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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] the Grudge : la quadrature du Ring

[critique] the Grudge : la quadrature du Ring

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’après avoir visionné Ring et le Cercle, puis Dark Water, puis encore le Cercle 2, on est en terrain connu ; mieux : un genre à part entière, le yurei eiga, qui a explosé au box office depuis Ring en 1998 – tout en puisant allègrement dans des références cinématographiques locales telles que Kwaidan (1963). Il s’agit à nouveau d’une histoire de fantômes (japonais) mus par une émotion puissante : ici, la rage, mêlée à la frustration, s’attache à un lieu (et non à une cassette) et se manifeste sous une forme féminine aux longs cheveux sombres et aux yeux morts. 

Donc pas de surprise : cette production (à laquelle a participé Sam Raimi) est une oeuvre calibrée pour le public américain tout en reprenant sinon l'esprit, du moins des éléments des références nippones.

Pour le reste, on entre très vite dans le vif du sujet avec un suicide dans la première minute. Ensuite, les scènes présentes et passées s’enchaînent de manière plutôt lisible, avec nettement plus d’apparitions que dans les films suscités : des ombres qui prennent corps, des bruits de pas, des pleurs, des miaulements et des visages blêmes qui surgissent du néant. C’est filmé habilement mais sans génie : si la fameuse démarche saccadée du fantôme tueur (cf. Sadako, le revenant tueur de Ring) est ici exploitée avec maestria, d’autres effets (notamment sonores) frisent le ridicule, alors qu’ils constituaient auparavant la signature des apparitions. On est à la fois très proche et très éloigné de Ring : l’horreur se manifeste plus souvent, plus concrètement et, même si l’aspect malsain reste évident, le déroulement est trop classique et manque de subtilité pour emporter l’adhésion ; citons en exemple, toute la séquence sur la fille qui téléphone, voit des choses sur son lieu de travail, s’enfuit, se réfugie chez elle mais n’est pas épargnée et trouve comme seul refuge son lit (comme tout enfant le ferait) - dommage que la suite ressemble à du Freddy...

 

L’image du DVD un brin délavée dénote un certain grain et refuse les couleurs chatoyantes : le chef opérateur Hideo Yamamoto propose une ambiance morne, grise, à l’image de la saison (ça doit être l’automne au vu des nombreuses feuilles sur le sol). Les scènes d’intérieur sont très sombres. Les enceintes diffusent régulièrement des basses inquiétantes, la musique de Christopher Young est discrète. L'édition collector offre une pléthore de bonus (dont une quinzaine de scènes coupées).

On ne parvient donc pas à se passionner, ni surtout à s’identifier aux personnages, qui s'avèrent creux, sans substance - l'interprétation calamiteuse de Sarah Michelle Gellar n'aide pas beaucoup et on a presque de la peine pour Bill Pullman. Leurs motivations nous échappent au point qu’on ait parfois l’impression d’être dans un mauvais Lynch (la présence de Grace Zabriskie, l'inoubliable Sarah Palmer de Twin Peaks, y est pour beaucoup).

La fin du film, d’ailleurs, n’est pas une réussite du genre.

 

Toutefois, the Grudge est plus brutal que d’autres productions équivalentes, les séquences horrifiques sont légion et raviront les amateurs. En pleine nuit, dans une pièce calfeutrée, ça peut faire trembler. C’est bien ce qu’on demande, après tout.

 

 

 

Titre original

The Grudge

Mise en scène 

Takashi Shimizu

Date de sortie France 

29 décembre 2004 avec Metropolitan

Scénario 

Takashi Shimizu & Stephen Susco

Distribution 

Sarah Michelle Gellar, Bill Pullman & Clea DuVall

Musique

Christopher Young

Photographie

Hideo Yamamoto

Support & durée

DVD Metropolitan (2005) zone 1 en 1.85:1 / 91 min

 

Synopsis : Une jeune Américaine, nouvelle venue au Japon, est chargée de s’occuper d’une vieille femme dans une maison apparemment paisible. Celle-ci renferme pourtant un terrible secret, habitée par les fantômes d’un passé plus que trouble.

 

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V
Suis passé, c'est toujour sun réel bonheur de parler de Lynch.
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R
Oui, Lynch est un génie ; il a un sens de l'image incroyable : dans Dune, que j'ai vu à sa sortie, je l'ai ressenti assez fortement. Twin Peaks, c'est le grand chef-d'oeuvre. J'en ai tourné une petite adaptation, avec des élèves de B.T.S. du lycée de Morez, dans le Jura. Ce n'était pas si mal. Mon article porte sur l'exposition de ses oeuvres plastiques qui a eu lieu à Paris, et part du catalogue, que j'ai acheté à Bonneville. J'ai aussi publié un recueil de poèmes au sein duquel je chante avec extase les louanges de Mulholland Drive, un film également sublime.
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V
Un fan, c'est un bien grand mot. J'ai découvert Lynch avec Sailor & Lula, Dune puis Elephant Man. Ca m'avait laissé une impression mitigée, quelque chose entre le grotesque élégant et le cérébral un peu snob. J'étais jeune. Plus tard, avec le recul, je me suis aperçu que sous ses dehors tapageurs et l'échec avoué de l'adaptation, Dune était un film fascinant. Quant à Elephant Man, il témoignait d'une maîtrise rare.C'est alors que survint Twin Peaks. LE choc. Une série hallucinée, visionnaire, semblant perdre parfois le fil d'une enquête surnaturelle avant de le retrouver. Tout, de l'ambiance feutrée aux plans prophétiques en passant par une bande son hypnotique de Badalamenti, m'avait séduit. J'ai été captivé. Par dessus tout, c'est cette impression d'étrangeté qui m'a séduit, cette capacité à transcrire un état légèrement décalé de la réalité (j'adhère moins à ses personnages volontairement outranciers), qui fait perdre pied et qu'on ait parfois l'impression de se noyer. Des séquences d'Inland Empire ou de Mulholland Drive m'ont plus terrorisé que tous le sfilms d'horreur depuis l'Exorciste. Rien que pour ça, j'aime Lynch, quand il parvient à opérer ce basculement et à nous entraîner avec lui dans ses visions oniriques. Je l'aime même, et surtout, quand il fait souffrir ma raison et détruit mes repères, imposant les siens qu'il s'attèle ensuite à démolir.Je lirai bien entendu la chronique dont vous parlez, avec plaisir.
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R
Ah, Sarah Palmer, celle qui voit des chevaux dans son salon ! J'adore cela, Twin Peaks. Je sais que vous êtes comme moi un fan de D. Lynch. Je lui ai consacré un article, sur mon blog, vous avez vu ? J'y parle de Twin Peaks, parce que c'est peut-être là qu'il a le plus créé tout un monde, toute une mythologie, avec ses loges secrètes, ses mystères, ses arrières-mondes : sublime !Le Cercle essayait déjà de reprendre l'atmosphère de mystère sacré qui transparaît dans les films de Lynch. Mais il faut sentir par soi-même les choses, pour saisir the big fish. Ce n'est pas si facile.Sinon, Le Labyrinthe de Pan (dont vous parlez avec une camarade dans le précédent message), je l'ai trouvé un peu glauque, excessivement violent. Et je ne suis pas convaincu autant par le destin final de la petite fille, même, que par celui de Laura Palmer. La portée politique m'a paru caricaturale. Je ne dois pas être assez "à gauche", comme on dit.A l'occasion, si le temps vous le permet, dites-moi ce que vous pensez de mon article sur David Lynch ! Il y en aura d'autres, bientôt.
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