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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] l'Exorciste : une leçon d'horreur et de cinéma

Ce film qui est d'abord entré dans l'imaginaire collectif par les malaises en série occasionnés lors des projections est devenu depuis une référence absolue du cinéma de genre, le temps de digérer ses copies bâtardes et nauséeuses qui ternirent l'image des films d'épouvante. Ses récompenses (4 Golden Globes !) et la reconnaissance critique ne contribuèrent que sur le tard à asseoir définitivement l'Exorciste en tant que grand film, et ce, dans tous les sens du terme.

Cette œuvre ne parvient décidément pas à se banaliser : au-delà de la terreur des premiers visionnages, on se surprend à être époustouflé par la maîtrise formelle de ce volet, débarrassé en outre des quelques plans supplémentaires apparus dans le montage de 2000 (les inserts ainsi que la fameuse séquence de "l'araignée"). L’efficacité prime, l’efficacité du plan et du montage, avec un choix de narration n’épargnant pas les ellipses mais évitant à tout prix les baratins explicatifs. Il n’y a pas d’à peu près dans l’Exorciste, pas de séquences gratuites : chaque mot, chaque image sont destinés à renvoyer à un élément du récit. L’accent étant mis sur la Possession davantage que sur la Foi en elle-même, l’enquête policière ou encore les messes noires (pourtant toutes évoquées, ce qui densifie encore le propos - des éléments nettement plus présents dans le roman, plus détaillé et méticuleux dans la partie précédent l'exorcisme proprement dit), on comprend dès lors que le personnage de Kinderman (l'inspecteur débonnaire cinéphile), qui apparaît très peu à l’écran, est essentiel au bon déroulement de l’histoire, permettant de mettre en relation le père Karras et la mère de Regan. Ces trois personnages constituent les trois pôles du script : ils personnifient un élément clef de l'intrigue et cristallisent chacun des angoisses différentes de la communauté. Ellen Burstyn est complètement à son aise dans la peau de cette actrice célèbre, vivant séparée de son mari et élevant sa fille unique dans un cocon chaleureux grâce à une évidente aisance financière. Mais Jason Miller crève l'écran : confesseur chez les Jésuites, le père Karras traverse une véritable crise de Foi liée à la maladie de sa mère qu'il se refuse à placer en institut. Son charme viril attirera l'attention de l'actrice - dont il est grand fan - qui le choisira (un peu contre toute attente) pour tenter de trouver une solution au mal qui ronge sa fille chérie, sur lequel les plus grands spécialistes de la médecine moderne se sont cassés les dents.

Pour amener l'irruption du père Merrin, Friedkin intensifie l'attente par une mise en scène toute en ruptures de rythme (très cut, un seul fondu au noir – et justifié par la séance d’hypnose) et par le biais d'une bande son à l’unisson (pas plus de quatre passages musicaux, tous très brefs, mais les cris, grondements sourds, raclements, vrombissement des machines d’analyse, martellement des outils d’artisans) qui contribue à instiller un malaise grandissant sans jamais (sauf dans la très belle scène du rêve de Karras) user d’artifices. Une leçon de cinéma d’ambiance qui trouve son point d'équilibre entre les scènes très dures voyant le corps de la jeune fille mutilé et souillé (les jets de vomi sont devenus la marque de fabrique de l'Exorciste, pour le meilleur et pour le pire) et ces dialogues incisifs, plombés de sous-entendus visant à accentuer le doute sur la nature même du cas de Regan - l'exorcisme devernant alors non pas un moyen de lutter contre une possession encore hypothétique (les preuves s'accumulent mais chaque fois dévaluées par des contre-preuves patentes) mais comme celui de faire croire au patient (et à son entourage) de la possibilité de s'en guérir. L'affiche, sublime, marquant l'arrivée espérée du père Merrin (von Sydow impeccable en homme usé par sa croisade contre les forces du Mal et les pontes de l'Eglise), ainsi que le titre même de l'oeuvre reprennent donc un élément capital du scénario, mais qui n'intervient que dans son dernier quart (si l'on excepte la longue et pesante séquence introductive en Irak). L'Exorciste est donc bien un film sur l'espoir, qui ne puise sa beauté et son importance que dans l'accumulation d'épreuves.

La remasterisation récente, d'abord pour le coffret zone 1 (qui avait tendance encore à virer au rouge) puis ensuite en HD pour le blu-ray de 2010, abourtissait parfois à insérer une netteté inattendue et jouait sur quelques effets d'ambiance étranges (le ciel de la ville se pare de teintes bizarres). Mais il faut tout de même la privilégier car elle donne plus de profondeur à certains moments-clefs (les détails troublants de la séquence archéologique - objets, sculptures, visages) et relève le contraste des moments nocturnes. La bande-son incroyablement travaillée y a gagné également en pertinence.

 

 

 

Titre original

The Exorcist

Réalisation 

William Friedkin

Date de sortie

Septembre 1974 avec la Warner

Scénario 

William Peter Blatty d'après son roman

Distribution 

Linda Blair, Ellen Burstyn & Max von Sydow

Photographie

Billy Williams & Owen Roizman

Musique

Mike Oldfield + Penderecki, Henze, Crumb, von Webern, Borden, Boedekker & Nitzsche

Support & durée

Blu-ray Warner (2010) region All / 132 min (version longue)

 

 

Synopsis : Une mère de famille constate que le comportement de sa fille Regan change radicalement. Devant l'impuissance de la médecine, elle décide de se tourner vers un prêtre...

 

[critique] l'Exorciste : une leçon d'horreur et de cinéma
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L
Wow, I can't pretend that it's an excellent job! Congrats and keep it up!
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