Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Récemment, j’ai été amené à travailler sur le film la Grande Illusion, l’un des plus grands films, sinon le plus connu, de Jean Renoir, datant de 1937. Revisionner cette merveille était déjà enrichissant, tant par la composition élaborée que par l’interprétation remarquable. Mais l’œuvre en elle-même a suscité des débats et commentaires intéressants, souvent passionnés, parfois déplacés. Ils permettent de mieux situer le travail exemplaire de ce metteur en scène aujourd’hui reconnu mais qui n’eut pas, en son temps, autant de facilité qu’on l’aurait pensé.
Ci-dessous des propos éclairés de Charles Spaak, le scénariste de
la Grande Illusion et de la Belle Equipe,
sans doute l’auteur/adaptateur le plus représentatif du réalisme français d’avant la Nouvelle Vague (qui a d’ailleurs précipité sa fin de carrière).
L’entretien dont c’est tiré date de 1971.
« Si tu allais proposer à Duvivier LA GRANDE ILLUSION, il me donnerait en échange LA BELLE EQUIPE... »
Duvivier m'écoute avec attention : « Votre histoire de soldats ne m'intéresse pas du tout... Vous perdez la raison ? »
Je reviens un peu penaud chez Renoir qui avait bien compris ce qu'il y avait de Front Popu dans mon scénario de LA BELLE EQUIPE. « Eh bien, on va continuer, on va faire LA GRANDE ILLUSION. »
Il s'en est fallu de très peu de choses. Dans une certaine mesure LA GRANDE ILLUSION pouvait mieux convenir à Duvivier et on peut imaginer ce qu'aurait donné LA BELLE EQUIPE dirigée par Renoir : des films totalement différents, mais incontestablement deux autres grandes réussites. »