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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Iron Maiden : Flight 666

[critique] Iron Maiden : Flight 666

Il est des invitations qu’on ne refuse pas.

Je ne suis pas un « hardos », ni fan de « death metal ». Je n’ai pas ces longs cheveux sales sur un torse malingre parsemé de tatouages gothiques. Je ne termine pas, ni ne commence d’ailleurs, mes soirées au bar à m’enfiler une douzaine de bières en riant avec des potes encore plus hilares. Et je n’ai pas l’habitude de danser les bras tendus vers le haut, rebondissant sur place en exécutant d’improbables signes cabalistiques aptes à conjurer les démons.

[critique] Iron Maiden : Flight 666

Pourtant j’aime Maiden. Je connais par cœur chaque mélodie de l’album the Number of the Beast, chaque riff de guitare, chaque vocalise. Il m’arrive de vibrer encore lorsque j’entends le générique du Prisonnier, attendant l’intro à la batterie qui lui est accolée sur l’album et je suis invariablement hypnotisé devant l’énorme Hallowed be thy name où tout le talent du groupe explose en variations savamment pulsées par la basse imparable de Steve Harris. C’est sans doute chez cet homme qui apparaît si réservé qu’il faut trouver le secret de la longévité du groupe, dans ses compositions fondées sur une ligne de basse trépidante secondée par un trio de guitares où se détachent les solos croisés d’Andy Murray et Adrian Smith : un son à nul autre pareil et qui a valu à l’album de nombreuses distinctions et une reconnaissance éternelle.

 Alors quand on m’invite à la projection d’un film sur le groupe, diffusé partout dans le monde (mais en un nombre restreint de copies) à la même date, – le 21 avril 2009 – je ne peux qu’accepter avec joie. Ce fut une petite aventure en soi, marquée d’allégresse et de déceptions : covoiturage, casse-croûtes gargantuesque, retrouvailles dans un complexe presque désert. Les fans, les vrais, qui portaient tous un T-shirt à l’effigie du célèbre Eddie (le mort-vivant illustrant les inoubliables pochettes des albums du groupe), se faisaient des signes de connivence, plus ou moins étonnés de leur faible nombre : pour une salle de 550 places, nous n’étions qu’une petite centaine à peine (alors qu’on me certifiait que dans les cinémas allemands, ils étaient complets depuis belle lurette). A qui la faute ? Sans doute à une campagne de publicité mal orchestrée sur notre territoire, malgré la bonne volonté des fans-clubs et une citation dans l’émission radiophonique de Tonton Zéguth.

[critique] Iron Maiden : Flight 666

Dommage.

Parce que le spectacle, à vrai dire, fut total. Ouverture sur un concert, petit retour en arrière : deux fans se présentent à Bruce Dickinson, lui proposent de faire un reportage sur ce qui s’avèrera être une tournée record (je crois que c’est par rapport au nombre de concerts joués dans des villes différentes et dans un temps limité). Il accepte et nous plonge alors dans les prémisses de cette sinécure. Comment en effet concilier les besoins de cette série de concerts (qui visait de leur propre aveu davantage à toucher un nouveau public qu’à surfer sur les anciens succès – car ils reprennent une sélection de vieux titres) avec le gigantisme financier et logistique de l’entreprise ? Simple : Bruce Dickinson est pilote. Au lieu de multiplier les semi-remorques et les cargos, on essaie de tout caser dans un Boeing modifié, dont on transforme une partie de la carlingue en soute géante capable d’abriter tout le matériel et la scène reprenant les décors du World Slavery Tour de 1984.

Osé, risqué. Mais ça marche.

