit, son côté monolithique confère un certain punch à ses scènes et on s’amuse tout autant de ses encouragements bourrus envers le jeune écuyer qui n’a pas encore versé le sang que de ses minables tentatives de fuir le regard insistant de dame Isabelle. Brian Cox nous campe un baron Albany assez intéressant, lui qui d’habitude nous campe des rôles où l’hypocrisie le dispute à l’antipathie brute. Il a droit à une scène de torture complètement gratuite, mais le personnage en sort grandi.
Pas comme Giamatti, qui campe un roi Jean de la pire espèce, névrosé, psychopathe et sadique, achevant de faire sombrer le film dans une débauche ridicule d’effets appuyés. On ne s’ennuie pas, il faut le reconnaître, mais comment s’extasier devant autant de laideur et de facilités.
J’oubliais de mentionner Charles Dance, trop rare, et dont l’élégance de jeu tranche avec l’ensemble de l’œuvre ; son rôle d’archevêque est néanmoins mineur et on s’empressera d’oublier cette production manifestement ratée.
Le coin du C.L.A.P. : arrivé très tôt, j’ai pu en profiter pour finir le très bon Ultimate avengers Hors-série consacré au personnage de Ultimate Thor, avec une réécriture des origines qu’on sent inspirée par le scénario du film de Brannagh.