Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Voilà une œuvre immanquable dans la filmographie de Nolan. Plusieurs années après, le film est toujours aussi agréable à revoir, grâce à son casting impeccable (Michael Caine qui se retrouve entre Batman et Wolverine assure face aux 2 super-héros) et son intrigue touffue (même quand on connaît l'histoire, on ne peut s’empêcher de demeurer attentif et on a même un peu tendance à chercher certains indices révélateurs, un peu comme pour Sixième Sens).
Le blu-ray mettait déjà bien en valeur la photographie froide de Wally Pfister faisant ressortir les tons bleu acier et les décharges électriques. Evidemment, ce nouveau support va plus loin, sans pour autant progresser aussi spectaculairement qu’attendu.
Parlons technique.
Image :
Alors oui, on progresse niveau définition, profondeur de champ, contraste, les noirs gagnent en profondeur et les scènes sombres sont beaucoup plus détaillées (c’est particulièrement sensible dans les séquences brumeuses sur les auteurs de Colorado Springs, lorsqu’Angier part à la rencontre de Tesla). Mais je n'ai pas trouvé que les couleurs gagnaient tant que ça.
Il y a certes plus de nuances, davantage de saturation (les textures de certains des somptueux costumes d'Angier sont magnifiquement rendues, tout comme la lingerie de Scarlett Johansson) mais l'image garde sa photographie terne du Blu-ray Warner de 2007.
A noter un superbe grain qui trahit la captation argentique du film et, comme toujours chez Warner, on a droit à un excellent encodage, aucun défaut à signaler.
Son :
Les amateurs applaudiront : la VF passe en DTS HD-MA ! Elle se hisse à la hauteur de la VO qui était déjà encodée en HD.
Ce n'est pas le film le plus démonstratif du réalisateur, mais la bande son fait son travail et se réveille quand il faut et là où il faut. Les crépitements de la machine de Tesla et l’ambiance sonore des salles de spectacle plus ou moins bondées sont parfaitement rendus. Quelques passages sympa, donc, mais ne vous attendez pas à une démo HC tout de même.
Titre original | The Prestige |
Date de sortie en salles | 15 novembre 2006 avec Warner Bros. |
Date de sortie en vidéo | 6 juin 2007 avec Warner Bros. |
Photographie | Wally Pfister |
Musique | David Julian |
Support & durée | Blu-ray Ultra HD 4K Warner (2017) region All en 2.40:1 / 128 min |
Christopher Nolan est depuis quelques années entré dans le panthéon des metteurs en scène contemporains, signant de nombreuses réussites tant critiques que publiques. Pourtant, malgré l'impact de The Dark Knight, l'aspect visionnaire d'Inception et l'ambition d'un Interstellar, le Prestige reste mon préféré.
Avec ce film, le réalisateur de Memento et de Batman Begins signe ce qui pourrait passer pour son manifeste pour le cinéma : le parallèle est en effet évident, notamment lorsqu’on entend les dernières paroles d’Angier qui estime que tout spectacle est fondé sur une duperie tacitement acceptée par les spectateurs. Une thèse défendue par certains théoriciens du 7e Art.
A travers un récit déconstruit mêlant présent et passé avec virtuosité, se servant des carnets de l’un et de leur transcription par l’autre, on suit avec un certain bonheur et une fascination totale la grandeur et les décadences de ces deux artistes opposés en tout, mais tout aussi acharnés à prendre leur rival de vitesse, ou à le surpasser. Quitte à passer à côté d’une vie qui leur tend les bras, à l’image des femmes qui ponctuent leur existence comme autant de repères dérisoires, autant de balises invitant à garder les pieds sur terre. Même si on peut déplorer qu’au 4/5e du récit toutes les ficelles de ce brillant scénario aient été dénouées, on ne peut que se délecter d’un récit stylisé à la mécanique parfaite, invitant à chaque seconde à l’attention (« Est-ce que vous regardez attentivement ? » clame régulièrement l’un des interprètes) et à la concentration, fournissant fausses pistes et sujets de réflexions à foison, recoupements et rebondissements malins tout en nous tenant en haleine jusqu’à la fin de ce drame victorien flirtant intelligemment avec le surnaturel et la perception de la réalité (le roman d’origine, après tout, est signé d'un autre Christopher, Priest, le talentueux auteur du Monde inverti). Les amateurs de twist rechigneront peut-être, ne trouvant pas leur compte dans l’acte final alors que tout ce qui précédait l’annonçait, mais l’important n’est pas là : il vaut mieux admirer la puissance de l’interprétation, dominée par un Christian Bale véritablement impressionnant, offrant une multitude de visages et une palette d’expressions fascinante, face à un Hugh Jackman carré et imposant, révélant quelques failles qui enrichissent son jeu. A leurs côtés, Michael Caine est toujours impérial, pas très loin du rôle d’Alfred dans Batman, volant presque la vedette aux deux têtes d'affiche (tout comme la délicieuse Rebecca Hall qui éclipse une Scarlett Johansson au rôle un peu ingrat).
