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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

En 1995, Brad Pitt explosait à l'écran et imposait définitivement une image de séducteur farouche grâce à sa composition dans Thelma & Louise, Entretien avec un vampire et, surtout, Légendes d'automne.

 

Que penser de cette fresque épique s’étalant sur une vie d’homme (les premières images nous montrent Tristan Ludlow tout jeune et le film s’achève sur sa mort) ? Adaptée d’un roman du grand Jim Harrison, elle s’inscrit dans la lignée des sagas familiales dans lesquelles on prend fait et cause pour un des membres et qui, sur fond d’époque tragique, narre les liens et les dissensions qui entretiennent une existence. Ajoutez-y des paysages somptueux baignés de la lumière magique (« moite » affirme le réalisateur dans l’amusant mais respectueux commentaire audio du DVD Columbia-TriStar) du Nord américain et illustrés par une magnifique ballade aux accents celtiques créée par James Horner et vous tenez un genre d’épopée dont sont friands les Anglo-Saxons.

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

Cependant, bien que ressemblant fortement à une oeuvre de David Lean (dont Edward Zwick avoue s'être pourtant fortement inspiré), à bien y regarder, et malgré l’intense travail de reconstitution historique (la recréation du centre ville d’Helena à partir des rues de Vancouver choisie pour des raisons d'économie) ou les scènes restituant l'enfer des tranchées, on a moins le sentiment d’assister à un grand film d’aventures que celui de voir la trajectoire d'un homme remarquable, hors du temps, des modes et des principes, un héros moderne, profondément romantique, autour duquel ne font que graviter, attentifs à s’insérer autant que faire se peut dans une société en pleine mutation (conséquences de la Révolution industrielle, éclatement de la Première Guerre Mondiale et prémisses de la Décolonisation), des personnages moins « magnétiques », voire iconiques. Car le film, débutant sur le mode du témoignage a posteriori (un vieil Indien Cree, compagnon de toujours du colonel Ludlow et nommé One Stab, raconte l’histoire de Tristan) est tout entier axé, mais de façon presque masquée et subtile, sur le destin du fils cadet. Dès le début, le Peau-Rouge, qui s'évertue à ne jamais s'abaisser à parler la langue de l'Homme blanc - tout en la comprenant fort bien - et qui deviendra son mentor, le voit comme une force de la Nature, un être sauvage, indomptable, dont la fougue n’a d’égale que l’indiscipline. Tristan, malgré l’amour qu’il porte à ses deux frères (l’aîné, Alfred, posé et pénétré de son rôle de référent ; le benjamin, Samuel, diaphane, dont l’enthousiasme le dispute à la soif de (re)connaissance), est un animal solitaire en lequel, bien qu’il s’en cache – de moins en moins ouvertement – le colonel Ludlow voit l'incarnation de cette folie qu’il cherchait à calmer, loin de la guerre civile pour laquelle il avait patiemment servi un gouvernement qu’il rejette à présent, loin du bruit et de la fureur des grandes villes, dans ce Montana immense et sauvage qui fera fuir jusqu’à sa femme. Ainsi, insidieusement, le récit s’attellera à décrire la grandeur et la décadence de cette famille qui connut ses plus belles heures jusqu’au jour où Samuel, de retour de brillantes études, lui amena sa fiancée, Susannah, une jeune femme brillante mais orpheline.

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

Ce n’est pas la Grande Guerre pour laquelle, recherchant tout à la fois un sens à leur vie et la reconnaissance paternelle, Samuel et Alfred vont s’engager, qui va faire basculer leur vie, mais bien l’irruption de cette future épouse dans le cercle familial restreint. Elle n’est pourtant pas la seule femme, car Ludlow, outre son fidèle One Stab (qui était déjà à ses côtés dans le régiment qu’il dirigeait – en tant qu'ordonnance ? aide de camp ? éclaireur ?), une petite famille partage intimement leur vie : un homme à tout faire au passé trouble, Decker, les aide à élever les chevaux et le bétail ; il a eu d’une Indienne, Pet, une jeune fille surnommée Isabel Deux (la première Isabel étant l’épouse du colonel qui s’est retirée à la ville, sous prétexte qu’elle ne supporte pas la rigueur des hivers du Montana). Cette dernière n’a d’yeux que pour Tristan et envisage, dès qu’elle en aura l’âge, de l’épouser. Mais lorsque Tristan croise le regard de Susannah, on comprend immédiatement que les rapports au sein de la famille vont devenir extrêmement compliqués : son visage radieux, ses yeux de biche et son sourire éclatant ont, de facto, conquis les trois frères. Alfred passe du temps avec elle sous des prétextes aussi maladroits que ses gestes d’attention sont empressés ; Samuel demande des conseils à Tristan car il redoute de ne pas être à la hauteur la première fois où il l’honorera physiquement ; et Tristan, lui, n’a pas besoin de lui faire la cour, de lui parler, ou même d’être présent : son côté rebelle, mal dégrossi, ses longs cheveux blonds, son air angélique cachant une farouche envie de vivre ont déjà, et immanquablement, enflammé le cœur de la promise du benjamin. Alfred les surprend même les yeux dans les yeux, à la lisière d’un baiser qui ne surviendra pas – en tout cas, pas avant la Guerre. Car le soir venu, les trois frères partent pour le Canada, s’engager aux côtés des Anglais qui se battent en France : Samuel croit y voir l'appel d'une liberté mise en péril, l'aîné se justifiant plus vaguement par une forme de patriotisme flou dissimulant mal son envie d'en remontrer à un père qui ne l'épaule guère. 

