Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Synopsis : Une jeune femme fait appel à John Constantine, spécialiste de l’occulte, pour élucider la mort de sa sœur jumelle à laquelle sont liés anges, démons et autres forces du Mal.
Hell wants him. Heaven won't take him. Earth needs him.
Parmi les adaptations de comic-books au cinéma, Constantine n'est généralement pas cité au rang des meilleures : les amateurs des histoires cruelles et cyniques de ce détective de l'trange n'ont pas retrouvé leur compte dans ce film plus visuel que cérébral, manquant de rythme et de souffle et expurgé de bon nombre des déviances qui faisaient le charme de la série dessinée.
Pourtant Constantine est un métrage plaisant lorsqu'on l'aborde sous un angle moins analytique, moins référentiel. En fait, il apparaît même vraiment enthousiasmant car on y retrouve un esprit BD très marqué avec des enchaînements de séquences plutôt ludiques et un travail sur la lumière intéressant (la photo est de Philippe Rousselot). Le cadrage est à l'avenant et le montage, qui peut paraître chaotique de prime abord, démontre une certaine intelligence dans la gestion de l'histoire. On est loin du film d'action brutal auquel la bande annonce, échevelée comme la plupart des productions américaines, laissait croire - mais on est tout aussi loin des pérégrinations métaphysiques mâtinées de questionnement éthique des histoires écrites par Garth Ennis.
Bien sûr, il y a des tas de défauts, mais si le casting a souvent été décrié - j'ai fait partie des premiers à faire la fine bouche - il a le mérite de laisser une impression bienveillante une fois le générique de fin atteint ; Rachel Weisz n'a pas encore l'aura et la prestance qu'elle finira par atteindre dans des productions ultérieures, et sa plastique particulière nuit un peu à l’empathie qu’on pourrait avoir pour cette femme qui devrait être plus torturée (elle campe une policière mais on ne la voit que très brièvement dans l'exercice de ses fonctions) ; Djimon Hounsou est méconnaissable mais, comme souvent, brillant ; reste Keanu Reeves : son côté inexpressif convenant pour une fois au caractère du héros, il a réussi à séduire les uns tout en agaçant les autres avec ses gimmicks de fumeur. La grande réussite vient de Tilda Swinton, fascinante en être équivoque, ange démoniaque et pervers.
Malgré la longueur du métrage (j'en aurais facilement accepté 30 minutes de plus pourtant !), certains seconds rôles sont sous-exploités, comme celui du père Hennessy qui nous laisse orphelins d’un personnage captivant quoique très classique dans la catégorie "sidekick". Totuefois, c'est pour mieux coller à l'intrigue qui se défend bien, surtout dans ses deux premiers tiers. Le finale est plus conventionnel et, somme toute, assez attendu. Des dialogues parfois désabusés viennent encore enrichir le film, laissant augurer (et c'est parfois frustrant) de ce qu'il aurait pu être avec une ambition moins commerciale. Constantine n'est pas à proprement parler "édulcoré", mais on y sent un matériau suffisant pour être exploité avec davantage de cynisme et de maestria, sans trop de subtilité excessive. Constantine, c'est un peu la version ado de Hellblazer.
Si les effets spéciaux sont superbes (personnellement, j'adore les ailes de Gabby, mises en scène avec brio), ils ne phagocytent pas l'ensemble. Pour un énième film sur le thème de l'Antéchrist, malgré ces énervantes sensations de déjà vu, on est emballé grâce à certains choix artistiques, comme celui de se concentrer sur les personnages et de ne pas jouer la carte du "plein les yeux" : on est bien loin du pseudo-gothique et ultra-référentiel mais un peu vide Van Helsing.
J’en reprendrai bien une louche. Cela dit, et c’est la même rengaine depuis des lustres, le comic-book de base était suffisamment riche pour nous offrir une œuvre plus fouillée, plus adulte, plus dense aussi : les caractères de ces personnages particulièrement éprouvés par un passé inavouable ou un fardeau de responsabilités trop lourd ne sont finalement qu’effleurés, même si avec une certaine justesse. Finalement, cette frustration qui nous habite au moment du générique de fin est le signe manifeste que le propos et l’ambition étaient justifiés, il suffisait juste d’aller un peu plus loin, que ce soit dans l’horreur métaphysique, dans la représentation de l’Enfer, dans les choix draconiens que doivent prendre ces êtres damnés. On pense parfois à la Cité interdite/Wicked City (Yoshiaki Kawajiri) ou d’autres avatars parus en anime, bien plus explicites et percutants sur le plan des confrontations démons/humains, du gore ou du sexe. Puis on se dit que, finalement, ça n’était pas si mal que ça, surtout quand on met en relation avec des ratages comme Stigmata ou des films trop légers et essentiellement orientés « action » comme la Fin des Temps.
Titre original |
Constantine |
Date de sortie en France |
16 février 2005 avec Warner Bros. |
Date de sortie en vidéo |
31 août 2005 avec Warner Bros. |
Réalisation |
Francis Lawrence |
Distribution |
Rachel Weisz, Keanu Reeves, Shia LaBeouf, Djimon Hounsou, Peter Stormare & Tilda Swinton |
Scénario |
Mark Bromback, Franck A. Cappello & Kevin Brodbin d'après l'œuvre de Garth Ennis & Jamie Delano |
Photographie |
Philippe Rousselot |
Musique |
Brian Tyler |
Support & durée |
Blu-ray Warner (2008) region ALL en 2.35:1 / 121 min |