Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Bien qu’il n’ait pas eu les honneurs d’une sortie en salles chez nous, l’Affaire Monet fait partie de ces DTV conçus pour faire passer une agréable soirée, avec un script solide, une réalisation sérieuse et un casting savoureux. Après un passage (hors compétition) au Festival du Film policier de Beaune cette année, il a finalement bénéficié de la distribution en vidéo de l’Atelier d’Images pour une sortie en octobre 2016.
Parfaitement mis en avant sur l’affiche et la jaquette, John Travolta porte évidemment le film sur ses épaules. Des journalistes enthousiastes saluent dans cette performance son « grand retour » car il est vrai que, même s’il n’avait pas entièrement disparu des écrans, il ne figurait ces dernières années que dans des productions secondaires ou dans des rôles de bad guy équivoque et volubile, avec une fâcheuse tendance à l’autodérision. Les premières minutes du film nous laissent d’ailleurs penser à une énième tentative d’exister coûte que coûte, avec un look vaguement hippie de taulard désabusé. Toutefois, tandis que se déroule une intrigue bien balisée (étape 1 : Ray Cutter s’arrange avec un caïd local pour sortir de prison 8 mois avant la fin de sa peine), on se rend compte du sérieux investi dans sa démarche d’acteur. Non pas qu’il se soit métamorphosé en nouveau Marlon Brando, mais on saluera cette sobriété singulière dans l’interprétation d’un faussaire habile spécialisé dans les œuvres picturales davantage concerné par la santé de son fils que par sa réhabilitation (étape 2 : Ray retrouve son père, ancien cambrioleur repenti, qui élève seul son petit-fils Will, le fils de Ray, lequel est atteint d’un cancer incurable). Les relations houleuses avec la famille (formidable Christopher Plummer en grand-père bougon, très bon Tye Sheridan en fils farouche) nourrissent un script sans véritable surprise dans lequel l’ex-détenu se retrouve coincé entre une enquête sur des réseaux mafieux, une dette impossible à régler et sa volonté inextinguible de remplir enfin son devoir de père auprès d’un rejeton qui le considère à peine (étape 3 : Ray accepte un dernier job pour le caïd en question afin de pouvoir rester auprès de son fils : copier un tableau de Monet pour pouvoir le voler et le remettre à une personnalité de la pègre).
On a donc droit à deux films en un : un film de casse, sans esbroufe ni sensationnalisme et un drame familial tout en retenue dans lequel un Travolta repenti tente d’établir le contact avec un fiston revêche, dont l’amertume est entretenue par sa maladie.
Etonnamment, l’équilibre entre les deux faces de ce même métrage est plutôt harmonieux, et même si on est très loin des préparatifs minutieux et du suspense de haute volée des références en la matière, on suit avec plaisir le déroulement de l’affaire, tout en essuyant quelques frustrations (tout ce qui concerne le côté « faussaire » est plutôt survolé, on se rend compte que Ray est un copieur habile (l’acteur a passé quelques temps à Hong-Kong pour s’entraîner et ses crayonnés sont plutôt convaincants) et qu’il s’y connaît en art pictural grâce à quelques réflexions et références bien senties, mais on ne s’attardera pas sur la conception de ce qui devait être la pièce maîtresse du casse, la copie du tableau proprement dite (étape 4 : Ray se rend compte qu’il est filé par les Fédéraux et se voit obligé de demander l’aide de son père et d’accepter l’appui de son fils).
Ce melting-pot de genres nuira aussi à l’intensité du film, chiche en scènes d’action et à la réalisation classique, cependant on comprend que l’intérêt du scénariste se déporte constamment sur la relation entre Ray et son fils plutôt que sur la possibilité pour Ray de se sortir du double carcan de la pègre et de la Justice.
Un film viril glorifiant les liens fraternels et paternels, où les femmes sont étrangement absentes (Abigail Spencer joue bien un agent fédéral, mais son charme n’apparaît que par intermittence et on la voit trop peu ; Jennifer Ehle dans le rôle de la mère de Will servira avant tout de faire-valoir) et les bandits assez ridicules. Du coup, on espère que tout se passera sans anicroche tant la pression sur les épaules de ce père pénitent est lourde. Ce n’est certes ni Ocean’s Eleven, ni Nos étoiles contraires, mais on en sort agréablement satisfait.
Titre original | The Forger |
Réalisateur | Philip Martin |
Date de sortie en salles (USA) | 24 avril 2015 |
Date de sortie en DVD | 19 octobre 2016 avec L’Atelier d’images |
Scénario | Richard D’Ovidio |
Distribution | John Travolta, Christopher Plummer, Abigail Spencer & Tye Sheridan |
Photographie | John Bailey |
Musique | Rob Cairns |
Support & durée | Blu-ray L’Atelier d’images (2016) region B en 2.35 :1 /96 min |
Synopsis : Un faussaire s’engage à dérober une œuvre célèbre de Monet afin de rembourser un mafieux qui lui a permis de sortir de prison plus tôt, le tout pour pouvoir passer un peu plus de temps avec son fils cancéreux.