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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] le Château ambulant : conte enchanté

[critique] le Château ambulant : conte enchanté

A l'instar de nombreuses oeuvres très riches, le Château ambulant ne m'a pas convaincu du premier coup. Lors de son passage au cinéma, confiant sur la qualité du produit car déjà grand fan de l'oeuvre de Miyazaki, j’avais certes été époustouflé par la mise en scène et les tenants de cette histoire un peu confuse mais très dense, sans être pourtant saisi d’admiration ou simplment bouleversé comme auparavant - du fait qu’on semblait évoluer en terrain connu, dépourvu donc de toute surprise. La première fois en DVD constitua un nouveau choc. Tout en décelant quelques défauts supplémentaires, je n’ai pas pu m’empêcher d’être séduit, totalement et indéfectiblement, par cette œuvre magnifique, empreinte de magie et de poésie romantique

Le Château ambulant commence comme un conte de fée et s’achève de même. Mais, et c’est ce que j’admire chez Miyazaki, l’irruption de l’élément fantastique est rapide, sans préalable. On évolue dans un monde uchronique que les écrivains de SF nommeraient tendance steampunk : une ère de la vapeur qui se prolongerait, mêlant style architectural victorien et visions à la Jules Verne , tout en laissant une place non négligeable à la magie, aux créatures de féérie et aux sorciers – un peu comme dans Kiki d’ailleurs. L'adaptation du conte anglais de Diana Wynne Jones (le Château de Hurle) est audacieuse et cohérente avec le reste de l'oeuvre du père de Nausicaä qui choisit de ne pas s'embarrasser avec les paradoxes liés au déplacement entre deux dimensions temporelles (le roman comme l'anime ne s'inscrivent d'ailleurs jamais dans le cadre de la SF pure et dure) et renforce le merveilleux et les liens entre les personnages.

Au cours d’une parade militaire, peut-être préalable à une déclaration de guerre contre le royaume voisin, Sophie, jeune fille de 18 ans s’occupant patiemment d’une chapellerie héritée de son défunt père, est prise à partie par deux soldats un peu trop entreprenants. Elle est « sauvée » par un homme beau comme un ange qui l’emporte dans les airs afin qu’ils échappent à un guet-apens orchestré par des créatures de l’ombre. Le soir même, la Sorcière des Landes fait irruption chez elle et lui jette un sortilège qui la rend brutalement vieille : elle n’a plus qu’à quitter la ville afin de trouver une solution à sa nouvelle condition - et un nouveau but dans sa vie. Peut-être dans ce "château ambulant" dont on dit que le propriétaire, le magicien Hauru, vole les cœurs des jeunes filles… Volontaire, courageuse, opiniâtre, elle s’y invitera grâce à l’appui d’un mystérieux épouvantail et elle y conclura un marché avec le démon du feu qui y règne. S’appuyant à la fois sur la vigueur de sa jeunesse et l’expérience de son âge, elle affrontera sa destinée.

Une œuvre flamboyante dans laquelle le réalisateur se révèle un peu moins pudique que d’habitude dans la mise en valeur des sentiments – et d’ailleurs parfois maladroit dans certains dialogues. C’est qu’il ne s’agit plus ici de cet amour pur et innocent qui liait si fort les héros de Mononoké ou du Château dans le ciel : pas tout à fait femme, se croyant en outre laide et pas désirable, Sophie, qu’elle soit au naturel ou sous l’emprise de la malédiction, n’est jamais fardée, ne se voile jamais la face, au contraire de toutes les autres femmes qui apparaissent dans l’histoire. D’ailleurs, suivant le moment de la journée ou son humeur, elle a tendance à retrouver un peu de sa jeunesse, tout en gardant les cheveux gris. Ce n’est qu’un des paradoxes de cette comédie aux multiples facettes, autant que le château ambulant a de portes sur le monde, certaines d’ailleurs donnant sur une autre époque. Un scénario à tiroirs dont on ne comprend pas tout de suite les motivations des personnages mais qui séduit par leurs caractéristiques : chacun dans leur genre, le chien asthmatique rencontré au pied du palais, l’épouvantail à tête de navet et l’inénarrable démon Calcifer sont adorables. Ils balisent le parcours de Sophie qui, contrairement à Chihiro par exemple, ne recherche pas la sagesse (elle lui est tombée dessus avec les 70 ans de bonus magique) mais bien quelqu’un à aimer, à défaut de s’aimer soi-même.

