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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

Avec Saint-Ange, Laugier a intrigué. C’était en 2004 et, malgré quelques imperfections dans la narration, on plaçait de grands espoirs dans la carrière de Pascal Laugier. Espoirs confirmés en 2008 avec l’incroyable Martyrs qui, même s’il a suscité bon nombre de commentaires malveillants, a rassuré ceux qui pensaient que le cinéma de genre français de qualité était mort.

Brillant et décomplexé, Laugier fait donc du cinéma comme d’autres partent en guerre. On ne peut pas, manifestement, lui reprocher de ne pas essayer. Il prend son temps, soupèse son sujet et se lance quand il en a l'opportunité - ou quand les astres lui sont favorables, ou la production suffisamment conséquente. Doté d'un style bien à lui qui sait multiplier les références sans en avoir l'air, élégant dans sa mise en scène, percutant dans ses prises de risques, pointilleux dans son point de vue, il fabrique une œuvre singulière, osée sans être totalement aboutie, comme si chaque film constituait la brique d'un édifice plus grand et encore indéfini.

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

Alors les cinéphiles ont attendu le Graal, un métrage qui serait son apothéose – et qui a tardé à venir. Débauché par les productions US, il ne semble guère avoir pu s’y exprimer à loisir. The Secret et Dead Island n’ont pas vraiment convaincu. Et voilà que Ghostland débarque et fait parler de lui, raflant quasiment tout ce qui était possible comme prix à Gérardmer (Prix du Public, de Syfy et Grand Prix 2018 par-dessus le marché), de quoi le propulser parmi les meilleurs films d’épouvante de tous les temps à voir. Les amateurs de bon cinéma ne pouvant décemment pas passer à côté de cette opportunité, voilà que le film est enfin proposé à la vente chez TF1 Studio depuis le 17 juillet 2018, sur tous les supports vidéo (et en VOD depuis le 14), après une exploitation en salles mitigée bien que salué par la presse comme l’un des meilleurs films de l’année.

Serait-ce le film attendu ?

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

Cela reste à voir. S’il s’agit d’une consécration, remettant le metteur en scène sur le devant de la scène et le laissant repartir auréolé de prix prestigieux, le film peine toutefois à convaincre les spectateurs scrupuleux ou exigeants. Car si Martyrs était définitivement une claque, Ghostland n'en a pas l'impact, ni la puissance expressive ou même la portée. Construit comme un film d'épouvante lambda, parsemant sa mise en place de sous-entendus évidents, dans un décor trop incongru pour être honnête (une vraie ferme du Manitoba utilisée comme décor réel et encombrée de tant d’objets hétéroclites que c’en devient suspect), il rappelle dans un premier temps les nombreux succédanés de slashers des années 70 et 80. Lorsque la première demi-heure multiplie les jump scares faciles et parfois vains, on finit par se douter qu'il y a, forcément, autre chose que ce douloureux rabâchage de situations éculées. On attend l'impromptu, l'élément fantastique, le virage nauséeux, la plongée dans la folie ou dans l'horreur pure - d'ailleurs, dans certains plans, on croit percevoir l'esquisse de quelque chose de différent, plus tortueux, glauque ou subtil que le tout-venant de l'horrifique. On attend simplement que Laugier se lâche et qu’il quitte ces sentiers trop souvent empruntés de l’épouvante facile faite d’arrière-plans mouvants, de musique ronflante et de mouvements soudains. Mais surtout on ne comprend pas où tout cela nous mène tant c’est balisé et déjà vu. La musique ronflante, le jeu un peu outré des jeunes actrices contrastant avec la placidité décalée de Mylène Farmer, la photo surchargée de détails achèvent de lasser.

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

C’est alors que le basculement s'opère. Qui sauve le film, condamné jusque-là à n'être qu'une infâme resucée de survivals adolescents, deux jeunes filles et leur mère condamnées à tenter de survivre face à des prédateurs freaks. Dès lors, Ghostland devient un objet filmique différent, alternatif, bien que demeurant fermement campé sur ses positions initiales. La réalité se dissout, les certitudes s’estompent, la narration se métamorphose. Tout en conservant son intrigue première, Ghostland introduit le questionnement : d’autres acteurs jouent les mêmes personnes, à d’autres moments. On se demande ce qu’il se passe, et ce qui s’est passé. On finit par douter de la véracité des faits observés et on cherche de quoi réécrire le réel. Ca n’est pas nouveau, cela dit, et on retombe assez tôt sur ses pattes : on se souvient peut-être de Sucker Punch par exemple (mais d’autres références guideront aisément les spectateurs assidus). Ce qui est désormais certain, c’est qu’il y a de la maturité dans le langage de Laugier, et une forme de sagesse dans ce qui passait autrefois pour du jusqu'au-boutisme, de la raison venant tempérer cette forme d’acharnement qui plaisait aux uns et gênait les autres. Certes, ça n'a pas la saveur révolutionnaire de ce qu'on aurait pu attendre d'un réalisateur aussi précieux, et tant la portée comme l'objectif manquent cruellement d'ambition au bout du compte. L'hommage appuyé au grand Howard Phillips Lovecraft peut agacer, ou au contraire éclairer différemment le cheminement de l'une des héroïnes tout en flattant la culture de l'amateur de littérature fantastique ou le rôliste rongeant son frein.

Ghostland en vidéo depuis le 17 juillet 2018

En germe, le film contient bon nombre d'éléments singuliers qui

auraient pu conduire à une œuvre plus ingénieuse et, surtout, plus unique. Il se suit cependant avec intérêt même si on a bien du mal à se passionner. Ghostland intrigue, mais ne surprend pas, fascine mais ne terrifie pas. Aux confins de ces réalités illusoires, d'autres que Laugier y ont construit des partitions plus belles ou plus singulières, néanmoins celle-ci a au moins le mérite d'exister, s’exprimant avec élégance et style.

A tenter.

Titre original

Ghostland

Date de sortie en salles

14 mars 2018 avec Mars Films

Date de sortie en vidéo

17 juillet 2018 avec TF1 Video

Photographie

Danny Nowak

Musique

Todd Bryanton, Georges Boukoff, Anthony d’Amario & Ed Rig

Support & durée

Blu-ray TF1 Video (2018) region B en 2.35 :1 / 91 min

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