Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Titre original : A.I. Artificial Intelligence
Genre : Science-Fiction
Un film de Steven Spielberg (2001, 24/10/01) avec Haley Joel Osment & Jude Law
Un Bluray région B Warner (02/02/11)
1.85:1 ; 16/9
VO DTS HD Master audio 6.1, VF DD 5.1
Résumé: Lorsqu'un prototype d'enfant robot nommé David est programmé pour aimer, sa famille d'accueil n'en mesure pas les conséquences. Seul dans un monde hostile, David se lie d'amitié avec un robot débrouillard et se lance alors dans une quête spectaculaire pour percer le mystère de son identité.
C'est ce résumé que l'on peut lire au dos de l'étui cartonné du Blu-ray. Il est manifestement difficile de décrire A.I. en quelques lignes.
Situons très brièvement le contexte dans lequel le film a été développé. Je me contenterai juste de reprendre ce qui est dit dans l'un des nombreux bonus.
Stanley Kubrick commença à parler de ce film à son ami Steven Spielberg dans les années 80. A cette époque, il s'agissait d'un projet relativement flou, basé sur une courte histoire de Brian Aldiss (Supertoys last all summer long). Kubrick écrivit une ébauche d'adaptation et engagea quelques artistes pour travailler sur certains concepts. Son but était de rester à la production, pensant que seul Spielberg et sa grande sensibilité arriveraient à mettre en scène son histoire. Mais Spielberg en admirateur de Kubrick souhaitait l'inverse. Et pendant des années ils se renvoyèrent la balle. Dans les années 90, Kubrick s'était résolu à se charger de la réalisation. Son principal défi était de créer un robot capable de "jouer" dans le film. Il voulait pousser son tournage à un niveau de réalité concordant d'une manière inédite et novatrice avec son récit. Mais la technique n'étant pas encore au point (sans parler de celle consistant à créer un personnage au look humanoïde en images de synthèse - technique qui l'intéressa après avoir vu Jurassic Park), il choisit finalement de laisser le rôle à un véritable enfant (on évoqua le jeune Joseph Mazzello de – toujours - Jurassic park). Le projet était plutôt bien engagé lorsque Kubrick disparut. En hommage à ce dernier, Spielberg reprit le flambeau pour livrer le film que l'on a enfin vu.
Il en résulte une œuvre hybride, au croisement des influences de ces deux maîtres. La critique et le public avaient d'ailleurs tellement "fantasmé" le film, qu'ils ne lui firent aucun cadeau. Les fans de Kubrick contre les fans de Spielberg. Et on a lu de tout sur ce film. Je me souviens même qu'au ciné, l'ambiance était électrique. C'était l'une des seules fois où j'ai entendu des rires déplacés, des insultes, des gens qui quittaient la salle bien avant le générique de fin.
Ce qu'il faut donc savoir c'est que : non, Spielberg n'a pas fait l'opportuniste, et oui, Kubrick lui même voulait que ce soit son pote qui le réalise. Une séquence dans le film me semble assez parlante pour illustrer cette double paternité et cet aspect bicéphale : on y voit des robots complètement déglingués dans une décharge à la recherche de pièces de rechange. Ils se reconstruisent et arborent plusieurs éléments d'autres robots. Ils se régénèrent, un peu à la manière de Kubrick qui continue en quelque sorte à vivre à travers ses films. Le sens de la vie était même l'un de ses thèmes majeurs. Et Spielberg lui permit presque de continuer à réaliser un film à travers lui en le citant dans quelques plans. Assez étrange.
De A.I, personne ne savait grand chose avant sa sortie. Même si Spieberg et Kubrick en discutèrent 20 ans auparavant, personne d'autre ne savait réellement de quoi il s'agissait.
Je me souviens de quelques magazines qui expliquaient juste que le film se passait dans un futur où les glaces avaient fondu et où les hommes vivaient reclus. A partir ce ces quelques informations et des deux noms associés, il en fallait peu pour s'imaginer voir le film de science-fiction le plus grandiose de tous les temps. Quand deux génies s'associent, on est en droit de s'attendre à quelque chose d'unique et d'inouï. Je pensais voir un film d'anticipation basé sur le même principe que Waterworld, mais en (bien plus) réussi.
Et la première bande annonce arriva sur nos écrans et sur internet. Ce que l'on voyait ? Une silhouette d'enfant s'approchant de nous, avec quelques encarts de texte du style "Voici David, il pèse tant, il mesure tant, son amour est réel... mais lui, il ne l'est pas.". Puis la silhouette pointe son doigt et touche littéralement l'écran. Son empreinte digitale révèle des espèces de circuits électroniques. On plonge alors dans cette empreinte comme si on plongeait dans un ordinateur avec ses centaines de composants et ses milliers de raccordements, jusqu'à ce que l'on arrive devant une barre blanche (à la manière d'un monolithe). Cette barre blanche, vue de face, symbolisera le logo "A.I".
