Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film canadien de Gerald Potterton (1981)produit par Ivan Reitman avec les voix d’Eugene Levy, Harold Ramis, John Candy & Harvey Atkin.
Un blu-ray Sony Pictures Home Entertainment Region All (2011).
Présentation : Un voyageur de l’espace revient chez lui avec un cadeau pour sa fille qui l’attend sagement à la maison : une gemme étrange, qui se met à scintiller avant de désintégrer l’homme. La fille, terrorisée, sentant sa dernière heure arrivée, entend alors une voix émergeant de la pierre, la voix de Loc-Nar, une entité séculaire vouée au mal et à la destruction, qui entreprend de lui raconter quelques-uns des événements qui l’ont conduite jusqu’à elle…
Après l’avoir annoncé, il me fallait le visionner, au moins par honnêteté, mais aussi et surtout par curiosité : le souvenir que j’en gardais, à l’époque du Laserdisc, était un peu trop flou pour être fiable.
Bien m’en a pris. Parce que, à mesure que je rédigeais l’info, je me demandais si le film conserverait un peu de son impact de l’époque, de son pouvoir de fascination ; difficile en effet de séduire un jeune public habitué à des animations fluides, des décors fouillés et des effets gérés par ordinateur. Et la structure même du film (des petites histoires plus ou moins bien liées à une trame principale) risquait de rebuter.
Bon, après coup, l'histoire n’est effectivement qu’un prétexte très facile pour associer entre elles des segments très inégaux conçus par de grands artistes de la bande dessinée des années 70 (Berni Wrightson, Richard Corben ou Howard Chaykin) à l'exception notable des graphistes français : Moebius, par exemple, fortement sollicité à l'époque, n'avait pu céder ses droits ; qu’à cela ne tienne, les producteurs, qui refusaient de baisser les bras, conçurent une histoire inspirée des travaux de notre dessinateur national (notamment d’Arzak, qui le savait fortement impressionés) et demandèrent à des graphistes de l’illustrer « à la manière de ». a la guerre comme à la guerre ! On reconnaît ainsi, assez aisément pour peu qu’on s’y connaisse, de nombreux éléments inspirés par Moebius dans le segment de Taarna (des décors désertiques à la monture volante). En visionnant les scènes alternatives et coupées, on apprend que l’intégration des segments était censée être plus évidente avec une introduction différente (dont on retrouve quelques éléments épars dans le récit final) mettant en scène un carrousel : la coordination entre les épisodes aurait été ainsi plus lisible. N’empêche que l’introduction, avec cette Corvette lâchée en orbite, reste un morceau d’anthologie.
Ca donne un ensemble décousu, tant au niveau du dessin que des décors ou même de la nature des récits : on navigue un peu au jugé entre un polar d’anticipation, cynique et sombre, des récits horrifiques, de la SF grand-guignol jusqu’à de l’heroic fantasy haute en couleurs. L'influence de certains choix artistiques ou narritifs sur les productions ultérieures est patente. L'animation est chaotique, mais on est surpris de voir la fluidité de certaines séquences rotoscopées (le bain et l'habillage de Taarna, sublimes, ont tellement impressionné qu’ils ont été complètement repris dans la suite vaguement légitime FAKK 2). La bande son (des morceaux de grands groupes de rock comme Blue Oyster Cult, Black Sabbath ou Trust sur un score somptueux d'Elmer Bernstein) est excellente et parvient à enjoliver, voire magnifier, quelques épisodes grandioses. A noter que la VF bénéficie de la performance de ces doubleurs de l’époque qui savaient habiter des personnages, même si elle n’a ni la richesse, ni les nuances proposées par la VO.
Le blu-ray, en rehaussant les couleurs (malgré quelques plans fortement bruités) redonne de l'éclat à une oeuvre qui est, de l'aveu même de ses créateurs, un fantasme de mâle sur pellicule (SF, gore, héros balèzes et filles à poil avec forte poitrine) doté d'un humour bon enfant (c'était le voeu d'Ivan Reitman) et d'un esprit politiquement incorrect salvateur. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder un making-of en forme de témoignage bourré d’anecdotes truculentes narrées par ces anciens rebelles de la profession devenus de bons pères de famille. Ce décalage ajoute encore à l’aura de cette production complètement décalée qui avait su repousser assez loin les limites de la décence et du bien pensant.
Une curiosité à savourer.
Ma note : 3,8/5