Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le film n'est pourtant pas désagréable : il se suit agréablement et est plutôt bien fichu. Mais la réalisation outrancière, limite parodique, a vite fait de m'énerver, tout autant que cette caméra tremblante qui semble imiter le reportage de guerre.
Quant au personnage... et bien, c'est Jack Bauer avec le nom de James Bond, étiquette sans laquelle le film pourrait passer pour n'importe quel actioner bien bourrin.
En fait, je trouve vraiment que c'est Eva Green, hypnotique et très émouvante, qui fait tenir l'ensemble. Sa relation avec Daniel Craig est délicieuse, même si écrite avec les pieds, tout comme l'ensemble du scénario d'un manque de finesse à faire peur.
Bref, j'ai retenu quelques bonnes séquences, mais surtout de l'ennui et des passages tellement invraisemblables que ridicules pour un film qui se la joue pourtant crédible et hard boiled.
Ca ne vaut toujours pas à mes yeux les deux opus de Timothy Dalton, qui avait de la carrure et une incarnation à revendre.
Ca m'a effaré de constater que ce que l'on a vendu comme un point de vue tellement révolutionnaire dans ce nouvel épisode n'est finalement qu'une reprise peu originale de ce que l'on a pu voir ailleurs dans plein d'autres films, et en mieux. Comme quoi, la franchise a vraiment un gros train de retard et aime, aujourd'hui, à se réapproprier des choses pour se renouveler.
En l'état, ce Casino Royale est un film d'action honnête, un peu con et très vain. J'imagine qu'il parlera plus aux fans de la saga pour ses ambitions qu'un Batman begins... Pour ma part, je penche plutôt du côté d'œuvres telles que Le Pacificateur...
Pour moi, Dalton a toujours apporté une vision qui me plaisait : loin de la classe et de l'humour superficiels de ses prédécesseurs ou successeurs, mais axée sur une arrogance et une hargne qui me prenait aux tripes.
D'accord avec toi pour les Dalton, bien que je les trouve trop froids et datés, mais justement Casino Royale en reprend certaines figures en les dynamitant, comme il détourne habilement (mais sans les travestir ni les pervertir) les éléments mythologiques des grandes heures de l'ère Sean Connery. De fait, il est une seconde version de Au service secret de sa majesté qui est, et de loin, le plus ambitieux des Bond. Le personnage, s'il ne cherche pas à faire oublier les "glorieux aînés", s'en sert, parfois sans vergogne, en y piochant le meilleur. On peut reprocher au film un "méchant" pas suffisamment charismatique, mais pas un scénario stupide (je ne veux pas me disputer avec Nico - ni avec personne -, mais tous les Brosnan, à part Goldeneye, étaient vraiment pourris de ce côté, au point que, avec Le Hulk, on se regardait en se demandant si c'était bien un Bond et pas une parodie). Maintenant, oui, Bond a repris à son compte certaines facettes de Jack Bauer : en faire un dandy gauche et auto-parodique à la Roger Moore ne lui aurait pas permis de poursuivre la franchise, il lui fallait un nouvel angle d'attaque.
Et puis trêve de discussion : Goldeneye est con, mais c'était le dernier Bond qui me procurait du plaisir (les suivants étant plus ennuyeux qu'autre chose), bien qu'on était loin d'un Opération Tonnerre un peu long mais si jubilatoire. Casino Royale m'a vraiment hypnotisé, c'est hyper-jouissif et, en outre, vraiment bien interprété. Et pour une fois, les gadgets ne bouffent pas la portion congrue réservée au savoir faire de l'espion. C'est le film nécessaire pour faire rebondir la série, au lieu de s'enfoncer dans des redites iniques et sans intérêt autre que faire sauter quelques bâtiments.
GOLDENEYE est con, mais en quoi CASINO ROYALE l'est moins ?
Je veux dire, la course poursuite du début du film entre Bond et le Yamakasi est peut-être le plus grand moment de n'importe quoi que j'aie jamais vu au cinéma ! Une version totalement sérieuse de Roger Moore qui scie une deux-chevaux et grimpe sur la totale, sans la distance nécessaire et le recul grotesque de l'entreprise.
L'effondrement de tout un quartier de Venise vers la fin est pas mal non plus dans le genre...
Mais moi, je revendique cette démesure dans le bourrinage, à condition que Bond conserve cette once de classe qui le distingue des super-héros formatés ! A condition aussi de conserver un équilibre entre les dangers planétaires et la confrontation avec un méchant magnétisant, entre les gadgets et le savoir-faire d'un espion supérieurement entraîné. Bond est une licence qui permet justement des scènes d'action incroyables comme des dialogues savoureux. Dès qu'on a voulu tomber dans le parodique, on a vu le résultat (qui encore peut donner le moindre crédit que ce soit à la période Moore en visionnant Moonraker ???). Pareil lorsqu'on a voulu accentuer le sérieux et le vraisemblable (le seul de ce genre que je trouve agréable est Bons baisers de Russie - je mets à part Au Service secret... qui est autrement plus ambitieux que tous les Bonds réunis).
Où vois-tu que la scène de poursuite se prend au sérieux ?
En revanche, voir un Bond se donner des coups sur la tête pour reprendre contenance, c'est totalement jouissif, tout comme la première fois qu'il revêt un tuxedo. Les combats sous-marins étaient très cons dans Opération Tonnerre, mais ils s'inscrivaient bien dans le cadre de la franchise - alors que la bataille dans le volcan dans On ne vit que deux fois (pas sûr du titre) montrait déjà les mauvaises directions dans lesquelles s'engageait la production.
Bond n'a rien d'ordinaire, il a ses failles, ses atouts et quelques caractéristiques qui le placent à part. Je n’ai pas envie qu'on en fasse un espion banal, pas envie qu'on en fasse un Iron Man gadgétisé à outrance, ou un gigolo à la mèche impeccable et au costume nickel. Il est une icône gravitant dans son monde à lui, capable de rendre crédible les situations les plus inconcevables (comme le vol d'un bombardier qui sera coulé avant qu'on puisse lui soutirer une arme nucléaire). Craig a à la fois explosé ces codes tout en s'en inspirant, synthèse quasi-idéale de Connery et Lazenby, de loin les meilleurs interprètes jusque lors (Brosnan n'étant qu'un clone un peu affadi).
Mais surtout, je crois qu'on devrait continuer à échanger nos points de vue sans chercher à convaincre l'autre du sien propre. Casino Royale m'a réconcilié avec la série alors que les derniers Brosnan m'en avaient dégoûté. Pour moi, c'est un argument imparable. Mais c'est personnel.
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