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

J’ai eu un peu de mal avec ce mouvement spontané : 1915 vient de commencer et les USA n’entreront en guerre que deux ans plus tard. Je saisissais mal l’engouement de jeunes Américains, même idéalistes, pour un conflit aux côtés de leurs anciens colonisateurs, un siècle et demi après leur Indépendance. A la réflexion, c’était l’évidence même : il faudra attendre la Guerre Du Viêt-Nam pour que cesse cette fascination mâle pour le front, les actes de bravoure au service de la Nation. Tristan, pourtant, n’est pas du même avis : s’il part, c’est uniquement pour veiller sur Samuel le rêveur – et peut-être confronter sa science de la survie en forêt, sa résistance à la douleur et sa témérité aux réalités du combat moderne. Ludlow, dans une scène d’adieux réglée au millimètre suivant une forme de hiérarchisation patriarcale, et Susannah ne disent pas autre chose que : « Prends soin de Samuel. Ramène-le nous. »

 

Le reste tombe sous le sens : Samuel, frustré par cette surveillance incessante et cherchant avant tout à s’illustrer, ne serait-ce qu’une fois (Alfred a déjà reçu une médaille et, dans une scène coupée, on voit Tristan susciter l’admiration de ses camarades), ne reviendra pas d’une mission dans laquelle il s’était lancé seul. Tristan, arrivé trop tard, ne se le pardonnera pas. La rage primale qui bouillait en lui se déverse alors en un déchaînement de violence irrationnelle, mais sa vengeance immédiate n’atténuera pas le cri de la bête qui résonne dans ses entrailles et qui l'entraîne à maudire jusqu'à Dieu lui-même. Sorte de Wolverine avant l’heure cherchant à réprimer ses instincts, il ne reviendra au ranch familial qu’après de longs mois de pérégrinations. Entretemps, Alfred se sera déclaré auprès de Susannah, mais aura essuyé un refus poli : c’est vers l’autre frère que se tournent désormais les pensées de la belle. Au retour du fils prodigue, leur amour éclatera au grand jour : cependant, c’est sans compter sur cette folie viscérale et atavique que Tristan ne parvient qu’à grand’ peine à contenir et qui l’éloignera de la maison Ludlow, à nouveau, alors que les temps deviennent plus difficiles. Alfred, se présentant comme sénateur, comprendra de la bouche même de son père combien il est différent de son frère – et pourquoi l’autre est plus aimé que lui, qui s’est pourtant toujours efforcé de suivre les règles, de se conduire décemment. Ici éclate l'injustice des sentiments : le cœur a ses raisons, n’est-ce pas… ?

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

Par petites touches parfois subtiles ou tendres, parfois espiègles, entrecoupées de scènes violentes et bruyantes (la guerre, les règlements de comptes), on suit le devenir instable de ces vies qui s'entrechoquent : le père, suite à une attaque, vit retiré du monde, handicapé et presque muet ; Susannah finit par faire un mariage de raison (avouant d’ailleurs que « l’Eternité s’est avérée trop longue ») ; et lorsque Tristan revient, en fin de compte, c’est Isabel Deux qui l’attend encore… L’histoire ne s’arrête pas là : les drames et les moments de bonheur continueront à enrichir cette vie et à illuminer ce métrage filmé sobrement, sans fioriture, magnifiant discrètement les paysages et les décors (mention spéciale au chef opérateur qui sait trouver des plans exquis d'une Nature mouvante au gré des saisons). Brad Pitt joue un Tristan à l’allure d’un demi-dieu nordique, au regard toujours inquiet, comme à l’écoute de sa voix intérieure. Julia Ormond est tout simplement adorable tandis que Anthony Hopkins achève de prouver son talent d’immense acteur (il faut le voir bredouiller – il a presque perdu l’usage de la parole : « Screw'm ! Screw'm all ! Screw the gov'm'nt ! »).

