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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Frantz : reconstruire par le pardon

[critique] Frantz : reconstruire par le pardon

François Ozon se renouvelle encore, et signe avec Frantz un film d’une très grande sensibilité, tout dans la retenue. Pierre Niney et Paula Beer sont extraordinaires, tandis que la musique, le montage et le récit font presque penser à Hitchcock.

Lorsqu’un nouveau film de François Ozon sort, c’est toujours un petit événement. Le cinéaste, l’un des plus acclamés de l’hexagone, n’a eu de cesse de se renouveler tout au long de sa carrière, alternant les genres avec succès. Ici, le réalisateur de Huit Femmes s’essaie au drame dans le contexte de l’après 14-18. Des films français traitant des conséquences de la guerre, il y en a eu plein. A ceci près que Frantz, lui, s’intéresse particulièrement au point de vue des Allemands. Et c’est ce qui fait de ce récit sur le mensonge, la culpabilité et la résignation, scénarisé par François Ozon lui-même, un bouleversant plaidoyer humaniste.

Il serait stupide de vous dévoiler les éléments de l’intrigue, d’autant que le résumé du film reste très évasif, car Frantz est une histoire complexe fondée sur les non-dits, les manipulations et les contradictions. Le long-métrage est de fait à l’image de ses deux personnages principaux, littéralement scindé en deux, partagé entre les mensonges et les vérités, un œil tourné vers le passé et l’autre vers l’avenir, avec son magnifique noir & blanc irrigué ponctuellement de couleurs. Et alors qu’arrivé à la moitié, l’on pense avoir enfin toutes les cartes en main pour saisir les tenants et aboutissants de l’histoire, François Ozon part dans une toute autre direction en proposant une sorte de suite en mode miroir, où les rôles semblent inversés, où les entreprenants deviennent soumis, où les mensonges sont préférables à la réalité, où les certitudes prennent un tout autre sens. Jamais le réalisateur ne joue la facilité, et même s’il a tendance à trop vouloir manipuler le spectateur par moments au point que certains rebondissements deviennent prévisibles, sa mise en scène est d’une élégance remarquable.

 

En s’intéressant à l’ambiguïté des relations franco-allemandes de l’après-guerre, et en insistant sur la nécessité de pardonner et de se reconstruire de ces deux peuples, François Ozon livre une œuvre captivante. Le choix de ses comédiens est parfait, avec un duo principal particulièrement juste. Pierre Niney confirme une fois de plus qu’il est à l’aise dans tous les registres, dans le rôle de cet homme tour à tour mystérieux, lâche, manipulateur, charmeur, y compris lorsqu’il doit jouer en allemand, et Paula Beer est quant à elle une belle révélation, dans un rôle tout en retenue. L’on retient de ce film un joli message sur le pouvoir de l’art unifiant les peuples, et sur la nécessité de continuellement aller de l’avant pour ne pas être paralysé et parasité par les erreurs passées. Frantz parle de reconstruction par le pardon, à la fois entre ces deux pays mais également, plus subtilement, entre deux générations. Très bon film donc que ce nouveau François Ozon, d’autant que la tonalité générale pourra presque vous faire penser à Hitchcock

Titre original

Frantz

Mise en scène 

François Ozon

Date de sortie

07/09/2016 avec Mars Films

Scénario 

François Ozon

Distribution 

Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner, Marie Gruber & Alice de Lencquesaing

Photographie

Pascal Marti

Musique

Philippe Rombi

Support & durée

2.39 : 1 / 113 minutes

 

Synopsis : Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.

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