Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
De la bonne science-fiction. Voilà l’impression qui se dégageait tant du visionnage de la bande-annonce, plutôt alléchante (classy, avec une ambiance fin de siècle, un humour caustique, un casting surprenant et des thématiques dans l’air du temps) que du communiqué de presse (ou simplement de n’importe quelle fiche accessible sur un site spécialisé) qui renforçait l’idée que, sur le papier du moins, on tenait là une pépite se donnant les moyens de son ambition.
Car on en a vu passer des tentatives ancrées dans la SF, s’en servant davantage comme un habillage prétentieux ou un contexte affriolant pour n’aboutir qu’à une histoire vue et revue, ou simplement une série B orientée action passant à côté de sa propre histoire. Les cinéphiles qui ne sont pas nés de la dernière pluie savent désormais à quoi s’attendre devant tant de promesses.
Et c’est vrai que c’est foutrement intéressant. Excitant même. Du coup, profitons donc de sa sortie en DVD, Blu-ray et VOD chez Metropolitan FilmExport le 26 novembre 2018 pour faire le point.
Le pitch propose un futur proche. On nagerait donc en pleine anticipation, avec ce qu’il faut d’objectifs politiques (ou tout du moins dénonciateurs de tendances actuelles) pour intriguer même les plus réfractaires à la notion de fiction spéculative : l’eau, devenue une denrée rare, donc précieuse, commence à manquer au plus grand nombre tandis que les notables se la coulent douce (dans tous les sens du terme, du coup). La grogne fait rage, qui se transforme vite en manifestations de masse, puis carrément en rébellion : Los Angeles décrète le couvre-feu, la loi martiale est sur les rails tandis que des milliers d’assoiffés assiègent le centre-ville et font face aux forces de l’ordre – elles-mêmes complètement corrompues par des maffieux du futur thésaurisant sur la rareté des ressources – un schéma entrevu dans Quantum of solace, par exemple.
Voilà pour le contexte. Car ce n’est que ça : un contexte. Comme Outland qui n’est qu’une version spatiale du Train sifflera trois fois. C’est ainsi que le décor est planté. Au milieu de tout ce chaos, certains tentent de profiter de l’aubaine : les flics étant tous occupés à contenir comme ils peuvent les hordes de mécontents envahissant les artères, les malfrats peuvent s’en donner à cœur joie (souvenez-vous de la réflexion que se fait John McClane dans Une journée en enfer). Une équipe tente de piller une banque. Ca tourne mal (faut dire que ça ne semblait pas clairement préparé) et elle se fait dézinguer. L’un des trois rescapés a alors l’idée de trouver refuge à l’Hotel Artemis.
Seconde bonne idée du projet.
A l’instar du Continental dans la franchise John Wick, cet établissement déjà ancien a pour principe de n’accueillir que les abonnés, et en nombre limité, abonnés qui ne sont que… des criminels. Interdit aux flics donc, ou à qui que ce soit qui n’a pas sa carte de membre. Règle d’or jalousement respectée par les deux préposés : l’Infirmière (une petite bonne femme agoraphobe taquinant la bouteille et peuplant son quotidien sordide de vieilles chansons hippies) et Everest, homme à tout faire mais avant tout videur et intendant.
Everest, c’est Dave Bautista, qui a le physique de l’emploi : une tonne de muscles qu’il ne faut pas trop faire chier, mais qui se plie en quatre pour l’Infirmière, même lorsqu’elle a des requêtes étranges. Cette dernière est campée par une Jodie Foster vieillie et rabougrie, et c’est encore une autre bonne idée du projet. Elle est sans conteste l’attraction numéro 1 du film avec ses petites manies tendancieuses, son flow presque incompréhensible et sa démarche de petite mamie, progressant dans les couloirs cosy à l’éclairage tamisé à petits pas rapides, nantie de cette certitude que renforce l’expérience. Au-dehors, les hélicoptères de la police sautent sous les roquettes des manifestants mais pour elle « ce n’est qu’un mercredi ordinaire ». Deux chambres sont déjà occupées par des individus qui ne s’identifient qu’au travers de noms de code (Nice, comme la ville de la Côte d’Azur, c’est pour la tueuse la plus réputée dans le circuit, rôle qui va comme un gant à une Sofia Boutella sexy en diable ; Acapulco pour un connard prétentieux et pété de thunes espérant pouvoir se trouver un moyen de transport au plus vite). Les trois gangsters rescapés du casse (vous suivez ?) se présentent, assez mal en point, mais l’un d’entre eux sera refoulé : il n’est pas membre. Waikiki et Honolulu pourront, eux, entrer et bénéficier des services de soins exclusifs de la maison – dont une imprimante 3D pour organes défaillants. Les pions sont en place, l’intrigue principale peut désormais se jouer.
Car ce n’est pas la guerre de l’eau qui constitue le plus clair du film, mais une histoire de contrat, d’honneur et de survie alors que tout ce bel édifice, qui a su résister au temps, commence (évidemment) à partir à vau-l’eau (oui, c’est fait exprès). Quelqu’un doit mourir mais qui ? On s’en doutera assez aisément lorsque les pièces du puzzle s’assembleront alors que des fragments du passé oublié de l’Infirmière viendront contrecarrer son indéfectible routine.
Mettre au second plan l’action et les combats est tout à l’honneur du scénariste/réalisateur écossais, mais Drew Pearce ne parvient cependant que rarement à insuffler de la profondeur à ses personnages disparates dont on ne saisit pas toujours les motivations et qui s’abîment dans des dialogues parfois savoureux mais à l’intérêt discutable. On assiste alors à une sorte de fouillis narratif dans lequel chaque protagoniste tente de saisir la balle au bond, Jeff Goldblum intervenant au milieu de tout ça avec sa formidable verve, malheureusement gâchée par un temps de présence ridicule. Pareil pour Zachary Quinto doté d’un rôle assez ridicule.
Construit sur des bases se hissant dans les plus hauts degrés de la SF, Hotel Artemis ne
passionne guère mais se permet tout de même d’engendrer un spectacle intriguant à l’humour féroce. Tout cet enchevêtrement finira par leur péter à la gueule, l’occasion bien sûr d’un joli numéro de Sofia Boutella (nettement plus convaincante que dans Kingsman) et de quelques facilités navrantes ponctuées de nombreux clins d’œil. On attendait également davantage de la bande originale confiée aux bons soins de Cliff Martinez néanmoins la photo est plutôt bien mise en valeur et rehausse le cadre particulier dans lequel se déroule 90 % du film.
Une expérience pas très originale mais sympathique à tenter, que vous soyez amateur de films d’action ou de SF, des deux ou d’aucun. Ne serait-ce que pour Jodie.
Titre original |
Hotel Artemis |
Date de sortie en salles |
25 juillet 2018 avec Metropolitan FilmExport |
Date de sortie en vidéo |
26 novembre 2018 avec Metropolitan FilmExport |
Photographie |
Chung-Hoon Chung |
Musique |
Cliff Martinez |
Support & durée |
DVD Metropolitan (2018) en 2.40 :1 / 95 min |
Hotel Artemis - film 2018 - Drew Pearce - Cinetrafic
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