[critique] Légendes d'automne : la fureur de vivre

Un beau spectacle, un très beau récit qui ne cherche pas à s’appesantir sur le mélo ou les drames (pourtant

nombreux), moins maniéré que Shakespeare in love du même réalisateur. L’émotion, toujours présente, s’affirme de manière discrète – j’en connais qui pleurent franchement !

 

La version HD (disponible sur le blu-ray Sony de 2011) rend enfin hommage à cette oeuvre splendide, récupérant les bonus existant en DVD et rétablissant enfin un peu de justesse dans les sous-titres français. Elle est bien entendu à privilégier absolument, même si les arrières-plans manquent cruellement de définition, avec des ciels parfois fourmillants et une phot manquant de piqué.

Merci à Jennifer

 

Titre original

Legends of the Fall

Date de sortie en salles

5 avril 1995 avec Columbia TriStar

Date de sortie en vidéo

19 mai 1998 avec TriStar

Photographie

John Toll

Musique

James Horner

Support & durée

Blu-ray Sony (2011) region All en 1.85 :1 / 133 min

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S
Un très bon film aux paysages magnifiques. Je ne me lasse pas de le regarder et la musique est splendide.
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V
Sa façon d'être dans ce film tient tout entière dans deux de ses répliques : lorsque Alfred se propose, elle lui répond qu'elle ne pourrait que lui causer du tort. Mais lorsqu'elle va voir Tristan en cellule, elle lui avoue qu'elle aurait aimé être la mère de ses enfants, et qu'elle a eu envie de tuer sa femme. Pourtant, le film va bien au-delà de leurs relations et s'attache avant tout à l'évolution de Tristan.
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J
C'est vrai, c'est une bonne réflexion et comme il le disait si bien dans le film : "elle est comme l'eau qui s'incruste dans la roche et la fait éclater..."
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V
Oui, Susannah est l'axe du film et, à elle seule, l'origine ou le prétexte de la plupart des problèmes qui secouent la famille. Mais Tristan demeure le moteur du métrage et, malgré les nombreux plans de groupe, il est le personnage qui a le plus d'ampleur et d'emprise sur ce qui l'entoure. On a presque l'impression (injuste en fait) que les autres gravitent autour, sans pour autant être des faire-valoir, mais que chacune de leurs décisions n'aura de sens que lorsqu'il s'y sera confronté. du cuop, on comprend mieux la colère rentrée d'Alfred, l'aîné, auquel le père n'a jamais porté l'affection et le regard qu'il réservait à son cadet.
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J
Chouette, je suis contente que tu aies apprécié ce film. L'article est tout à sa hauteur, je n'en attendais pas moins de toi...Les paysages sont magnifiques, sauvages et pourtant ils nous révèlent une certaine plénitude. Ils me font souvent penser à ceux que choisissent Robert Redford.Les 4 acteurs assument leurs rôles, Anthony Hopkins est exceptionnel à la fin lorsque son personnage a eu une attaque et qu'il se retrouve avec une paralysie faciale, ce n'est pas pour rien qu'il a été nominé aux Oscars pour son interprétation. Il a été trahi par le gouvernement lorsqu'il était militaire et qu'il espérait sauver les Indiens qui finalement seront massacrés et déportés. Il ressent encore cette colère et se conduit toujours comme un militaire qui refuse de montrer ses sentiments.Brad Pitt donne vie à son personnage, il est empli de fougue, de colère, de soif de liberté et même lorsqu'il essaie de les contenir, on le devine mal à l'aise parce qu'il est dépassé par ce sentiment sauvage et qu'il ne parvient  pas à l'enfouir, le combattre. Aidan Quinn est le grand frère presque paternaliste. Son regard sur ses frères ou sur Julia Ormond est emprunt de tendresse et de sincérité, il les couve sans les étouffer, les protège.Julia Ormond est fabuleuse elle aussi. Son sourire est ravageur, sa joie de vivre au début du film transmissible. La vie ne lui a pas fait de cadeau et pourtant elle veut survivre mais pour cela elle a besoin d'amour. Elle est sincère et entière. Elle donne toute son énergie pour rendre heureux Henry Thomas (le petit garçon d'E.T) puis Brad Pitt mais entre la mort d'Henry et la fuite de Brad, elle se retrouve à nouveau seule dans cette contrée sauvage et choisit le mariage de raison pour combler un manque qui la ronge. On ne peut pas lui reprocher ses choix parce qu'on constate qu'elle ne triche pas, qu'elle ne fait qu'obéir à ses sentiments, qu'elle ne veut faire de mal à personne. On voit qu'elle souffre et qu'elle ne sait pas quoi faire pour s'en sortir.C'est donc une saga familiale au milieu d'une contrée sauvage  où les sentiments et les émotions diverses défilent et nous transportent. On se laisse emporter dans la folie de Brad, la tristesse de Julia, on ne parvient pas à trouver l'issue du film car l'histoire est pleine de rebondissements.A voir pour être dépaysé.
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