Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Et donc, malgré une impression mitigée au cinéma, ce film m'a bluffé, tant pas sa fluidité que par sa mise en scène, le tout idéalement servi par une partition vraiment splendide, privilégiant le mystère et l'expectative et parfois même en décalage avec des images souvent gaies, conférant à l'ensemble un aspect rétro du meilleur effet ; certaines sonorités rappellent étrangement la musique composée par James Horner pour les Experts de Phil Alden Robinson. Sans être un hommage aux films des années 50 à la sauce Woody Allen, c'est une oeuvre volontairement grave sous des allures plus légères.
En ce sens, Di Caprio s'avère un interprète convaincant, jouant sur cet aspect "jeune adulte" et sur un charme intemporel, entre l'éphèbe et le gentil voyou. Il a déjà cette aisance et ce naturel qui font encore de lui un acteur majeur, capable de tout avec élégance et maîtrise. Tom Hanks est, quant à lui, impressionnant, dans un rôle assez ingrat, construit un peu artificiellement, mais il sait tirer partie de ses scènes d'exposition pas toujours réussies pour construire dans notre cerveau ce personnage austère, ne vivant que pour un travail pénible. Dans ce mano a mano, les seconds rôles perdent toutefois pied (il faut tout le talent de Nathalie Baye et de Martin Sheen pour exister à l'écran), sauf Christopher Walken qui a cette faculté de transformer chaque seconde passée sur la pellicule en morceau de bravoure. Du coup, l'admiration/vénération qu'a le personnage de son fils pour lui prend tout son sens : Walken joue un homme qui garde, malgré les coups durs, une maîtrise de soi indéfectible, un sens de l'honneur admirable, mais un homme blessé, rongé par le doute. La séquence au restaurant où Frank Jr lui offre une Cadillac est admirable, et son visage passe par toute une palette d'expressions avant qu'il se décide de porter un toast mi-amer/mi-rageur à son fils prodigue.
Aucune longueur au final, mais quelques séquences un peu ratées, comme l'entretien avec Nathalie Baye ou celle se déroulant à Montrichard en France, entre Hanks et DiCaprio, qui manquait sérieusement de punch alors qu'elle devait constituer le climax attendu. A la réflexion, malgré une louable volonté de jouer le contrepied, Spielberg échoue un peu dans ses intentions, avec un DiCaprio aux abois, perdant peu à peu la raison (mais le découpage non linéaire et le montage empêchent qu'on s'apitoie sur son sort, tout comme il ne permet pas qu'on salue la réussite de l'agent Handratty). La fin, dans la grande tradition des films "inspirés d'une histoire vraie", est plus percutante et révélatrice.
Titre original |
Catch me if you can |
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Réalisation |
Steven Spielberg |
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Date de sortie |
12 février 2003 avec UIP |
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Scénario |
Jeff Nathanson d’après le roman de Frank W. Abagnale |
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Distribution |
Leonardo DiCaprio, Tom Hanks, Christopher Walken, Martin Sheen & Nathalie Baye |
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Photographie |
Janusz Kaminski |
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Musique |
John Williams |
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Support & durée |
DVD Dreamworks (2003) collector zone 2 en 1.85 :1 / 135 min |
Synopsis : Dans les années soixante, le jeune Frank Abagnale se lance dans l'escroquerie, parvenant à se jouer des contrôles bancaires pour toucher des chèques de paiement de compagnies aériennes. Petit à petit, il va perfectionner ses compétences exceptionnelles et endosser de nombreux rôles, jusqu'à ce qu'il apparaisse dans le collimateur du FBI. Carl Hanratty, en particulier, s'est promis de l'attraper...