Une bande annonce très mystérieuse. Ce n'était sans doute pas le film que j'avais construit dans mon imaginaire. Et ce n'était sans doute pas le film dont les magazines avaient l'air de parler. Mais ce n’était que le début...
Qui peut être Jeanine Salla ?
Vous le savez certainement parce que vous êtes non seulement amateurs de cinéma et aussi utilisateurs du web participatif, A.I a été un des pionniers dans le développement du marketing sur internet. Peu de gens sont au courant. A cette époque, on en était au début du web 2.0, et ce que nous avait concocté l'équipe marketing de Spielberg était totalement inédit.
Lors de la diffusion d'un autre teaser, nous pouvions voir les mots d'activation de David le robot enfant, ainsi qu'un avertissement (l'activation des mots codes est permanente). A ce moment, nous ne savions pas à quoi servaient ces mots. De quoi rendre fou les amateurs de science-fiction qui n'en pouvaient plus et n'avaient qu'une envie : en savoir plus sur le film !
Mais cette bande annonce cachait en fait un indice. Et il fallait arriver à le découvrir. Les plus observateurs des fans avaient pu déceler dans les crédits de fin du teaser, parmi les noms de Spielberg, Law ou Haley Joel Osment, un nom qui ne leur disait rien : Jeanine Salla. Sa fonction était encore plus intrigante : Sentient Machine Therapist.
Nous n'en avions pas encore le réflexe, mais lorsque l'on "googlisait" Jeanine Salla, on avait l'impression d'avoir découvert un secret du film. Le nom "Jeanine Salla" nous renvoyait sur un site web daté de plusieurs siècles en avant. Un peu comme si nous allions faire un tour dans le futur. Ce site web nous renvoyait à son tour vers d'autres sites, qui à leur tour nous plongeaient vers d'autres sites... Un réseau immense de "faux" liens, tous traitant de la robotique, avec des sites d'université, d'autres de "rebelles" défendant la cause des mécas, des pages anti-robots, un organisme de défense des mécas... dans un jargon assez complexe et un contexte très crédible et réaliste. Un véritable jeu de piste dans lequel l'internaute se prenait pour un détective. Encore fallait-il maintenir un intérêt. Ce n'était qu'en téléphonant à un numéro donné sur le site de l'université dans laquelle la fameuse Jeanine Salla travaillait que nous avions d'autres éléments : nous tombions sur un répondeur, nous donnant à son tour un autre numéro. Cet autre numéro était celui d'une certaine Nancy, femme d'un dénommé Evan Chan, assassiné. Et nous nous retrouvions sur une enquête. Chaque jour apportait son lot de rebondissements et de pistes en tous genre. C'était très intelligent de faire participer à ce point les internautes. Il ne s'agissait même plus de surfer sur internet, il fallait téléphoner pour continuer à progresser. De quoi faire patienter les plus impatients et leur donner au détour de certains sites des indices sur les personnages du film. Ainsi nous avions pu lire que Martin (le fils de la famille de David) fut tellement bouleversé par le départ de David, qu'il devint architecte en grandissant pour construire des maisons pour mécas. Nous ne savions bien entendu pas encore qui était Martin...
On n’en était encore qu'aux débuts de ce genre de campagnes de pubs, mais il fallait avouer que ça marchait. J'avais moi aussi fait une recherche sur Jeanine Salla, mais j'avais lâché l'affaire assez vite (un anglais ultra technique, des sites un peu underground avec des numéros à appeler ?). Reste que c'était amusant et plutôt gratifiant (quand l'un des liens en question ne se moquait pas de notre vieux matériel et de notre navigateur pas assez rapide).
A chaque bande annonce du film (ou affiche, par exemple en comptant le nombre de petits traits sur les lettres de certains mots, on pouvait avoir un nouveau numéro de téléphone à composer... déroutant, non ?) on accédait de plus en plus dans le monde de A.I, même s'il fallait dans un certain sens un peu le "mériter". Jamais il n'était question de Spielberg, de la Warner, ou d'une pub quelconque pour ce film sur ces sites web...
Je vous conseille d'aller voir la bande annonce sur ce lien :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18666973&cfilm=29280.html
Elle est assez difficile à trouver ailleurs que sur ce site, mais je vous recommande fortement de la regarder car elle est vraiment très belle. Notez les lettres qui scintillent sur les crédits, regardez bien Jeanine Salla (et écoutez la dernière phrase de la bande annonce).
A SUIVRE...