Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Aronofsky n’était déjà plus un débutant au moment d'entamer the Fountain, il a vait prouvé, notamment avec Requiem for a dream, sa capacité à mouvoir une caméra virtuose pour illustrer un récit difficile de manière sincère. On a ainsi appris à apprécier son sens aigu de la composition ainsi que cette synergie absolue entre la partition musicale et les images. Pour ce film, dont le projet a connu de nombreuses péripéties (défection de Brad Pitt et réduction drastique du budget initial après un retard de deux ans), il apparaissait certain qu’il allait s’impliquer totalement dans cette histoire d’amour transcendantale brisant les barrières du réel et du temps.
Le résultat laisse immédiatement un parfum d’inachevé, sans être bâclé : juste... non totalement abouti. En outre, certaines scènes évoquent des visions new-age pas toujours du meilleur goût - ou alors d’une naïveté confondante - qui laissent rêveur, éblouissent ou agacent selon l'humeur. Les rares combats transcrits à l'écran sont illisibles, limite brouillons. Et la mise en scène, savante, presque maniérée, a le défaut de ne laisser transpirer que très peu d’émotion, malgré les nombreux plans à forte teneur lacrymale.
Voilà ce qu’on pourrait retenir d’un bilan objectif - et il y aurait encore tant d'autres détails qui prêtent allègrement le flanc à la critique, surtout si elle manque d'ouverture d'esprit. Cependant, en vérité je vous le dis, de ces défauts il ne faut pas tenir compte, car…
… ce film est une pure merveille. Au travers d’images baignant dans une lumière mordorée, ce réalisateur touche-à-tout a concocté une ode admirable à la fragilité de la vie, par le biais d’un récit faussement alambiqué (on s’aperçoit que la lecture est finalement plus aisée que prévu, et davantage encore au fil des visionnages). La musique planante, parfois lyrique, (dont une partie est interprétée par le groupe Mogwaï) sous-tend à la perfection ces images où échos visuels et symbolisme s’entremêlent, laissant çà et là des balises nécessaires à la compréhension globale du récit. Là où certains voient le passé, le présent et le futur qui s’interpénètrent (à la façon du film the Jacket, par exemple, dont il reprend quelques aspects), on peut y déceler autant de niveaux de lecture (le conte, le réel et le fantasme, à moins que ce ne soient différentes strates mémorielles). L'œuvre gagne beaucoup à être revue.
Hugh Jackman, parlons-en, est absolument bluffant, allant très loin dans l’interprétation de ces trois facettes d’un homme rongé par le remords, mû par une volonté de rédemption et une quête éperdue d’un remède à la mort. Face à lui, Rachel Weisz n'a jamais été (et ne sera sans doute plus) aussi resplendissante, incarnation remarquable de la majesté féminine. Le cadrage très serré, presque étouffant, souligne encore ces impressions.
Œuvre de foi, the Fountain est ciselé telle une dentelle de nacre par un artiste habité. La fin peut prêter à sourire, j’en ai admiré au contraire la puissance évocatrice et le raffinement stylistique, même si c’est vrai qu’on se croirait dans les dernières pages de l’Incal.
Après tout, creo signifie « je crois » en espagnol…
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Titre original |
the Fountain |
Mise en scène |
Darren Aronofsky |
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Date de sortie |
20 décembre 2006 avec TFM |
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Scénario |
Darren Aronofsky & Ari Handel |
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Distribution |
Rachel Weisz, Hugh Jackman & Ellen Burstyn |
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Photographie |
Matthew Libatique |
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Musique |
Clint Mansell |
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Support & durée |
1.85 : 1 / 96 minutes |
Synopsis : Le Dr Tom Creo s’efforce de trouver un remède pour guérir la tumeur de sa femme qui a commencé à rédiger une histoire dans laquelle