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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

DSN23

Into the wild ***

Ecrit et réalisé par Sean Penn (2007)

Avec Emile Hirsch, Hal Holbrook, William Hurt, Marcia Gay Harden…

Paramount, DVD zone1 (147 min)

 

Une chronique par TWIN

 

Tout juste diplômé de l'université, Christopher McCandless, 22 ans, est promis à un brillant avenir. Pourtant, tournant le dos à l'existence confortable et sans surprise qui l'attend, le jeune homme décide de prendre la route en laissant tout derrière lui.

Des champs de blé du Dakota aux flots tumultueux du Colorado, en passant par les communautés hippies de Californie, Christopher va rencontrer des personnages hauts en couleur. Chacun, à sa manière, va façonner sa vision de la vie et des autres.

Au bout de son voyage, Christopher atteindra son but ultime en s'aventurant seul dans les étendues sauvages de l'Alaska pour vivre en totale communion avec la nature.

(source : Allo Ciné)

 

Sean Penn est le genre d’électron américain paradoxalement très attirant, tant son jeu d’acteur, ses personnages, sont toujours sublimés par des incarnations viscérales et maladives dans leur ambiguïté.

L’homme déteint-il sur les rôles quand il trimballe le mouvement d’une quasi élite intellectuelle dans le milieu des artistes de cinéma, se faisant suivre caméra à l’épaule, parcourant voiture sous pieds les rues dévastés du Moyen Orient, pestant contre le protectionnisme et l’arrogance politique internationale de son pays, militant sur tapis de presse pour une prise de conscience éthique et culturelle ?

Un certain orgueil public, une frilosité évidente face aux entrelacs relationnels, ainsi qu’une voix sèche, décidée et subtilement antipathique, suffisent à nourrir un imaginaire de spectateur envers Sean Penn, que l’on retrouve aisément, à tort ou à raison, dans ses attributs de mise en scène.

Ses quatre réalisations ont ceci en commun qu’elles promènent des errances intimes, des quêtes initiatiques lancinantes, sur fond de problématiques sociales, psychologiques ou même philosophiques. The Crossing Guard, The Pledge et Into the wild (je n’ai pas vu The Indian Runner) soulignent la même course jusqu’à l’abîme d’un personnage central qui se laisse dévorer par son obsession, alors que nombre de figures satellites s’offrent comme autant de chances de rédemption. La quête est, sans nul doute, comme à chaque fois, juste et folle ; le discours est, lui, sec, brut, schizophrène dans sa capacité à lénifier et à révulser mais, au final, étrangement apaisant.

De cette fuite en avant—déjà brillamment (et très librement) adaptée dans l’épisode « Luminary » de la saison 2 de MillenniumSean Penn tire une ode à l’incertain, qui part de raison, puis devient passion, et finit comme sagesse d’une tristesse perdue. Avoir constamment passé le visionnage de l’œuvre à en haïr jusqu’à la colère et l’envie de terminer abruptement la séance, et en adorer, scène après scène, dans l’immédiateté, le génie, la virtuosité et l’illumination, me fait m’interroger sur le statut de ce film fascinant.

Le réalisateur semble tour à tour fasciné—le long de plans aux mouvements de caméra et autres artifices bouffis de béatitude (ralentis éhontés, choix musicaux d’une Amérique sociale…) devant le bienheureux retour à soi via ces fabuleux paysages et cette nature insoumise, et d’un montage propice aux valeurs beatniks et aux revendications à la naïveté souriante—et distant, voire apeuré, devant le parcours de son personnage.

Devant tant d’ambiguïtés, de bouillonnements narratifs et de variations de points de vue, je reste stupéfait. Pas ébahi devant des qualités définitives de mise en scène, mais fasciné par le processus de création introspectif et pour sûr un peu trop boursouflé de ce cinéaste, dont l’œuvre dégage une telle puissance symbolique qu’on en sort véritablement différent. Les scènes d’émotion humble avec Hal Holbrook valent quelques grands moments de cinéma, tant l’acteur s’affiche fragile et touchant. Pas évident de parler ou de commenter ce film alors que le générique commence à s’afficher : notre vie toute personnelle semble happée par ce dernier acte en état de grâce, ce cheminement vers quelques plans inouïs d’expressivité (William Hurt, sur la route).