Le temps d’obtenir les autorisations et Ed Force One s’envole déjà. Les continents défilent tandis qu’on s’amuse des blagues que s’envoient les membres du groupe, notamment la sempiternelle ritournelle au moment du décollage alors que les hôtesses font de leur mieux pour expliquer les manœuvres de sauvetage (« You’re shit, and you know you are ! » chantent-ils à Bruce), ou les anecdotes sur le caractère bourru et impulsif du manager. L’Afrique, ce sera pour une autre fois (le frère de mon amie m’expliquait que les décorations du Boeing avaient offusqué plus d’un gouvernement et qu’une autre tournée était prévue ultérieurement avec un avion au visuel plus neutre). Voilà l’Asie, où l’impact du groupe est aussi fort qu’avant : accueil chaleureux, grande ferveur mais des ennuis gastriques qui font craindre le pire au manager (des seaux étaient installés de chaque côté de la scène tant les Maiden étaient malades). Seulement, ces gens sont solides et ni l’âge, ni le kilométrage ne semblent les atteindre : les faciès ont changé, les coupes de cheveux aussi, mais l’énergie est quasiment la même, incroyable. Nicko McBrain, à l’inimitable accent cockney, bien planqué derrière son imposante batterie, s’y déchaîne (pieds nus !) avec une vigueur qui fait oublier ses 57 ans. Dickinson, un poil plus jeune, gambade et sautille tel un gamin sur scène, mais demeure sérieux et professionnel lorsqu’il pilote pour la compagnie Astraeus. Quand on sait qu’il est multimillionnaire et qu’il a été approché pour faire partie de l’équipe olympique d’escrime, on se doute qu’on n’a pas affaire au premier venu.

I think it's the only place in the world where we physically got mobbed by teenage girls.

Adrian Smith

C’est en Amérique du Sud qu’on peut surtout mesurer l’impact du groupe de heavy-metal : les stades brésiliens comme les salles du Costa-Rica sont bourrés à craquer, et c’est une marée humaine qui les attend à chaque déplacement, au point qu’ils s’en inquiètent parfois. L’impression est saisissante, les plans sur les premiers rangs compressés par la foule derrière sont symptomatiques. Et il faut voir ces fans interviewés crier leur amour pour le groupe, alors même qu’ils n’étaient pas nés quand en 1978 Iron Maiden enregistrait son premier disque. Pour ce Chilien, Maiden est un symbole de liberté, pour cet Argentin, c’est la musique des sphères. Toute cette jeunesse s’arrache les places de concert et se mêle aux anciens, ceux qui avaient pu les voir au cours de Rock in Rio en 1984, voire en 2001 pour leur grand retour (254 000 spectateurs).

Le documentaire en lui-même est conçu classiquement, avec un bon équilibre entre les scènes de concert (les trois titres phares de Number of the Beast s’y retrouvent, pour mon plus grand plaisir, mais aussi par exemple Can I play with Madness  de l’album Seventh Son of a seventh son considéré comme le sommet de leur carrière) et les interviews de face, où chaque protagoniste évoque son sentiment sur la tournée, ses relations avec les autres (difficile de faire la part du respect, de la sincérité et de la flatterie, même si on sait que Bruce et Steve n’ont pas toujours été les meilleurs amis du monde) et, parfois, sa conception de la musique – ces petits moments où Adrian Smith joue tout seul dans les vestiaires sont infiniment précieux. Les amateurs auront la surprise de croiser Lars Ulrich, le batteur de Metallica, Ronnie James Dio lui-même (de Black Sabbath, qui passe pour avoir créé le symbole de ralliement des hard-rockeurs – la fameuse horn gesture) et son acolyte Vinnie Apice, Kerry King de Slayer, Andreas Kisser de Sepultura ou encore Tom Morello de Rage Against the Machine. On verra aussi, plusieurs fois, ces fameux plans en accéléré montrant le montage de la scène – et son démontage ainsi que l’arrivée des spectateurs.

[critique] Iron Maiden : Flight 666

Tant pour la performance véritablement ahurissante (qu’on peut relativiser car ces marathoniens du rock

avaient l’habitude faire 6 concerts en une semaine dans les années 80) que pour les chansons et les petits clins d’œil, le film est un grand moment de plaisir partagé par les aficionados et les autres. J’ai chanté et bougé en rythme dans cette salle trop vide à mon goût… et j’ai pris rendez-vous pour le prochain concert où, promis, je tâcherai de me vêtir de manière un peu plus appropriée.