Peut-être pas très touchant, pas fondamentalement émouvant, le film
s’intéresse davantage aux artifices et aux dessous des tours qu’aux acteurs du spectacle, livrant une réflexion nécessaire sur les dualités magie/technologie, improvisation/rigueur, irrationnel/logique qui sont à la base de toute expression artistique.
Pour peu qu’on soit dupe dès l’entame – ou qu’on ait simplement envie de l’être, le spectacle est total.
Fondé sur une structure narrative au départ apparemment alambiquée et inutilement nébuleuse, ce jeu de flashbacks et de flashforwards, d'avants et d'arrières, ne devrait pas surprendre ceux qui ont vu et estimé l'impact formel de MEMENTO (des plus déstabilisants) et de BATMAN BEGINS (du moins dans sa première heure, le reste étant beaucoup plus linéaire) et, surtout, se révèle infiniment judicieux au fur et à mesure que l'on progresse dans le récit et que l'on est amené à penser des événements qui se déroulent tout en en connaissant les conséquences à venir et leurs ancrages passés.
Porté par un casting simplement monstrueux (les seconds rôles sont tous stupéfiants), notamment les deux têtes d'affiche, surprenantes d'humilité dans leur jeu et dont le poids qu'elles acquièrent au fil de l'œuvre révèle une force ainsi qu'une malice iconique (on est quand même devant Batman et Wolverine !) particulièrement jouissives, LE PRESTIGE joue constamment sur la thématique du chiffre 2, du double, de la dualité – à croire que Nolan poursuit une quête thématique après BATMAN BEGINS – et n'hésite pas à renverser et renverser encore les statuts et les rôles tout le long du film. Rien n'est tout blanc ou noir, et aucun n'est plus gentil ou moins méchant. Les deux hommes se renvoient constamment la balle au sein d'un jeu fascinant de respect, d'envie, de compétition et de vanité.
Ancré dans un contexte au charme scénique irréprochable (l'atmosphère légèrement fantastique d'une époque charnière – l'année 1899 n'est pas anodine – qui abandonne les croyances païennes au profit d'une foi sans borne en la science et, notamment, l'électricité), LE PRESTIGE est un formidable tour de passe-passe au sein d'un univers de spectacularisation, où les magiciens sont les stars du rock d'aujourd'hui et les vitrines de l'art populaire par excellence, par encore éclipsées par un cinéma naissant.
Outre sa réalisation intrinsèque inspirée, ses acteurs passionnants et son
récit fabuleux, LE PRESTIGE réussit l'exploit de se construire comme un long et entier tour de magie. Retenez bien le tout premier plan et les tous premiers mots qui ouvrent l'œuvre. « Avez-vous bien regardé ? » Car lorsque le dernier acte du film, qui aura suivi tout un processus de dupes (mais jamais de tromperie) révélera le Prestige, le lever de rideau vous aura depuis bien longtemps époustouflé !
LE PRESTIGE est au final est pur jeu cinématographique qui nous modèle une réalité pour mieux nous la remodeler au fil de l’enchaînement des plans dans une jubilatoire optique mystificatrice. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été aussi friand de me prendre à un jeu aussi intelligent, complexe et obsessif. Du très grand cinéma de divertissement – que dis-je ? – de « spectacularisation » !