Incontestablement, une œuvre que l’instabilité rend foisonnante.

 

Master riche en textures tactiles et piste 5.1 puissante en ambiances et envolées musicales. Cette édition simple DVD ne propose que des bandes annonces en suppléments, vite survolées, même si beaucoup présentent des films semble-t-il intrigants.

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T
Désolé, je ne l'ai plus... je l'ai donné à mon père. En fait, le DVD était à lui au départ et il a voulu le récupérer du coup. Mais je te garde toujours de côté La Passion.
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V
Non, j'avais visionné la saison 1, j'ai donc le temps. Et pour la 3, j'ai suivi vos conseils à Broots et toi. Au fait, mets-moi aussi Braveheart de côté pour ce que tu sais...
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T
Tu t'es pris la saison 1 aussi ?Je te déconseille fortement la 3...
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V
Je me la suis achetée d'occasion, j'en suis au troisième disque.
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T
C'est bien celui-ci. Frank finit par être à le seul à comprendre, voire à partager, le parcour du jeune. Cela en devient même le pivot de sa quête initiatique.J'y pense, as-tu pu finir de visionner cette fameuse saison 2 ou non ? J'aurais pu te la passer samedi...
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V
Ah mais ça y est, je l'ai vu celui-là ! Frank Black va chercher le jeune homme que tout le monde croit mort, finit par le retrouver et à la fin décide de rester encore un peu, non ?
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T
Oui, il est effrayant ce bout de pellicule. D'autant que le point de vue n'est jamais figé ou explicite. L'épisode de Millennium auquel je fais référence est beaucoup plus lénifiant.
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V
C'est vrai, on a du mal à y croire, d'autant que, en dehors de certains plans à forte charge sympbolique, Penn ne s'est pas embarrassé d'artifices. Ce n'est pas, contrairement aux derniers films d'Eastwood, un film confortable et rassurant.
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R
Oui, on a l'impression que c'est un peu de sa faute. Son idéalisme a quelque chose de coupable.Sinon, Tiwin, comme je ne savais pas que tu avais fait cet article, j'ai commenté ce film, que j'ai vu il y a trois jours, sur l'article que Vance a consacré au dernier Eastwood.Personnellement, j'ai trouve le film un peu déprimant. Comme je vis dans une région certes plus peuplée, mais dont les paysages peuvent être proches de ceux de l'Alaska, et qu'évidemment cette sauvagerie exerce à la fois fascination et répulsion (comme le montrera, je crois, un livre que je prépare, consacré aux grands écrivains qui ont parlé du mont Blanc et de la vallée de l'Arve et de Chamonix), comme il en est ainsi, dis-je, l'histoire m'a bien touché, mais aussi un peu effrayé.Finalement, le seul espoir laissé par la destinée du jeune homme, outre les clartés du ciel naturel à la fin (cela me fait penser à un texte que Nathalie Sarraute a consacré aux bords de l'Isère, en Tarentaise, et qui emportait son âme dans le grand tout cosmique, tel que le montraient le ciel et les nuages !), c'est la première scène, quand la mère l'entend réellement : c'est à distance, et sa volonté, au jeune, a survécu ! Sinon, c'est un peu triste, voire perturbant, surtout quand on apprend que c'est une vraie histoire.
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V
Oui, j'ai eu beaucoup de mal à écrire un texte dessus, puis j'ai décidé de le reporter. En fait, l'histoire m'a semblé extraordinaire et très prenante, chargée de symboles, mais il est vrai que le personnage principal se comporte un peu trop comme désaxé, dés-intégré et l'identification ne se fait pas automatiquement.
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