Encore merci à Jean-Noël.

Titre original

Iron Maiden : Flight 666

Date de sortie en salles (Allemagne)

21 avril 2009 avec Arts Alliance Media & D&E Entertainment

Date de sortie en VOD

 

Date de sortie en vidéo

22 mai 2009 avec EMI Music France

Photographie

Martin Hawkes

Musique

Iron Maiden  

Support & durée

35 mm en 1.78:1 / 112 min

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J
C'était GENIAL ! De bons vieux titres qui n'ont pas perdu de leur punch et de leur mélodie monstrueuse, nos idoles filmés de tout près, leur humour, l'ambiance cool avant un concert, les aléas des tournées, la fatigue mais toujours la bonne humeur. Les pleurs des fans à la fin du concert, leur excitation, leur course de folie pour être les premiers, leurs yeux écarquillés, la joie sur leur visage et les sacrifices pour assister à ce concert (démission, dormir 5 jours devant les portes pour être devant...)Bref on y était pour de vrai, l'oeil discret on pénétrait dans leur vie privée pour les voir jouer au tennis ou au golf (quelle surprise), en serviette à la fin du concert, en famille, ils se dévoilent un peu plus pour notre plus grand bonheur.A VOIR ET REVOIR...
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V
Ah Neault, je viens de lire ta déclaration d'amour au groupe et je dois dire que j'en partage de nombreux points. Bravo.
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V
Eh oui Neault, mais moi je n'ai pas eu à décorer ma chambre, mon frère s'en chargeait parfaitement à l'époque. Quant aux "textes simplistes", effectivement ce gars-là ne savait pas ce qu'il disait : Maiden, ce n'est pas qu'un "son", c'est aussi de très nombreuses références qui font écho aux miennes, du Prisonnier aux Monty Python en passant par des discours de Churchill, des extraits de Lovecraft, des hommages à Blade Runner ou à Asimov - et je n'ai pas une connaissnce exhaustive de leurs morceaux. D'ailleurs, c'est dit, je me replonge dans leur discographie et tant pis pour les voisins !
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V
C'est gentil d'être venue, Dada, merci pour ton commentaire. Il y avait très peu de cinémas qui diffusaient ce film (un seul groupe en avait l'exclusivité en France).
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N
Putain, là j'avoue, je suis jaloux !! ;o)Maiden... ouf.En 2005, j'ai écris une sorte de déclaration d'amour au groupe (ici : http://maidenfans.com/imc/index.php?url=rants/rant26&lang=fra&link=features ) et, bon, je pense que je pourrais faire mieux aujourd'hui mais l'essentiel est là. J'ai une fois rencontré un type qui disait aimer Maiden "malgré leurs textes simplistes". Evidemment qu'il s'agissait là d'un abruti parlant par procuration tant les textes du groupe sont particulièrement travaillés et peu en phase avec les débilités satanistes qu'on pourrait leur prêter.Iron Maiden fait partie des 4 ou 5 grandes rencontres artistiques qui m'ont vraiment marquées. Et Eddie a même réussi, à l'époque, à se faire sa place sur les murs de ma chambre, à une époque où Samantha Fox avait pourtant de gros arguments.;o)Up the Irons !
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D
Quel bel hommage de I. Maiden ! J'en ai l'eau à la bouche de retrouver ces loustics au moins en DvD. A ma connaissance - rien sur Dijon. J'ai vu un concert ici même en 1980. Je ne sais plus lequel des Adrian avaient joué avec les dents mais l'ambiance, la scène étaient monstrueusement génial !Heureuse qu'ils aient toujours du plaisir de jouer pour leur public et que l'incroyable Dickinson soit toujours l'inoubliable chanteur du groupe.Bravo pour l'article !
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