Techniquement parlant, les dialogues sont très intelligibles, malgré une piste (en VF DTS ou en VO) dispensant pas mal de basses mis qui magnifie une partition musicale encore plus enlevée que d'habitude pour Joe Hisaishi. Les voix françaises sont plutôt bien trouvées, comme c'est souvent le cas pour le sfilms d'animation,notamment pour Sophie et Calcifer (ce dernier est d’ailleurs plus drôle en VF) mais ont tendance pour les adultes à être un peu traînantes (c'est patent notamment pour les deux sorcières). Les images se montrent clinquantes et très nettes, autant dans les scènes de combat aérien nocturne que dans les paysages champêtres - évidemment, la colorimétrie remonte d'un cran sur le support blu-ray. Il suffit de jeter un œil dans l’antre d’Hauru, parsemé de colifichets et autres talismans multicolores à dominante dorée pour se rendre compte de la qualité de certaines images.

 

D’une splendeur visuelle rare, parfois troublant, totalement émouvant sur la fin (un peu trop optimiste toutefois), c’est un film au pouvoir évocateur extraordinaire : autant ces lacs d’altitude bordés de prairies en fleurs que ces gigantesques bombardiers mus par la vapeur constituent des visions inoubliables. Miyazaki a su mêler avec bonheur son goût pour la mécanique et sa vénération pour la nature, tout en ciselant les émoptions de ses protagonistes avec ferveur.

Magique.

 

 

 

Titre original

Hauru no ugoku shiro

Réalisation 

Hayao Miyazaki

Date de sortie

12 janvier 2005 avec Buena Vista

Scénario 

Hayao Miyazaki & Cindy Davis Hewitt d'après le roman de Diana Wynne Jones

 

Les voix en VO de Chieko Baisho & Takuya Kimura ; en VA de Christian Bale, Lauren Bacall, Billy Cristal & Josh Hutcherson

Photographie

Atsushi Okui

Musique

Joe Hisaishi

Support & durée

Blu-ray  Ghibli (2012) region B en 1.85:1 / 119 min

 

 

Synopsis : La jeune Sophie, âgée de 18 ans, travaille sans relâche dans la boutique de chapelier que tenait son père avant de mourir. Lors de l'une de ses rares sorties en ville, elle fait la connaissance de Hauru le Magicien. Celui-ci est extrêmement séduisant, mais n'a pas beaucoup de caractère... Se méprenant sur leur relation, une sorcière jette un épouvantable sort sur Sophie et la transforme en vieille femme de 90 ans. Accablée, Sophie s'enfuit et erre dans les terres désolées. Par hasard, elle pénètre dans le Château Ambulant de Hauru et, cachant sa véritable identité, s'y fait engager comme femme de ménage. Cette " vieille dame " aussi mystérieuse que dynamique va bientôt redonner une nouvelle vie à l'ancienne demeure. Plus énergique que jamais, Sophie accomplit des miracles. Quel fabuleux destin l'attend ? Et si son histoire avec Hauru n'en était qu'à son véritable commencement ?

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V
Revu hier soir. Une splendeur de chaque instant, une direction magistrale dans laquelle Miyazaki a opté pour des choix délicats lorsqu'il a réinterprété le conte original, passant sur certaines ellipses, accentuant le caractère profondément humaniste et même la romance pour mettre de côté la lutte de pouvoirs et d'influences entre sorciers (la Sorcière des landes du film n'a rien de la Némésis du conte). On pourra regretter l'idée de mondes parallèles, qui n'est qu'effleurée, ainsi que le voile jeté sur les origines de Hauru, mais le récit conserve sa modernité dans le classicisme de sa forme, et une intensité dramatique rare.
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V
Le scénario du film vient de remporter le prix Nebula du meilleur script ! Décerné samedi 12 mais à New-York.
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H
mon miazaki préféré mais j'hésite avec nausica
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