Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
… et pourtant elle tourne. (X-files, saison 4, épisode 9 : « Terma »)
X-files—I want to believe ****
Une chronique de TWIN
X-files—Régénération. Un long métrage canadien, américain (104 min) de Chris Carter, sorti en salles en 2008, avec David Duchovny, Gillian Anderson, Amanda Peet. Ecrit par Frank Spotnitz et Chris Carter, d’après la série éponyme. Musique de Mark Snow.
Fox Mulder et Dana Scully, tous deux retirés du FBI, se voient invités à sortir de leur discret isolement pour aider à la recherche d’une jeune fonctionnaire récemment disparue. Un ancien prêtre convaincu de pédophilie qui semble user de dons de voyance va les amener à s’interroger sur la nature et les enjeux de cette enquête.
X-files—I want to believe ne mérite absolument pas la volée de bois vert qu’il subit dans la presse et au box office depuis plusieurs semaines. Il vaut au contraire bien plus que ce que l’on veut bien en dire.
Au milieu des sorties estivales, voici une œuvre sobre, sereine, triste et désabusée, sans effet de grand guignol, sans ambitions gargantuesques, dont l’humilité inattendue se refuse à toute mise en scène spectaculaire excessive (autre qu’une sortie de route ou une chasse à l’homme vite dramatisée au milieu des armatures d’un immeuble en construction).
I want to believe aurait pu résumer son titre à cette simple portion (on passera sur le titre français, très réducteur d’univers), tant les X-files ne sont ici qu’un lointain souvenir formel qui s’efface devant des thèmes fétichistes. Alors que Mulder essaie de ressusciter la configuration de son ancien bureau du FBI par une pièce fourre-tout doucement nostalgique de sa grande demeure, le film verse dans les ambiances crues des épisodes les plus naturalistes de la série, ainsi que vers des problématiques tout aussi propres à Millennium ; c’est assez troublant au point de se demander s’il n’y a pas là une volonté dans l’adaptation de croiser les deux séries.
Beaucoup ont vu dans le choix du point de vue une absence d’enjeux et une incapacité pour Chris Carter de s’extirper du carcan télévisé. Au-delà d’un prétendu épisode « de luxe », j’entends plutôt le raisonnement posé, appliqué et léché d’une caméra qui s’impose rien de moins que comme la mise en scène la plus intellectualisée des films que j’ai pour l’instant pu voir cette année.
L’intrigue en elle-même fait du fait divers anodin le vecteur de préoccupations universelles. Le questionnement sur la foi renvoie à des obsessions cycliques issues des deux séries inspiratrices, et les deux intrigues principales se mêlent par leurs ambiguïtés, leur immoralité et leur refus total de concession face à la complexité maladive de la cruauté du mal inhérent à l’homme et du Mal comme entité. L’innocence et l’apparent tissu délétère de ces intrigues, narrativement très éloignée des constructions typiques de la série X-files, ne mettent pas long à révéler que le véritable soin de Chris Carter est de coller aux angoisses et aux errances de ses personnages.
Le constant, sans appel, est alarmant : Mulder est une âme perdue, un peu mort intérieurement, qui cherche désespérément à redonner un sens à sa vie ; Scully est une icône de mélancolie qui a fermé sa porte et qui, simplement, n’en peut plus. I want to believe est ainsi une œuvre de fin du monde, un combat constant de balancement entre espoir et renonciation, une réflexion sur un éventail de foi, celui qui murmure un souffle de vie.
En ce sens, il est vrai que le film rappelle furieusement Rocky Balboa dans sa démarche. Il aurait gagné à prendre un peu plus de maturité (I want to believe arrive seulement six ans après la fin de la série) et à densifier un peu plus certains raccourcis scénaristiques, prétextes ou sorties de scènes. En l’état, c’est un testament humble et profondément touchant pour des personnages qu’on a tellement suivi qu’il est sans doute temps de leur accorder le repos qu’ils méritent loin des ténèbres, loin des questions de moralité en suspens et qui continuent de nous hanter.